Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 15/04/2021

Mme Pascale Gruny attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics sur la lisibilité pour le contribuable de la réforme de la fiscalité locale. La suppression de la taxe d'habitation entre 2020 et 2023, qui entraînera une perte de ressources pour les communes, sera compensée à partir de 2021 par un transfert aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties. De nombreux maires du département de l'Aisne lui ont fait part de leur mécontentement concernant la présentation de la future feuille d'impôt. En effet, sur celle-ci ne figurera plus la colonne « département » puisque le taux prélevé par le département est désormais intégré au taux communal. Or, avec l'application du fameux coefficient correcteur, la somme inscrite dans la colonne « commune » comprendra la part de la taxe reversée à d'autres communes en vertu du système national de péréquation. Dans l'Aisne par exemple, la taxe foncière du département est supérieure de 66,7 millions d'euros à la taxe d'habitation levée par les communes. Il n'est pas possible de laisser croire aux contribuables que les communes s'attribueront ces 66,7 millions d'euros qui, de fait, ne leur reviendront pas en application des transferts assurés par l'État dans le cadre des budgets généraux. Pour des questions de vérité et de transparence vis-à-vis de nos concitoyens, il est indispensable que, sur la présentation de la taxe foncière, ne soit imputé aux communes que ce qui va leur revenir réellement en termes de montant. Même si, en définitive, le montant payé par le contribuable reste le même, il importe que les contribuables n'aient pas l'impression que la commune a augmenté son taux d'impôt foncier en contrepartie de la suppression de la taxe d'habitation décidée par l'État. Les parlementaires et les maires des grandes villes de l'Aisne ont écrit à la ministre de la cohésion de territoires et des relations avec les collectivités territoriales pour lui proposer deux écritures possibles de la taxe foncière prenant en compte ces éléments. Elle lui demande si le Gouvernement envisage cette clarification dans la présentation de l'avis d'imposition.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics publiée le 04/06/2021

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2021

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 1635, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

Mme Pascale Gruny. Jeudi dernier, j'étais à Laon avec mon collègue Antoine Lefèvre, pour remettre au préfet plus de 250 courriers de maires de l'Aisne, qui jugent la réforme de la fiscalité locale illisible pour le contribuable.

Monsieur le ministre, vous avez choisi de compenser dès 2021 la suppression de la taxe d'habitation par une réaffectation de la taxe foncière départementale dans le budget des communes.

Concrètement, sur la feuille d'impôt du contribuable ne figurera plus la colonne « département », puisque le taux prélevé par cette collectivité sera désormais intégré au taux communal.

La taxe foncière dans l'Aisne étant l'une des plus élevées de France, nos communes vont devoir rendre le surplus, en raison du coefficient correcteur institué, à des communes plus riches situées hors du département. Le produit de la taxe foncière est supérieur de 66,7 millions d'euros à celui de la taxe d'habitation levée par les communes de l'Aisne.

Nous ne pouvons laisser croire aux contribuables que nos communes percevront cette somme qui, de fait, ne leur reviendra pas ! Autrement dit, ne leur donnons pas l'impression que la commune a augmenté son taux d'impôt foncier pour compenser la suppression de la taxe d'habitation décidée par l'État.

Avec mes collègues parlementaires de l'Aisne, nous vous avons écrit, ainsi qu'à votre collègue Jacqueline Gourault, pour vous proposer deux écritures possibles de la taxe foncière qui prennent en compte ces éléments. Monsieur le ministre, quelle solution proposez-vous pour permettre à nos concitoyens de disposer d'une feuille d'impôt claire et transparente ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Gruny, vous l'avez dit, la suppression de la taxe d'habitation est compensée pour les communes par l'attribution de la part de taxe foncière sur les propriétés bâties que percevaient les départements.

Cette compensation est accompagnée d'un coefficient correcteur, de manière à assurer la neutralité du transfert commune par commune et à garantir le financement de l'intégralité de la compensation à l'échelon national.

Certaines communes auraient pu percevoir une taxe foncière supérieure à ce qu'elles recevaient de taxe d'habitation et sont ainsi écrêtées. Celles qui auraient pu percevoir une taxe foncière inférieure à ce qu'elles recevaient de taxe d'habitation se voient compensées et majorées.

Le système fonctionne bien et garantit une compensation à 100 %. Je précise que nous travaillons encore pour rattraper quelques retards concernant des rôles complémentaires, sujets sur lesquels certains de vos collègues m'ont interpellé.

Des difficultés de lecture se posent dans des territoires dont la fiscalité est quelque peu atypique. Vous l'avez dit, le département de l'Aisne fait partie des départements dont le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties est le plus élevé.

En 2010, le taux de cette taxe a été augmenté de 61 % dans le département et le taux de taxe d'habitation de la part départementale, avant qu'elle ne soit transférée aux intercommunalités dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, avait, lui, été baissé de 45 %. Ce choix fiscal, qui a été démocratiquement acté par le conseil départemental de l'époque, crée une situation atypique et les difficultés que vous avez évoquées.

Jacqueline Gourault et moi-même souhaitons que la lecture par le contribuable soit juste. La nouvelle présentation de l'avis d'imposition foncier qui s'appliquera à l'imposition de 2021 apportera les précisions utiles à cette compréhension du transfert de la part départementale.

Cet avis sera présenté de façon à prévenir tout malentendu et à préserver l'effet utile des politiques de taux conduites par le passé.

Ainsi, à l'identique de ce qui a été effectué lors de la création en 2015 de la métropole de Lyon et en 2019 de la ville de Paris, la part départementale ne figurera plus sur le tableau détaillant le calcul de la cotisation. L'avis présentera, pour 2020 et 2021, la somme des taux communal et départemental, pour que le contribuable puisse s'assurer de la neutralité de la réforme lorsqu'il n'y a pas eu d'augmentation de taux.

Aucun contribuable ou particulier et aucune entreprise ne constatera donc de ressaut de sa taxe foncière lié à la réforme, sauf si des augmentations ont été décidées par ailleurs.

En revanche, je ne souhaite pas favoriser la confusion entre la refonte du schéma de financement des collectivités et la suppression de la taxe d'habitation. Ainsi, nous n'inscrirons pas le montant des compensations. La présentation, accompagnée d'un encart didactique, permettra au contribuable de s'assurer de la neutralité de la réforme.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre, je puis vous assurer que le contribuable ne lit pas les notices : il regarde le montant qui figure sur son avis d'imposition !

Ce que nous voulons, c'est que le contribuable ne puisse pas penser que nous avons augmenté les impôts. Nous voulons que figure clairement la part que l'État affecte ensuite aux communes plus riches que nous.

Notre taux de taxe foncière est très élevé ; il est de l'ordre de 30 %, quand celui de Paris est de 5 %. Nous allons donc donner de l'argent à Paris ! Sincèrement, si vous laissiez au département de l'Aisne, qui est l'un des plus pauvres de France, quelques-uns des 66 millions d'euros qui lui seront pris, cela l'aiderait bien.

Aujourd'hui, les maires ne se sentent pas du tout aidés en termes de lisibilité. Mme Macarez, l'actuelle maire de Saint-Quentin, qui a succédé à Xavier Bertrand et à Pierre André, fait des camemberts tous les ans pour expliquer que le taux du département n'est pas le taux de la commune. Les contribuables trouvent néanmoins toujours que les impôts à Saint-Quentin sont élevés.

Vous allez encore accroître l'illisibilité sur ce sujet, monsieur le ministre.

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