Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 13/05/2021

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les pratiques de certains exploitants et gestionnaires de résidences de tourisme dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
Des acteurs de ce marché font porter la charge financière de la crise sanitaire aux copropriétaires bailleurs. Ils ont ainsi cessé de verser, pour certains depuis mars 2020, les loyers sans aucune justification, malgré parfois de bons taux d'occupation des résidences concernées.
Cette situation met en grande difficulté les petits copropriétaires qui ne sont plus en mesure de rembourser les emprunts qu'ils ont contractés pour réaliser ces investissements.
Les propriétaires se voient donc contraints de porter l'affaire devant les tribunaux et de s'engager dans des procédures longues et coûteuses. Toutefois, un grand nombre renoncent à recourir à la voie judiciaire et acceptent des accords désavantageux proposés par les gestionnaires par lesquels ils renoncent à une grande partie des loyers dus.
Dans le même temps, ces entreprises bénéficient des aides mises en place par la puissance publique (prêt garanti par l'État, chômage partiel, report ou abandon de charges sociales…), profitant ainsi d'un effet d'aubaine difficilement acceptable pour les propriétaires concernés. Les propriétaires des logements s'interrogent sur l'utilisation qui est faite de ces aides de l'État.
Au-delà de la crise sanitaire, certaines associations représentant les propriétaires indiquent que cette situation est le résultat d'un déséquilibre structurel, ancien, entre exploitants et propriétaires auquel il pourrait être envisagé de remédier par la modification des cadres législatif et réglementaire.
Ce déséquilibre est illustré par le refus constant d'un certain nombre de ces acteurs de communiquer aux propriétaires les éléments relatifs au bilan économique d'une résidence comme le prévoit pourtant l'article L. 321-2 du code du tourisme.
Aussi, il lui demande les mesures qu'il compte prendre afin de permettre aux propriétaires de bénéficier des loyers qui leur sont dus et, plus largement, de rééquilibrer les relations entre ces derniers et les exploitants et gestionnaires.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 30/12/2021

À partir du premier confinement en mars 2020, les mesures de restriction et de limitation des déplacements ont considérablement impacté l'activité des résidences de tourisme, et la grande majorité d'entre elles ont été fermées, faute de clientèle suffisante. Ces mesures ont placé de nombreuses résidences de tourisme dans une situation économique délicate. Dans ce contexte, certains gestionnaires de résidences ont informé leurs bailleurs de leur intention de ne pas verser temporairement de loyer ou de reporter les loyers dont ils étaient pourtant redevables, selon les termes de leur bail commercial. Le Gouvernement et les services du ministère de l'économie, des finances et de la relance, ont pleinement conscience de l'inquiétude des propriétaires-investisseurs face à cette attitude des exploitants, inquiétude d'autant plus compréhensible qu'une majorité des propriétaires de résidences de tourisme ont souscrit des emprunts pour l'acquisition de leurs biens donnés à bail. Des retards, des paiements partiels, voire des non-paiements de loyer, pourraient les placer dans une situation difficile vis-à-vis de leurs banques. Les services du ministère de l'économie, des finances et de la relance se sont donc efforcés de faciliter les discussions entre les propriétaires-bailleurs et les exploitants de résidence de tourisme, pour parvenir à un compromis qui préserve la situation économique des résidences et les droits des propriétaires-investisseurs. Au cours des mois d'avril et mai 2020, des échanges sont notamment intervenus entre le Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT), qui regroupe un ensemble de gestionnaires, et la Fédération nationale des propriétaires en résidence de tourisme (FNAPRT). Le contenu de ces discussions forme ainsi la trame d'un canevas non contraignant, pour servir de base de discussion contractuelle entre les bailleurs et les locataires-exploitants. L'État n'est pas partie dans cette relation contractuelle. En outre, la médiation entre bailleurs et locataires commerçants conduite par Mme Jeanne-Marie Prost, médiatrice du crédit aux entreprises, s'est traduite par la rédaction d'une charte encadrant les reports et annulations de loyers pour la période du premier confinement et la période de reprise jusqu'au 30 septembre 2020. Tous les commerçants et bailleurs, indépendamment de leur adhésion aux fédérations signataires, peuvent utiliser la charte pour régler au mieux les conditions de paiement des loyers sur la période du premier confinement et de reprise. Ainsi, les propriétaires de lots au sein d'une résidence de tourisme et les sociétés gestionnaires peuvent utilement s'appuyer sur ce document pour conduire leurs négociations. Afin de faciliter la mise en place d'accords entre les parties, il est proposé aux bailleurs et aux preneurs de baux commerciaux de recourir à des modes amiables de règlement des différents : Toutefois, dans la mesure où il s'agit de litiges entre professionnels et particuliers, la commission départementale de conciliation des baux commerciaux devra être saisie en priorité (généralement, la médiation des entreprises n'intervient pas dans les litiges entre une entreprise et un particulier). Les services des ministères économique et financier ont également demandé au SNRT de se mettre en relation avec la Fédération bancaire française, afin que soient recherchées des solutions individualisées à l'endettement des investisseurs-particuliers. Concernant les mesures de soutien économique en faveur des gestionnaires de résidence de tourisme, ces derniers ont pu, dès le début de la crise sanitaire, bénéficier du plan de soutien au secteur du tourisme, notamment des dispositifs du PGE « saison » et de l'activité partielle. Toutefois, malgré ces aides, les entreprises gestionnaires font face à des difficultés économiques, du fait des restrictions des déplacements et de fermeture des frontières alors que celles-ci doivent assurer leurs charges fixes. Ainsi, le décret n° 2021-310 du 24 mars 2021 institue une aide visant à compenser les coûts fixes non couverts des entreprises dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de Covid-19. Il concerne les résidences de tourisme à condition de remplir certains critères d'éligibilité. Le dispositif a été complété par le décret n° 2021-625 du 20 mai 2021 instituant une aide « coûts fixes » saisonnalité et une aide « coûts fixes » groupe. Ces mesures contribueront à permettre aux entreprises gestionnaires des résidences de tourisme de verser les loyers dus aux propriétaires dans des conditions satisfaisantes. Enfin, l'article 20 de loi de finances pour 2021 institue un crédit d'impôt au profit des bailleurs qui consentent un abandon ou une renonciation des loyers au titre du mois de novembre 2020. Ce crédit d'impôt vise à inciter les bailleurs à annuler une partie des loyers dus par leurs entreprises locataires qui sont administrativement fermées ou particulièrement affectées par les restrictions sanitaires mises en œuvre. Tous les bailleurs y sont éligibles, personnes physiques ou personnes morales, quel que soit leur régime fiscal. Le dispositif se traduit pour les bailleurs d'entreprises de moins de 250 salariés, par un crédit d'impôt de 50 % des sommes abandonnées. Pour les bailleurs d'entreprises de 250 à 5 000 salariés, le crédit d'impôt se traduit par un crédit d'impôt de 50 % des sommes abandonnées, dans la limite des deux tiers du montant du loyer. Cette mesure peut permettre dans certains cas de contribuer à faciliter les discussions entre les bailleurs et les gestionnaires de résidences, et de les aider à trouver une solution équilibrée. Concernant l'équilibre des relations entre exploitants de résidence de tourisme et propriétaires particuliers, un groupe de travail, qui réunit les représentants des gestionnaires du SNRT et des propriétaires de la FNAPRT, a été mis en place sous l'égide du ministère de l'économie, des finances et de la relance afin de travailler à l'établissement de meilleures relations commerciales entre les exploitants et les propriétaires de résidences de tourisme. En outre, une réforme visant à améliorer l'information précontractuelle des investisseurs en résidence de tourisme, afin de mieux avertir des risques liés à ce type d'investissement, est actuellement à l'étude. L'objectif de ce projet de réforme est motivé par le constat du caractère risqué de l'investissement en résidence de tourisme, ce qui requiert une information objective des investisseurs, à l'instar des obligations d'information prévues pour les produits financiers. Enfin, la Cour de cassation,   a récemment confirmé deux arrêts des Cours d'Appel de Rennes et de Poitiers qui avaient considéré que conformément aux dispositions de l'article L. 321-2 du code du tourisme l'exploitant de la résidence de tourisme doit communiquer aux propriétaires les comptes d'exploitation dans leur intégralité. Ceux-ci doivent correspondre au compte d'exploitation dans son acceptation usuelle. À défaut, les exploitants s'exposent à des amendes pouvant s'élever à plusieurs milliers d'euros par jour de retard.

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