Question de Mme de LA GONTRIE Marie-Pierre (Paris - SER) publiée le 04/03/2021

Question posée en séance publique le 03/03/2021

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, pour la première fois dans notre histoire récente, un ancien Président de la République a été condamné à trois années d'emprisonnement pour « corruption active » et « trafic d'influence » par le tribunal correctionnel. Quelques heures plus tard, lors d'un déplacement officiel, votre ministre de l'intérieur a indiqué : « Nicolas Sarkozy, en ces moments difficiles, a évidemment tout mon soutien. »

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Il a le droit d'avoir des amis !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lorsque le ministre de l'intérieur s'exprime face caméra en déplacement officiel, le propos qu'il tient n'est pas un propos privé : c'est la position du Gouvernement.

M. Bernard Jomier. Oui !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : partagez-vous les propos de votre ministre de l'intérieur ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Considérez-vous qu'ils soient compatibles avec sa fonction ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement publiée le 04/03/2021

Réponse apportée en séance publique le 03/03/2021

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie, vous êtes une spécialiste des questions institutionnelles et des questions judiciaires. Vous savez donc qu'en tant que membre du Gouvernement je n'ai pas de commentaire à faire sur une décision de justice.

Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est déjà fait !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. Il y a une séparation des pouvoirs et un État de droit.

Vous avez repris les propos de Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Je regrette que vous ne les ayez pas cités dans leur intégralité. Gérald Darmanin a commencé par dire : « Je n'ai pas de commentaire à faire sur une décision de justice. »

M. Bernard Jomier. Il a pourtant commenté !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. Il l'a dit on ne peut plus clairement. Qu'il ait ensuite, à titre personnel, des mots amicaux pour une personne qu'il connaît, c'est tout à fait son droit.

M. David Assouline. Si c'est personnel, qu'il envoie un SMS !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. Ce qui importe, c'est que, depuis le début de ce quinquennat, en tant que membres du Gouvernement, chaque fois que nous sommes invités à réagir sur une affaire judiciaire – cela est valable pour tout justiciable, mais a fortiori lorsqu'il s'agit d'un ancien Président de la République –, nous nous en tenons tous à une ligne intangible qui est de ne pas commenter une décision de justice.

M. David Assouline. C'est pourtant ce qu'a fait le ministre de l'intérieur !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. C'est ce qu'a rappelé Gérald Darmanin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le Premier ministre, votre silence est éloquent. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez souhaité ne pas répondre et, finalement, nous ne saurons pas si vous partagez ou non les propos du ministre de l'intérieur. Pour ma part, j'ai tendance à penser – je vous fais confiance sur ce point – que vous manifestez ainsi votre réprobation.

Vous avez décidé d'inscrire à l'agenda du Gouvernement un texte, qui sera présenté par le garde des sceaux, visant à « rétablir la confiance dans la justice ».

M. Marc-Philippe Daubresse. Il y a du boulot !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans la même perspective, dans cet hémicycle, nous débattrons dans quelques jours d'un texte sur le respect des principes de la République.

Lorsque l'on a l'honneur d'être membre d'un gouvernement, on doit chérir la Constitution et on doit chérir les principes de la République, notamment le respect de la loi et l'indépendance de l'autorité judiciaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Comment ne pas voir l'effet dévastateur de l'expression publique d'un soutien amical adressé par le patron des policiers à une personne lourdement condamnée pour des manquements à la probité ? (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Monsieur le Premier ministre, nul ne peut se réjouir de voir un ancien Président de la République condamné pour corruption, mais tous nous devrions nous réjouir d'avoir une justice qui s'applique à tous, puissants ou misérables. Nous devrions, aux termes de notre Constitution, chérir l'indépendance de l'autorité judiciaire, dont le Président de la République est le garant.

Monsieur le Premier ministre, il semble nécessaire aujourd'hui que vous le rappeliez à votre ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

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