Question de Mme DEMAS Patricia (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 18/02/2021

Mme Patricia Demas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences de l'arrêt des exportations de la laine française consécutif à la crise sanitaire, et de la baisse d'activité de cette filière à l'échelle nationale.
La France possède un cheptel de près de cinq millions de brebis qui produisent environ 6 000 tonnes de laine par an.
Dans les Alpes-Maritimes, 35 tonnes de laine sont récoltées chaque année, dont une vingtaine dans le seul parc régional des Pré Alpes d'Azur, selon les éleveurs. Cependant, depuis des décennies la valeur de la laine tricolore a périclité. On élève surtout les ovins pour la viande ou le lait. La vente ne permet souvent même pas de payer les frais de la tonte, un passage obligatoire pour le confort de l'animal et pour lutter contre la myase, une sorte de mouche du mouton, très invasive.
La laine française était jusqu'à récemment, exportée pour 80 % vers la Chine où elle était majoritairement transformée pour le marché américain. Depuis la crise de la Covid-19, la Chine a coupé court à ses importations de la laine qui, de fait, s'accumule de manière alarmante, dans les hangars des éleveurs. Cette chute de la demande chinoise est catastrophique pour la filière. La question aujourd'hui n'est pas de savoir à quel tarif modique la laine serait achetée, dans l'éventualité d'une reprise toujours hypothétique des échanges, mais surtout de savoir si elle le sera, sachant qu'au bout de deux ans, elle perd sa qualité. Dans ce cas, il faudra alors détruire d'importants stocks de laine restés sur le territoire. Il faudra trouver une solution pour s'en débarrasser sachant que la laine est imputrescible et qu'elle brûle très mal. La question cruciale est de savoir comment et avec quels moyens et soutiens, sans quoi les éleveurs seront contraints de faire le travail eux-mêmes avec toutes les conséquences que cela suppose, économiques et sanitaires, en l'absence de règles et de contrôles.
L'alternative serait de se saisir de cette situation pour donner un élan à la filière de la laine française qui pourrait retrouver ses lettres de noblesse, se réinventer et offrir, sur le moyen et le long terme, de véritables opportunités dans une logique vertueuse de développement durable et économique. L'outil productif français (lavage, filage, feutrage, etc.) existe toujours mais devrait être modernisé et mis aux normes environnementales, aspects indispensables pour une filière émergente de production de laine artisanale. Par ailleurs, de plus en plus d'initiatives se développent dans les territoires, novatrices, respectueuses de l'environnement pour valoriser la laine française à l'échelle nationale. Dans les Alpes-Maritimes le projet de « laine rebelle » - circuit court de proximité, de la tonte au filage et à la confection de vêtements et accessoires vendus en boutique - en est une illustration encore en balbutiement qui demande à être encouragée pour se développer.
Le plan de relance consacre trente milliards d'euros dans son volet écologique, avec une volonté du Gouvernement de promouvoir les activités industrielles vertueuses. Les producteurs et agriculteurs auxquels de nombreux efforts sont demandés, attendent des pouvoirs publics un soutien pour des filières vertueuses, leur apportant de nouveaux débouchés économiques.
Elle souhaite, d'une part, savoir quelles seront les mesures et le soutien que le Gouvernement compte apporter pour structurer la filière de destruction des déchets issus de la laine plus particulièrement au regard du contexte actuel vécu par les éleveurs. Elle souhaite également savoir quels moyens le Gouvernement entend déployer pour accompagner et développer une filière génératrice d'emplois non délocalisables, alliant lieux de production et de transformation locaux et régionaux, porteuse d'avenir et respectueuse de l'environnement.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 26/08/2021

La filière lainière française produit environ 14 000 tonnes de laine par an, issue des plus de 7 millions d'ovins présents sur le territoire. Plus de 7 000 tonnes de laine de tonte brute (en suint) ont été exportées en 2019, à 70 % à destination de la Chine. La laine non exportée est principalement valorisée pour des applications techniques (géotextiles, isolation, etc.) ou détruite. La production de laine textile d'origine française représente quelques centaines de tonnes. Il existe des qualités de laines différentes, dont la valorisation est également variable : les laines les plus qualitatives comme celle du Mérinos sont vendues quelques euros par kg, les moins utilisées ne trouvent pas d'offre d'achat en ferme. Une fois achetée et ramassée dans les exploitations, la laine doit être lavée et transformée, deux activités qui se sont raréfiées sur le territoire français et européen. En France, il ne subsiste qu'une unité de lavage industrielle, quelques unités de taille modeste et quelques unités de transformation importantes accompagnées d'un réseau d'entreprises locales souhaitant valoriser cette matière (filature, teinture). C'est ainsi qu'une partie importante de la laine brute produite en France est exportée puis transformée à bas coût, majoritairement en Asie, pour revenir partiellement sur le marché sous forme de textile. La crise sanitaire de la covid-19 a des impacts sur l'activité de la filière. Les éleveurs et les tondeurs ont globalement su s'adapter. En revanche, le marché de la laine brute s'est bloqué. Les stocks des négociants sont arrivés à saturation et la majorité des éleveurs ont dû garder leurs laines, en espérant que les cours remontent pour ceux qui ont la capacité de stocker. C'est une situation conjoncturelle et non structurelle, qui atteint également d'autres secteurs d'exportation des coproduits animaux. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est attentif à l'évolution de cette situation. Avec l'appui de l'établissement public FranceAgriMer, un groupe de travail sur les coproduits animaux (laine, cuir, peaux et plumes) réunit depuis plusieurs années les acteurs de la filière. Il assure le suivi des marchés et réfléchit aux pistes d'actions à mettre en place. La filière laine présente un potentiel de développement important, avec un double objectif de relocalisation d'une partie de la transformation et de contribution au revenu des éleveurs. La relance d'une réelle filière française de la laine correspond, en outre, aux nouvelles attentes sociétales de consommation locale, de pérennisation des savoir-faire et des emplois. Le plan de la filière ovine comporte à ce titre une action spécifique visant à structurer la filière laine. Son objectif est d'identifier et de créer de nouveaux débouchés pour la laine et de développer de nouveaux produits plus respectueux de l'environnement à l'échelle artisanale (feutres pour remplacer les plastiques en maraîchage, fertilisant liquide ou solide à base de laine, etc.). Le plan d'action national bioéconomie a également repris cet objectif. Une démarche collective dénommée « tricolor » a été lancée par la filière, à la suite des rencontres nationales de la laine au mois de septembre 2020, à Saugues. Sa première assemblée générale a eu lieu le 25 novembre 2020 et a montré l'existence d'une véritable dynamique et d'une volonté partagée de développer la laine produite et transformée en France. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation souhaite accompagner la filière en tirant les leçons de la crise de la covid-19. Le plan France Relance et notamment sa mesure « Structuration de filières agricoles » est une opportunité pour accompagner la filière dans sa démarche de développement et de structuration. Les professionnels ont été invités à s'en saisir et un dossier est actuellement en cours d'instruction. Plusieurs initiatives locales se développent également dans les différents bassins de production ovine et peuvent être soutenus par les collectivités, ainsi que par des aides relevant du développement économique, notamment au titre des fonds européens FEADER. En matière de valorisation hors filière textile ou d'élimination, la laine relève de la catégorie des sous-produits animaux. Ses usages ou ses modalités d'élimination sont prévus par le règlement européen (CE) n° 1069/2009. Elle peut ainsi être utilisée au sein d'une usine de compostage agréée et respectant des conditions prévues par la règlementation européenne, qu'elle soit utilisée seule ou en mélange avec des lisiers (fumier, crottin, litière usagée). Elle peut être aussi utilisée pour la fabrication d'engrais au sein d'une usine agréée après examen de la normalisation de l'engrais préalable à l'autorisation de son application dans les sols. Le lavage industriel permet aussi de valoriser la laine en usage technique (hors fertilisant, hors alimentation animale). Enfin, la production de protéine hydrolysée pour l'alimentation des animaux ou d'autres usages, dans le respect de la réglementation sanitaire peut être envisagée. Son application directe dans les sols est toujours interdite qu'elle soit broyée ou non, avec ou sans enfouissement pour des motifs sanitaires. La filière s'est déjà rapprochée à cet effet de la direction générale de l'alimentation chargée de cette règlementation. Les interlocuteurs privilégiés des porteurs de projet de valorisation de la laine sont les agents des directions départementales chargées de la protection des populations en charge de la thématique des sous-produits animaux.

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