Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 27/05/2021

Mme Pascale Gruny attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les nombreuses craintes suscitées par la volonté politique affichée par la Commission européenne d'intégrer les stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité » dans les règlements sur la future politique agricole commune (PAC). Ces deux stratégies visent à atteindre d'ici à 2030 des objectifs ambitieux : réduire de 50 % de l'usage de pesticides chimiques ; réduire de 50 % des pertes de nutriments ; consacrer au moins 25 % de la surface agricole à l'agriculture biologique et 10 % en éléments du paysage non productifs… Il est plus que probable que la mise en œuvre de ces objectifs affecte sensiblement les producteurs européens, notamment de grandes cultures, en réduisant fortement les volumes des produits et in fine leurs revenus. La sécurité alimentaire de l'Europe pourrait être également remise en cause par le jeu d'importation de produits agricoles moins disant sur le plan environnemental mais représentant un coût inférieur pour le consommateur. Ces stratégies ne font l'objet d'aucune étude d'impact précise de la Commission et la seule étude, d'ailleurs alarmante, sur ce sujet, provient du département américain de l'agriculture (USDA). Dès lors, et dans un contexte économique et social particulièrement difficile pour le monde agricole, elle lui demande, d'une part, si le Gouvernement français peut s'engager pleinement au niveau européen pour qu'aucune proposition législative de ces stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité » ne soit publiée avant que la Commission produise une étude d'impact précise et argumentée, d'autre part, d'assurer que tant que ces objectifs ne seront pas traduits en actes juridiques européens, ils ne pourront pas être introduits dans les législations existantes.

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Réponse du Premier ministre - Égalité entre les femmes et les hommes, diversité et égalité des chances publiée le 08/10/2021

Réponse apportée en séance publique le 07/10/2021

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 1696, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Mme Pascale Gruny. Pierre angulaire de la future politique agricole commune (PAC), le Green Deal ou Pacte vert suscite de vives inquiétudes chez nos agriculteurs.

En renonçant à l'horizon 2030 à 10 % de la surface agricole utile européenne, tout en diminuant de 50 % les pesticides et en quadruplant les terres bio, la nouvelle PAC pénalisera immanquablement l'agriculture traditionnelle, qui représente pourtant l'essentiel de la production européenne.

Cette transition agroenvironnementale entraînera une augmentation des prix des produits, que seuls les consommateurs les plus aisés des grands centres urbains accepteront d'acquitter. Les autres achèteront des produits importés depuis des pays extra-européens qu'ils trouveront en grande distribution !

Ce Green Deal se traduira aussi par une baisse sans précédent de la production agricole européenne : de 12 % d'ici à 2030 selon le ministère américain de l'agriculture et de 5 % à 15 % selon l'étude d'impact des stratégies « De la ferme à la fourchette » et « Biodiversité », rendue publique discrètement en plein cœur de l'été par la Commission européenne, après plus d'un an de tergiversations.

Le Green Deal annonce donc la décroissance et la fin de la souveraineté alimentaire de notre continent. Comment la France entend-elle empêcher un tel désastre et sauver notre modèle agricole traditionnel ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. Madame la sénatrice, le Pacte vert de la Commission, dont deux des stratégies – « De la ferme à la table » et « Biodiversité » – s'intéressent plus particulièrement à l'agriculture, à la pêche, à l'alimentation et à la forêt, comporte un programme de travail en termes de stratégies et de propositions législatives. Il propose des objectifs chiffrés à l'horizon 2030 en termes de part de la surface consacrée à l'agriculture biologique, soit 25 % à l'horizon 2030, ou de réduction de l'usage et des expositions aux produits phytopharmaceutiques, soit une baisse de 50 % à l'horizon 2030.

Une étude d'impact partielle a enfin été publiée au cœur de l'été par la Commission. Son bilan montre que, sans action forte en politique commerciale, l'on risque une décroissance verte. Or ce n'est l'intérêt de personne. Je regrette le manque de transparence de cette publication tardive de l'étude, après l'accord sur la réforme de la PAC.

Les propositions législatives annoncées dans les stratégies doivent être présentées par la Commission dans l'année à venir. Chacune devra s'accompagner d'une étude d'impact, conformément aux procédures européennes. Vous pouvez donc être rassurée à cet égard.

Il est clair que la PAC doit contribuer à l'atteinte des objectifs du Pacte vert. Julien Denormandie, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, s'est battu pour que cette dimension soit prise en compte de manière adaptée et que toutes les politiques européennes y contribuent. Il s'est aussi battu pour une articulation avec les objectifs du Pacte vert, mais dans le respect des objectifs propres que le traité fixe à la PAC : assurer notre souveraineté alimentaire et un niveau de revenu décent aux agriculteurs.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je regrette que M. le ministre de l'agriculture ne soit pas présent.

Je tenais à rappeler que nous avons besoin de la souveraineté alimentaire ; d'elle dépend aussi notre souveraineté économique. La participation de l'agriculture à notre balance commerciale n'est plus la même qu'autrefois. Nous devons être réellement vigilants sur ce point.

Au demeurant, avec le bio, les produits seront plus chers, mais les revenus des agriculteurs seront insuffisants. Aujourd'hui, des fermes cessent leur activité pour des raisons de trésorerie : elles ont effectivement choisi une agriculture plus verte, mais les subventions n'arrivent pas, ce qui est d'ailleurs hallucinant !

Enfin, vous le savez, les nitrates, les pesticides sont des médicaments. La plante a parfois besoin d'être soignée et nourrie. Elle a besoin des nitrates. La France doit préserver notre agriculture !

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