Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 14/01/2021

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le plan de suppression de postes annoncé par le groupe Michelin.
En effet, le groupe Michelin a annoncé le mercredi 6 janvier 2021 un plan de suppression de postes concernant jusqu'à 2 300 de ses 21 000 postes en France en trois ans, soit plus de 10 % des effectifs. Après avoir déjà supprimé 1 500 postes depuis 2017, le fabricant de pneumatiques dit viser « une amélioration de sa compétitivité pouvant aller jusqu'à 5 % par an pour les activités tertiaires et pour l'industrie, qui ne doit cependant pas comprendre de départs contraints ».

On peut tout d'abord s'interroger sur le fait que les effectifs soient le seul levier de compétitivité envisagé par la direction. Cette décision a particulièrement surpris les salariés et leurs représentants syndicaux, elle ne semble donc pas avoir fait l'objet d'échanges approfondis avec les organisations et structures représentatives des salariés et en tout cas ne part pas d'un diagnostic partagé. Or le Gouvernement ne cesse de plaider pour la négociation sociale dans les entreprises, il paraîtrait donc normal qu'il intervienne pour qu'elle ait réellement lieu chez Michelin et que la réduction d'emplois soit réduite au maximum. L'expérience montre qu'elles sont rarement, voire jamais, réversibles.

Le Gouvernement se dit déterminé à favoriser les relocalisations dans le pays. Or Michelin possède de nombreuses productions à l'étranger. Elle lui demande si le Gouvernement a engagé des contacts avec le groupe Michelin pour envisager les conditions qui permettraient des relocalisations et s'il s'est assuré que derrière ces réductions de postes ne se profilaient pas des délocalisations à plus ou moins long terme de certaines activités.
En effet, si le groupe a assuré qu'il n'y aurait pas de fermetures de sites, elle s'inquiète, comme bon nombre d'organisations syndicales, du manque d'investissements programmés – au moins pour certains d'entre eux – permettant d'assurer leur performance et compétitivité pour l'avenir.

Elle lui demande quelles dispositions compte prendre le Gouvernement pour s'assurer que le dialogue social soit exemplaire face à une réorganisation importante des activités de Michelin en France, que le nombre de réduction de postes soit réduit au maximum, que le groupe n'engage pas ainsi des délocalisations à plus ou moins long terme, que les investissements prévus dans les différents sites garantissent leur pérennité et leur développement, qu'une stratégie de relocalisation de certaines activités du groupe soit engagée.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 28/04/2022

Le marché du pneumatique poids lourds est soumis à la fois à une forte concurrence, notamment chinoise qui représente aujourd'hui 30% de parts de marché en Europe, et à une évolution de la demande qui se déplace de produits premium vers des produits d'entrée de gamme. Entre 2010 et 2018 la part de marché des pneumatiques premium poids lourds en Europe est passée de 59% à 49%. Concernant les pneus tourisme et camionnette, en 2019, un pneu sur deux vendu en France était importé, contre un sur quatre en 2010. De plus, l'année 2020 aura été marquée par une baisse du marché européen des pneus de 15% (vs 2019) pour les véhicules légers. Or, en termes de structure, la valeur des importations et exportations de pneumatiques est logiquement dominée par les enveloppes pour véhicules légers : 63 % des importations et 58% des exportations en 2019. La crise de la COVID-19 a renforcé et cristallisé ces tendances. De fait, sur la base des projections actuelles, il ressort que l'année 2020 aura été marquée par une baisse du marché européen des pneus de 15% (vs 2019) pour les véhicules légers et de 17% pour les pneus poids-lourd. Dans ce contexte, Michelin a annoncé le 26 janvier dernier une restructuration concernant 2300 emplois. Michelin a souhaité co-construire ce projet avec les partenaires sociaux et que cette restructuration se fasse dans le cadre d'un dialogue social avec les Institutions représentatives du personnel (« IRP ») et les salariés notamment en France. Michelin a conduit un diagnostic dès 2019 pour trouver des leviers d'amélioration de productivité et de compétitivité, dont les résultats ont été présentés aux IRP. Un travail de rationalisation et de la responsabilisation des sites, a été effectué par le biais d'accords de compétitivité permettant aux usines de prendre des trajectoires propres. L'objectif est de gagner de la productivité à la fois pour les activités tertiaire et de production à l'horizon 2023. Le groupe annonce un projet de suppressions de postes uniquement basé sur le volontariat et sans départ contraint. Il est prévu que 60% des départs soient des départs anticipés à la retraite et que les 40% par des départs restants soient des départs volontaires de l'entreprise. Le début des négociations a eu lieu fin janvier 2021 avec un accord-cadre de Gestion des emplois et des parcours professionnels (« GEPP ») et une rupture conventionnelle collective (« RCC ») afin de gérer ces départs sur 3 ans. La mise en œuvre des mesures est prévue pour l'été 2021. De plus, une RCC sera négociée annuellement pour s'assurer de la robustesse des leviers choisis.  Michelin a fait part, de son souhait de pratiquer une politique volontariste de développement d'activités nouvelles et a réaffirmé le développement d'activités à forte valeur ajoutée en France, liées à la transition énergétique. La France reste le socle principal de la recherche du groupe et la base de lancement pour les activités de diversification de Michelin. Ainsi, En janvier 2021, Michelin, à travers Symbio, sa joint-venture avec Faurecia, a posé la première pierre de la future usine de production de piles à hydrogène à Saint-Fons. A terme, ce projet pourrait générer plusieurs centaines d'emplois et contribuer à faire de Michelin et de la France un leader mondial dans le secteur de l'hydrogène. De plus, Michelin souhaite s'engager en France dans l'industrialisation de la technologie de rupture de recyclage des matières plastiques conçue par la société canadienne Pyrowave avec laquelle le Groupe a signé dernièrement un partenariat stratégique. Enfin, Michelin prévoit la création d'ici 2024 d'un pôle d'excellence industrielle à Cataroux (Clermont-Ferrand), fédérant une communauté d'acteurs publics et privés pour bâtir un lieu unique et attractif autour de thématiques porteuses pour le tissu économique, éducatif et culturel du territoire Michelin annonce une cible de croissance de 5% par an à partir de 2023, grâce notamment à ces diversifications d'activités hors de son métier historique des pneumatiques. Cela représente une ambition d'environ 34 milliards d'euros de chiffre d'affaires à la fin de la décennie, contre environ 24,5 milliards estimés en 2023. Le groupe affirme sa volonté de consolider son ancrage en France tout en continuant ses investissements, son recentrage sur les activités à forte valeur ajoutée et sa politique en matière de formation pour préparer aux métiers de demain Les services locaux de l'Etat entretiennent un contact régulier avec les différents sites afin de suivre leur dynamique et les projets, en lien avec la pérennité de l'activité du groupe Michelin. L'Etat est particulièrement attentif à la manière dont est élaborée cette restructuration, à la qualité de la concertation avec les organisations représentatives du personnel. L'État s'assurera aussi que Michelin respecte ses obligations en matière de revitalisation du territoire et d'avenir des sites concernés. Les services de l'Etat, au niveau central, et localement sous l'autorité des préfets concernés, suivront la situation au plus près et des points d'avancement seront effectués régulièrement avec la direction de Michelin. Le 10 octobre dernier la fermeture de son site de La Roche-sur-Yon et la suppression sur le site de Cholet de 74 postes relatifs à une activité directement liée à la production de La Roche sur Yon. Le groupe a engagé avec les salariés, la négociation d'un Plan de sauvegarde de l'emploi. L'Etat est particulièrement attentif à la manière dont est élaboré ce plan, à la qualité de la concertation avec les organisations représentatives du personnel et à l'effectivité des offres de reclassement interne et externe au groupe Michelin. L'État s'assurera aussi que le groupe Michelin respecte ses obligations en matière de revitalisation du territoire et d'avenir du site de La Roche-sur-Yon. Les services de l'Etat, au niveau central et localement sous l'autorité du préfet de Vendée, suivent la situation au plus près et des points d'avancement sont effectués régulièrement avec la direction de Michelin. Face à une suspicion de concurrence asiatique déloyale et alors qu'une filière de rechapage et de fabrication de pneumatiques pour véhicules légers reste active en France, l'Etat via  la DGCCRF mènera très prochainement une campagne ambitieuse de contrôle de l'adéquation entre l'étiquetage et les performances réelles des pneumatiques vendus sur le marché français. Le Gouvernement est favorable au développement du rechapage qui est une technologie environnementalement vertueuse et économiquement pertinente. Le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, porté par le ministère de la transition écologique et solidaire, en cours d'examen par le Parlement, vise notamment à développer la réutilisation des produits ; à ce titre le rechapage des pneumatiques s'inscrit pleinement dans cet objectif. Un amendement au texte initial a d'ailleurs été introduit en première lecture par les sénateurs pour faciliter l'accès des pneus rechapés et rechapables aux marchés publics. Le Gouvernement sera attentif à soutenir l'objectif avec le vecteur législatif ou réglementaire le plus adapté. Le Gouvernement déplore la fermeture de sites industriels mais entend les motifs de marché exposés par Michelin et constate un engagement industriel de Michelin en France qui reste fort, maintient un niveau d'investissement élevé et s'adapte à l'évolution concurrentielle.

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