Question de M. BIGOT Joël (Maine-et-Loire - SER) publiée le 21/01/2021

M. Joël Bigot attire l'attention de M. le Premier ministre sur la ratification par la France du traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) adopté par l'organisation des Nations unies le 7 juillet 2017, par 122 pays sur 192. À cette occasion, la France n'avait pas participé au vote.

L'article 15 du traité dispose que le « présent traité entre en vigueur 90 jours après le dépôt du cinquantième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion ». Le seuil de cinquante ratifications a été franchi le 24 octobre 2020 à la suite de son adoption par le Honduras. Le traité est donc entré en vigueur 90 jours plus tard, soit le 22 janvier 2021.
Le préambule de ce traité insiste sur la « lenteur du désarmement nucléaire et sur l'importance que continuent de prendre les armes nucléaires dans les doctrines militaires ». Il s'inscrit dans la continuité des dispositions du droit international existant ainsi que sur le principe fondamental du respect de l'humanité.

Le traité sur l'interdiction des armes nucléaires prohibe l'utilisation, le développement, la production, les essais, le stationnement, le stockage et la menace d'utilisation de telles armes.
Un sondage IFOP réalisé en juin 2018 pour « La Croix » et « Planète Paix » indiquait que 76 % des Français sont favorables à ce que « la France s'engage dans un processus international d'élimination totale et contrôlée des armes atomiques, tel que prévu par l'ONU ». À la question plus précise : « Vous personnellement, pensez-vous que la France doive maintenant s'engager dans ce processus, c'est-à-dire signer et ratifier ce Traité d'interdiction des armes nucléaires », 67 % des Français répondent favorablement, soit plus des deux tiers de la population.

La France, qui s'est engagée dans le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, s'honorerait à débattre dans la plus grande transparence de la ratification du traité sur l'interdiction des armes nucléaires, en sollicitant la représentation nationale.

À cet effet, il lui demande de lui faire connaître ses intentions sur ce sujet.

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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 24/06/2021

La France est engagée avec détermination en faveur de la poursuite du désarmement nucléaire. Le Président de la République l'a réaffirmé avec force dans son discours à l'École de Guerre le 7 février 2020. La France a déjà engagé des efforts sans équivalent en matière de désarmement depuis 30 ans : réduction du format de la dissuasion française et abandon de la composante terrestre, démantèlement irréversible de ses anciens sites de production de matières fissiles pour les armes et de ses anciens sites d'essais nucléaires. En vertu du principe de stricte suffisance, la France possède aujourd'hui un total de moins de 300 têtes nucléaires et n'a pas d'armes en réserve. Nous nous sommes donné, pour la suite, un agenda clair et ambitieux : la poursuite de la réduction des arsenaux russes et américains, qui représentent plus de 90 % du stock mondial d'armes nucléaires, l'entrée en vigueur rapide du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la négociation immédiate d'un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes, la poursuite des travaux sur la vérification du désarmement nucléaire et sur la réduction des risques stratégiques. S'agissant du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN), si la France a refusé, comme ses Alliés, de prendre part aux négociations, c'est que l'approche de ses promoteurs n'est pas compatible avec l'approche réaliste et progressive du désarmement nucléaire qui est la nôtre et qui suppose de tenir compte de l'environnement stratégique et du contexte de sécurité. Or, ceux-ci sont marqués, depuis plusieurs années, par la multiplication des menaces à la sécurité et la stabilité internationales (crises de prolifération nucléaire, prolifération d'armes chimiques, remise en cause de l'architecture internationale de la maîtrise des armements, accroissement de certains arsenaux nucléaires, etc.). Par ailleurs, il est important de souligner que le TIAN est incompatible avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui constitue depuis 50 ans le pilier de la non-prolifération et du désarmement nucléaires et qui permet, de manière équilibrée, l'accès aux usages pacifiques de l'atome. En outre, ce traité comporte de graves lacunes : il ne comporte pas de régime de vérification ; il remet en cause les progrès effectués au cours des deux dernières décennies et les nombreux efforts consentis par la France et de nombreux partenaires pour renforcer le régime de garanties de l'Agence internationale de l'énergie nucléaire (AIEA), instrument essentiel à nos objectifs de non-prolifération. Enfin, ce traité ne donnera lieu à l'élimination d'aucune arme nucléaire : il ne fait, en effet, pas de doute que tous les États possesseurs d'armes nucléaires ou proliférants, qui portent atteinte à la sécurité internationale, n'y souscriront pas. Pour cette raison, le Président de la République a rappelé, le 7 février 2021, que nous ne pouvions « donner à la France comme objectif moral le désarmement des démocraties face à des puissances, voire des dictatures qui, elles, conserveraient ou développeraient leurs armes nucléaires ». Notre force de dissuasion nucléaire demeure, en ultime recours, la clé de voûte de notre sécurité et la garantie de notre indépendance et de nos intérêts vitaux. Pour toutes ces raisons, de nombreux États, en Europe et sur d'autres continents, dont certains sont pourtant très engagés en faveur du désarmement nucléaire, ne le signeront pas. D'autres, qui avaient participé aux négociations, ont pris, depuis, leurs distances avec ce traité. La France est pleinement consciente de la responsabilité qu'entraîne la possession de l'arme nucléaire. Le bilan exemplaire de la France lui confère la légitimité pour plaider auprès des autres puissances nucléaires en faveur de gestes concrets en direction d'un désarmement global, progressif, crédible et vérifiable. La France, qui exerce la présidence du « Processus P5 » en 2021, œuvre résolument en ce sens. La France, au titre de ses responsabilités propres, est également prête à participer à des discussions qui rassembleraient les cinq États dotés d'armes nucléaires au sens du TNP, sur les priorités du désarmement nucléaire, le renforcement de la confiance et de la transparence sur les arsenaux et les stratégies nucléaires de chacun. Alors que la 10e Conférence d'examen du TNP doit se tenir prochainement, la France s'efforce de travailler avec ses partenaires à son succès et à la promotion d'une approche réaliste, étape par étape, du désarmement, la seule qui permettra d'avancer vers l'objectif ultime d'un monde sans armes nucléaires.

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