Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 06/05/2021

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences que pourrait avoir un étiquetage nutritionnel français, dit nutri-score, sur les produits de la filière viande sous appellation d'origine protégée (AOP).
Si les professionnels de ce secteur admettent qu'il faut mieux informer le consommateur sur les produits qu'il consomme, ils souhaitent toutefois que lui soient données des informations pertinentes et en fonction des garanties qu'il recherche. En cela, ils craignent qu'une extension de l'étiquetage nutritionnel aux produits carnés sous signes officiels d'origine et de qualité (SIQO) entraine leur classement vers des scores très défavorables et, par là-même un effet très négatif sur leur image, leur valeur et leur dynamique commerciale.
Le porc noir de Bigorre, le bœuf fin gras du Mézenc ou encore les charcuteries de Corse pourraient, par exemple, se voir attribuer des scores extrêmement mauvais, alors que des produits ultra-transformés contenant de nombreux additifs chimiques pourraient recevoir des notations plus favorables. Ces dispositifs d'étiquetage alimentaire sont en effet défavorables aux produits traditionnels et sous démarche officielle exemplaire.
Par conséquent, les représentants de ce secteur demandent que les produits traditionnels, sous signe de qualité et d'origine soient exemptés de cet étiquetage nutritionnel inadapté à la réalité de leur consommation.
Considérant que notre pays se doit de défendre une véritable culture alimentaire à travers sa politique de qualité des produits, il lui demande de prévoir une exception pour les produits AOP afin de préserver les viandes d'une notation pénalisante et non pertinente.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 23/09/2021

Le Nutri-score est le dispositif que les pouvoirs publics français ont choisi de recommander à l'issue d'une démarche scientifique, innovante, inclusive et fondée sur le dialogue avec les parties prenantes. Ce logo fournit au consommateur, sur la face visible des emballages alimentaires, une information lisible et facilement compréhensible sur la qualité nutritionnelle globale des produits, au moment où il fait ses courses. Il peut ainsi comparer les produits et orienter ses choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle. Fondée par l'arrêté du 31 octobre 2017, la démarche d'engagement en faveur du Nutri-score est volontaire, en conformité avec le droit européen. Il n'y a donc pas à l'heure actuelle d'obligation d'apposer le logo sur les produits artisanaux. Le Nutri-score est largement déployé par les professionnels de l'alimentation et plébiscité par les français. En juillet 2020, 415 entreprises étaient engagées dans la démarche Nutri-score en France, dont les parts de marché représentent environ 50 % des volumes de vente. Désormais, ce sont près de 500 entreprises qui se sont engagées en faveur du logo. De même, près de 94 % des français ont déclaré être favorables à sa présence sur les emballages. Enfin, plus d'un français sur deux déclare avoir changé au moins une habitude d'achat grâce au Nutri-score. De nombreux travaux scientifiques ont permis de montrer que le Nutri-score était un outil efficace pour discriminer la qualité nutritionnelle des denrées alimentaires, de manière cohérente avec les recommandations alimentaires, en France mais également dans de nombreux pays européens. Le Nutri-score et les signes de l'origine et de la qualité (SIQO) qui sont soumis à un cahier des charges répondent à des objectifs différents. Les SIQO constituent une « garantie » pour les consommateurs en termes de qualité, de savoir-faire, de protection de l'environnement, d'origine et de terroir, quand le Nutri-score informe le consommateur sur la qualité nutritionnelle des produits transformés, et permet de comparer les produits entre eux. Concernant les aliments ultra-transformés, le programme national de l'alimentation et de la nutrition prévoit l'évaluation de l'impact de ces produits sur la santé. Cette évaluation pose des difficultés, d'une part, car il est difficile de disposer des compositions détaillées et des process de fabrication des produits et, d'autre part, car il n'existe pas de définition des aliments ultra-transformés en France et les définitions existantes sont sujettes à des interprétations différentes. Il n'est donc pas actuellement possible de définir ces produits, et donc de limiter le Nutri-Score à leur périmètre. Certains produits sous AOP ou IGP comme les fromages font déjà l'objet d'une adaptation dans le calcul du Nutri-score, pour prendre en compte leur teneur élevée en calcium. Si certains de ces produits comme les fromages ou la charcuterie sont classés pour la majorité en D et parfois en E, ceci s'explique par le fait qu'ils contiennent des quantités non négligeables de graisses saturées et de sel et sont également caloriques. Mais, comme tous les produits classés D ou E avec le Nutri-score, ces produits peuvent parfaitement être consommés dans le cadre d'une alimentation équilibrée. Ce message est d'ailleurs rappelé par santé publique France dans sa campagne de communication à destination du grand public depuis le 5 juillet 2021. Informer les consommateurs sur la réalité de la qualité nutritionnelle de ces aliments n'exclut pas de les consommer mais encourage à le faire en quantités et/ou aux fréquences conformes aux recommandations nutritionnelles du programme national nutrition santé (par exemple deux produits laitiers par jour pour les adultes, trois produits laitiers pour les enfants, moins de 150 grammes de charcuterie par semaine), ce qui est totalement en cohérence avec la signification de leur classement sur l'échelle du Nutri-score. Enfin, sept pays sont désormais engagés en faveur du Nutri-score : la France, le Belgique, l'Espagne, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Une gouvernance a été mise en place entre ces pays, comprenant notamment un comité scientifique. Ce comité, composé d'experts scientifiques indépendants, s'est réuni pour la première fois le 12 février 2021 et aura pour mission d'évaluer la pertinence scientifique des propositions d'évolution du mode de calcul du Nutri-score. Toute évolution ne pourra donc être envisagée que sous réserve de validation scientifique par ce comité. La Commission européenne prévoit, dans sa stratégie « de la ferme à l'assiette » publiée en mai 2020 une proposition législative d'étiquetage nutritionnel en face avant harmonisé et obligatoire pour le 4e trimestre 2022. Dans ce cadre, le Gouvernement souhaite que le Nutri-score soit le dispositif retenu. Enfin, consciente des spécificités liées aux produits sous SIQO, la France portera des propositions dans un cadre européen afin que l'algorithme du Nutri-score et les critères utilisés tiennent compte de ces spécificités.

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