Question de Mme DURANTON Nicole (Eure - RDPI) publiée le 18/03/2021

Mme Nicole Duranton expose à M. le ministre des solidarités et de la santé l'idée de rendre permanentes les dispositions prises durant la crise sanitaire pour faciliter les téléconsultations dans tous les départements qui n'ont pas assez de médecins pour couvrir, même hors crise sanitaire, les besoins de leur population.

Elle indique que le département de l'Eure est celui qui compte le moins de médecins par habitants en France avec 94 médecins pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 151 médecins généralistes pour 100 000 habitants. Actuellement, sur 600 000 habitants, près de 10 % n'ont même pas de médecin traitant et les délais de consultation sont à dix jours.

Elle fait le constat que les habitants de ce département médicalement sinistré sont en détresse depuis des années et n'ont absolument aucun espoir de voir la couverture médicale s'améliorer à court comme à moyen terme.

Elle est convaincue que la seule réponse opérationnelle possible à cette carence grave de l'accès aux soins pour tous est la téléconsultation. La téléconsultation permet en effet de mettre en contact des patients des zones sous-dotées avec des médecins des zones sur-dotées.

Elle déplore qu'en vertu d'accords passés entre l'union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et les syndicats de médecins libéraux, les téléconsultations ne sont remboursables que si elles émanent d'une « organisation territoriale de soins », autrement dit, si elles sont pratiquées par les médecins du territoire de résidence du patient. C'est un non-sens dans un département qui en est quasiment dépourvu.

Durant la crise sanitaire, cet obstacle a heureusement été temporairement levé par le Gouvernement qui a autorisé le remboursement des téléconsultations par des médecins installés n'importe où sur le territoire national.

Elle constate qu'avec cet assouplissement des conditions de remboursement des téléconsultations durant la crise sanitaire, les Eurois sont de plus en plus nombreux à avoir recours à ce service, qui leur permet l'accès aux soins.

Elle lui demande donc, au nom de l'égalité de traitement des usagers dans l'accès aux soins, à ce que cet assouplissement ponctuel devienne, au-delà de la crise sanitaire, la règle pour les habitants de départements qui manquent (comme l'Eure) cruellement de médecins.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles publiée le 04/06/2021

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2021

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, auteure de la question n° 1593, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le secrétaire d'État, aujourd'hui, les Français sont inégaux dans l'accès aux soins, alors qu'il s'agit d'un droit fondamental. En la matière, il y a urgence à rétablir une égalité pour tous.

À cette carence grave de l'accès aux soins, la téléconsultation est une réponse opérationnelle possible, sans qu'il faille pour autant relâcher les efforts mis en place pour les consultations en présentiel. La téléconsultation permet en effet de mettre en contact des patients des zones sous-dotées avec des médecins des zones sur-dotées.

Or, à ce jour, en France, toutes les téléconsultations ne sont pas remboursées sans condition.

Entre 6 et 8 millions de personnes n'ont pas accès à un généraliste et, sauf en cas de covid, elles ne peuvent pas se faire rembourser leurs téléconsultations hors département, comme le prescrit pourtant l'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie du 14 juin 2018. Il s'agit, pour elles, d'une double peine.

Mon département de l'Eure est celui qui compte le moins de médecins par habitant en France : on y dénombre 94 médecins pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale se situe autour de 151. Actuellement, sur 600 000 habitants, près de 10 % n'ont même pas de médecin traitant et les délais de consultation avoisinent les dix jours. Les Eurois sont en détresse depuis des années et ils désespèrent de voir la couverture médicale s'améliorer à court ou à moyen terme.

Malheureusement, selon certaines prévisions, la situation nationale devrait même s'aggraver, avec une baisse de 30 % de l'offre de soins d'ici à 2027.

Je déplore que, en vertu d'accords passés entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et les syndicats de médecins libéraux, les téléconsultations ne soient remboursables que si elles émanent d'une « organisation territoriale de soins », c'est-à-dire si elles sont pratiquées par les médecins du territoire de résidence du patient. En temps normal, si celui-ci consulte un médecin d'un autre département, il n'est pas remboursé.

Durant la crise sanitaire, le Gouvernement a heureusement levé cet obstacle.

Avec cet assouplissement des conditions de remboursement, les Eurois sont de plus en plus nombreux à avoir recours à ce service, qui leur permet l'accès aux soins.

Monsieur le secrétaire d'État, dans quelle mesure serait-il envisageable de faciliter le remboursement sans condition des téléconsultations interdépartementales pour couvrir, même une fois la crise sanitaire passée, les besoins de la population ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. Madame la sénatrice, le déploiement de la télémédecine représente évidemment un enjeu crucial pour la modernisation et le renforcement de notre système de santé. Il y a là une opportunité majeure pour améliorer l'accès aux soins, comme en témoigne de façon assez éclatante la crise que nous venons de traverser.

C'est bien pour cela que le Gouvernement a, dans le cadre du plan Ma santé 2022 – c'est-à-dire bien avant la crise –, fait entrer dans le droit commun la tarification des actes de téléconsultation et de téléexpertise. C'est aussi la raison pour laquelle, dès le début de la crise sanitaire, il a pris des mesures dérogatoires d'assouplissement pour la prise en charge des téléconsultations et ouvert les prises en charge des activités de télésoin.

Vous proposez de rendre permanentes ces dispositions prises durant la crise. Si la prise en charge de téléconsultations hors parcours de soins était déjà possible avant la crise, au travers d'organisations validées par les commissions paritaires locales ou via les expérimentations dites « avenant 8 » de la CNAM, l'expérience des derniers mois doit sans doute nous inciter à revoir le cadre conventionnel de prise en charge des téléconsultations.

Il faut noter qu'au plus fort de la crise, malgré les dérogations permises, plus de 80 % des téléconsultations respectaient le parcours de soins, avec une connaissance par le patient du médecin téléconsultant.

Même si une reproduction à l'identique des mesures dérogatoires ne semble ni nécessaire ni souhaitable, dès le lancement du Ségur de la santé, le ministre des solidarités et de la santé a souhaité, d'une part, que le principe de connaissance préalable du patient pour les téléconsultations soit assoupli, d'autre part, que des téléconsultations hors parcours de soins coordonné puissent être prises en charge dans des conditions plus souples.

Des propositions ont été faites aux représentants des médecins en ce sens dès la fin de l'année 2020. Elles n'ont pas encore abouti, mais le Gouvernement reste confiant sur une prochaine issue positive.

Nous devons également nous appuyer sur les infirmiers et pharmaciens de nos territoires, qui peuvent accompagner les patients, ainsi que sur les nouvelles pratiques de télésoin, qui devraient pouvoir s'inscrire dans un cadre conventionnel pérenne.

L'essentiel est bien de tirer le plein bénéfice de la télésanté, en coordination avec l'ensemble des autres pratiques. Vous le savez, la télésanté ne saurait être l'unique réponse aux problématiques de désertification médicale ; ce n'est d'ailleurs pas le sens de votre question, madame la sénatrice. Je ne crois pas d'ailleurs que ce soit le souhait des habitants de l'Eure et ce n'est pas non plus conforme à la réalité des parcours de soins.

De nombreux autres leviers sont ainsi mobilisés pour renforcer la démographie médicale, que ce soit via le développement de l'exercice coordonné ou encore la création du service d'accès aux soins. C'est un chantier long et important qu'il nous faut mener tous ensemble.

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