Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 25/03/2021

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les objectifs fixés en matière de produits servis dans les repas par les restaurants collectifs du public.
L'article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous fixe un objectif de 50 % de produits durables et de qualité dans l'approvisionnement de la restauration collective.
Les produits issus de l'agriculture biologique ou bénéficiant de certains signes ou mentions - label rouge, appellation d'origine protégée (AOP), indication géographique protégée (IGP), spécialité traditionnelle garantie, haute valeur environnementale, produits fermiers encadrés réglementairement – sont comptabilisés dans cet objectif.
Or, de nombreuses collectivités locales font part d'une offre insuffisante de ces produits. Les filières biologiques et de produits de qualité en circuit court sont parfois insuffisamment structurées et ne peuvent pas répondre aux cahiers des charges des collectivités. Par ailleurs, l'approvisionnement en produits durables et de qualité visés par la loi pourrait conduire à un enchérissement important du prix des denrées (entre 30 % et 50 % selon certaines estimations).
Ainsi, les produits bénéficiant de signes d'identification de l'origine et de la qualité sont bien souvent présents que sur des produits haut de gamme à faible production. Dans certaines régions comme la Normandie, les produits certifiés haute valeur environnementale sont très peu développés. Dix ans pourraient être nécessaires pour atteindre un niveau de production suffisant en Normandie.
Les difficultés d'approvisionnement en produits de qualité et durables pourraient être accrues avec le projet d'étendre cet objectif à la restauration collective privée prévu par le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets en cours de discussion.
En outre, les collectivités s'approvisionnent directement auprès de producteurs locaux qui n'appartiennent parfois pas à des groupements de fournisseurs en capacité de labelliser ou de certifier leurs productions. Ainsi en Normandie, un tiers des lycées, contre 15 % l'année dernière, proposent désormais plus de 50 % de produits normands qui ne sont toutefois pas toujours comptabilisables dans l'objectif fixé par la loi. Le respect de cette obligation pourrait se faire au détriment de ces acteurs locaux.
La prise en compte de l'approvisionnement local - qui est parfois plus vertueux en matière environnementale que l'approvisionnement en produits comptabilisés dans l'objectif - aiderait à l'atteinte de ce seuil tout en respectant l'esprit de cette mesure.
Aussi, il lui demande les mesures qu'il compte prendre afin de comptabiliser les produits locaux dans l'objectif de 50 % de produits durables et de qualité dans l'approvisionnement de la restauration collective prévu par la loi.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 03/06/2021

L'article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM » prévoit qu'à partir du 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective contiennent une part d'au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique ou en conversion. S'agissant de la disponibilité de ces produits, les dernières études montrent que le développement de ces filières continue d'être très dynamique. Ainsi, selon l'agence Bio, un peu plus de 10 % des exploitations sont désormais engagées en agriculture biologique (AB). Les surfaces en AB ont cru de 13 % entre 2018 et 2019 et atteignent désormais 8,5 % de la surface agricole utilisée française. Selon l'institut national de l'origine et de la qualité, plus d'un tiers des exploitations agricoles françaises livre au moins une production sous appellation d'origine controlée/appellation d'origine protégée (AOC/AOP), indication géographique protégée (IGP) et label rouge. Les signes AOC/AOP, IGP et label rouge concernent plus de 1 100 produits. La part de production sous signes de qualité officiels est particulièrement notable dans le secteur des fromages et des volailles, où elle représente respectivement 13 % et 10 %. Enfin, le nombre d'exploitations certifiées de haute valeur environnementale augmente fortement, atteignant 5 399 exploitations mi-2020, soit une progression de 52 % sur les six premiers mois de l'année 2020. Au-delà de la filière viticole, précurseur en la matière, les filières de l'arboriculture, du maraîchage, de l'horticulture et des grandes cultures ont continué leur engagement dans le dispositif. De plus, l'engagement des agriculteurs dans le niveau 2 de la certification environnementale a été dynamisé par la loi EGALIM et on compte aujourd'hui 17 500 exploitations agricoles engagées dans des démarches reconnues, réparties dans toute la France et dans de nombreuses filières. S'agissant de la part de ces produits en restauration collective, estimée à environ 389 M€, le marché du bio en restauration collective a rattrapé le niveau de la moyenne nationale et progresse désormais plus rapidement avec une croissance de plus de 20 % sur 2019 contre une croissance de 13 % en moyenne du marché. Pour ce qui concerne les autres produits entrant dans le décompte des produits durables et de qualité au sens de la loi EGALIM, ils sont encore parfois mal connus des opérateurs et sont en tout état de cause plus difficiles à identifier et à tracer car ils n'étaient pas pris en compte jusqu'ici dans le suivi des approvisionnements. Cependant la connaissance, l'identification et le suivi de ces produits progressent grâce à la loi EGALIM et à l'accompagnement du conseil national de la restauration collective (CNRC). Par ailleurs, concernant le risque de coûts supplémentaires pour l'achat de ces denrées, le rapport d'évaluation portant sur les impacts budgétaires des objectifs de la loi EGALIM remis au Parlement en octobre 2019 a montré que les éventuels surcoûts peuvent être compensés, notamment par la mise en place de démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire permettant de dégager des économies sur les quantités achetées, l'optimisation de la fonction achat de denrées alimentaires, l'adaptation des grammages et l'accroissement du recours aux protéines végétales et la cuisine sur place à base de produits bruts. Ainsi, les coûts supplémentaires peuvent être maîtrisés, ce qui permettra de maintenir la qualité des produits n'entrant pas dans le décompte des objectifs d'approvisionnement. D'ailleurs, le plan de relance permet aux petites cantines de disposer de moyens pour s'équiper et former le personnel en la matière. En outre, s'agissant des conséquences de l'extension de l'article L. 230-5-1 à la restauration d'entreprises et de centres de loisirs tel que prévu par le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, le rapport du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux transmis à l'assemblée nationale, fait apparaître que l'impact économique de cette extension serait marginal en volume sur le développement et la structuration des filières dans leur ensemble. En effet, la restauration d'entreprises et de centres de loisirs représente un pourcentage de l'ordre de 10 % du total des prestations de la restauration collective. Ce rapport souligne que la plupart des petites et moyennes entreprises-petites et moyennes industries n'est pas concernée par une restauration d'entreprise et a le plus souvent recours aux chèques restaurant. Enfin, à propos de l'inclusion des produits locaux dans l'objectif de 50 % de produits durables et de qualité, le code de la commande publique ne permet pas de faire mention directement de l'origine locale, ce qui serait contraire aux principes du droit de la concurrence. Pour autant, un important travail a été engagé sur la rédaction des cahiers des charges afin de s'affranchir du critère du prix. À cet égard, il est permis, en s'appuyant sur la rédaction de certaines clauses, de sélectionner des achats locaux en restauration collective, dans le respect du code de la commande publique. Un guide pratique à l'attention des acheteurs de restaurations collectives en gestion directe vient d'être publié. Il comprend des recommandations pour la rédaction des documents de consultation relatifs aux marchés publics de fourniture en denrées alimentaires. Le Gouvernement est attaché à la promotion des produits locaux et a, de ce point de vue, beaucoup œuvré pour renforcer la souveraineté alimentaire française. C'est un axe majeur du plan de relance à travers notamment le développement des projets alimentaires territoriaux qui bénéficient d'une enveloppe sans précédent de 80 M€. Une initiative avec la distribution pour mettre en valeur les produits locaux et de saison a été également lancée. Enfin, la plate-forme « frais et local », qui favorise la vente directe de produits en ligne, directement auprès des producteurs, va encore dans ce sens. Les discussions en cours sur le projet portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, permettront en outre d'envisager de nouvelles pistes pour encourager les acheteurs publics à s'approvisionner en produits issus de circuits courts dans le respect du droit.

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