Question de M. SAURY Hugues (Loiret - Les Républicains) publiée le 27/05/2021

Question posée en séance publique le 26/05/2021

M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hugues Saury. Monsieur le ministre de l'intérieur, un jeune homme de 20 ans, mort ; un enfant de 5 ans, grièvement blessé alors qu'il traversait à vélo sur un passage protégé ; plus récemment, à Lyon, une femme fauchée par deux jeunes à scooter : pas une semaine ne passe sans que les agissements, aux conséquences parfois tragiques, des auteurs de rodéos motorisés fassent la une des médias.

Les victimes se multiplient. Les nuisances, pour les riverains, s'accumulent et instaurent un climat de violence.

Malgré la loi du 3 août 2018, qui fait de cette pratique un délit puni d'une peine d'emprisonnement allant de un à cinq ans, le phénomène perdure et s'amplifie.

En cause, l'application de ce texte, qui se heurte à plusieurs limites.

Tout d'abord, concernant les directives données aux policiers, la consigne est de ne pas aller au contact des contrevenants par peur de provoquer des accidents ou des émeutes urbaines. L'affichage de fermeté du Gouvernement bute ici sur la réalité des faits. Si l'on comprend bien les difficultés inhérentes à ce type d'interventions, une telle consigne n'en demeure pas moins un redoutable aveu d'impuissance.

Conséquence majeure et regrettable : le sentiment que certains individus ne sont pas tenus de respecter les lois de la République.

Ensuite, pour ce qui est du type de sanctions appliqué, la confiscation des véhicules est aujourd'hui la mesure la plus efficace pour lutter contre cette pratique dangereuse ; pourtant, sa mise en œuvre n'est pas systématique et semble même marginale. Cela pose de sérieuses questions quant à la capacité des autorités à lutter contre les récidives, en particulier lorsque les engins saisis sont ensuite restitués aux fauteurs de troubles.

Enfin, récemment, l'État a été condamné pour son inaction à faire cesser ces rodéos motorisés, preuve, s'il en était besoin, que la loi n'est pas exécutée comme il le faudrait.

L'ensemble de ces observations, liées tant à la persistance de ces pratiques qu'à la faiblesse de l'État là où il s'agit de faire respecter la loi, crée un sentiment de totale impunité qui est incompatible avec la légitime attente de sécurité qui émane de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, face à ce constat d'échec, quelles actions envisagez-vous de mener pour lutter contre ce fléau ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/05/2021

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2021

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Hugues Saury, une petite précision me paraît tout d'abord devoir s'imposer : la condamnation que vous évoquez est intervenue bien après les événements incriminés ; elle ne couvre pas des faits qui nous seraient imputables.

Voilà pour la précision ; elle est toujours utile.

Par ailleurs, depuis la promulgation de la loi du 3 août 2018, qui permet de considérer les rodéos urbains comme des délits, nous avons considérablement progressé – je vous donnerai les chiffres dans un instant ; ils viennent d'être stabilisés.

Nous avons fait voter la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, que vous avez vous-mêmes adoptée, et qui, grâce au budget substantiel accordé à la justice, permet la mise en œuvre de saisies immédiates de scooters.

Je vous indique d'ailleurs que j'ai demandé à l'ensemble des maires de notre pays de trouver des solutions pour conserver les véhicules saisis, dont le gardiennage, vous le savez, coûte 50 millions d'euros à la justice ; j'attends un certain nombre de réponses.

Afin de vous prouver que nous avons considérablement progressé, et non pas régressé comme vous le dites, qu'il me soit enfin permis de vous dire qu'en 2018, 92 condamnations ont été prononcées pour des pratiques de rodéos urbains, 697 en 2019, 991 en 2020, soit une multiplication par dix.

J'ajoute que j'ai pris une circulaire reprenant les 350 infractions dites « de basse intensité » – j'exclus bien sûr les homicides involontaires, dont vous avez parl頖 pour demander aux parquets qu'ils appliquent avec une grande fermeté les textes qui nous permettent de réprimer ces infractions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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