Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SER) publiée le 20/05/2021

Mme Laurence Rossignol attire l'attention de Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur la situation des centres de formation d'apprentis (CFA) du bâtiment et des travaux publics (BTP). En effet, depuis le 1er janvier 2020, le nouveau mode de financement de l'apprentissage, faisant suite à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, vide de sa substance le comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA BTP), tête de réseau national des CFA paritaires du BTP, au profit de l'opérateur de compétences (Opco) de la construction, lequel n'a pas vocation à remplir ce qui était la mission du CCCA BTP.
Ainsi, le CCCA BTP n'a plus les moyens financiers pour accompagner le réseau paritaire des CFA du BTP. Les associations gestionnaires régionales sont devenues des organismes de formation autonomes dans la gestion de la formation professionnelle, dont l'apprentissage, plaçant les CFA du BTP seuls dans leur environnement, devant parfois faire face à des situations d'urgence, concernant, entre bien d'autres choses, les complémentaires santé de leurs salariés ou encore pour des certifications de qualité.
Ce bouleversement met fin à 80 ans de gestion paritaire, laquelle garantissait aux apprentis du réseau une grande qualité d'enseignement répondant aux attentes des entreprises du BTP et sachant s'adapter aux évolutions de ce secteur, une couverture territoriale de proximité, le réseau permettant le maintien, par la mutualisation des moyens, de petites structures qui ne pourraient exister sans lui et un statut national protégeant les quelque 3 200 salariés en cadrant et unifiant les conditions de travail.
La fin de la gestion paritaire est synonyme de mise en concurrence des différents organismes de formation, laquelle risque de faire disparaître les acquis permis au fil de son existence par le CCCA BTP, mais aussi l'équité territoriale garantie aux apprentis et aux entreprises.
Cette situation a conduit à la mobilisation de plusieurs organisations, syndicales et patronales, ainsi que de la grande majorité des personnels des CFA du BTP, notamment en Picardie dans les CFA d'Agnetz, Amiens et Laon, toutes et tous très inquiets quant à la qualité future d'une formation jusque-là reconnue pour son excellence, mais aussi en prévision de la détérioration de leurs conditions de travail. C'est ainsi plus de 2 000 salariés des 77 CFA du BTP qui ont signé la pétition lancée par l'intersyndicale et demandant le maintien d'un réseau national paritaire dans la gestion des CFA du BTP.
Alors que l'objectif affiché de la loi de réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage évoquée plus haut était l'amélioration de la qualité des formations, la quasi-totalité des acteurs concernés, apprentis, salariés des CFA et professionnels du BTP, jugent qu'elle conduira à l'inverse à une détérioration de l'enseignement dispensé au sein des CFA du BTP, et plus largement dans les centres d'apprentissage.
En conséquence, elle lui demande si le Gouvernement est prompt à entendre ces revendications et à réexaminer la demande portée par l'intersyndicale d'un maintien du réseau national paritaire des CFA du BTP.

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion publiée le 28/04/2022

La loi du 5 septembre 2018 a libéralisé la création d'organismes de formation par apprentissage et a prévu un financement au contrat et non plus par subvention. Elle a insufflé une dynamique positive en faveur de la formation en apprentissage qui est une voie d'excellence et de réussite dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) comme dans de nombreux secteurs. Ainsi l'apprentissage a connu une hausse historique de près de 40% des entrées sur 2020, par rapport à 2019. La hausse s'est poursuivie en 2021 avec un record historique  de 731 000. Le Gouvernement porte une attention particulière au développement de l'apprentissage, notamment dans le secteur du BTP qui est pourvoyeur d'emplois sur tout le territoire. Avant la réforme, les centres de formation d'apprentis (CFA) du secteur du BTP bénéficiaient des ressources issues de la taxe d'apprentissage, gérées par les conseils régionaux, comme tous les autres CFA, mais également de ressources issues de la contribution à destination du comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA-BTP). Cette spécificité du secteur répondait au poids prépondérant de l'apprentissage en matière de formation professionnelle dans le secteur du bâtiment. Pour ne pas porter atteinte à la libre concurrence entre les CFA, prévue par la loi, les financements du CCCA-BTP sont désormais ouverts à l'ensemble des CFA du secteur, paritaires ou non, et sur le fondement d'un appel à projets, ce qui met fin aux financements non-conditionnés. Les financements du CCCA-BTP ont été pérennisés et ceci afin de maintenir l'engagement spécifique des entreprises du BTP en faveur de l'apprentissage. Le CCCA-BTP peut continuer d'intervenir pour appuyer les organismes de formation dans le BTP. Dans ce contexte renouvelé, l'Opco de la construction CONSTRUCTYS et le CCCA-BTP se sont rapprochés pour établir une convention de partenariat et prévoir des financements et des ingénieries croisées, notamment en matière d'investissements et d'innovation pédagogique. En outre, l'existence d'un réseau paritaire de CFA n'est pas remise en cause, au contraire, les acteurs de l'apprentissage d'un même territoire sont invités à se concerter afin d'envisager des synergies en matière de fonctionnement au bénéfice des apprentis et des entreprises locales. Il est donc possible pour les associations paritaires délivrant des formations par apprentissage de choisir un nouveau régime juridique leur permettant de se structurer davantage, par la création d'une tête de réseau associative, la création d'un groupement d'intérêt économique (GIE) ou encore par la concentration de son réseau par fusion associative. Enfin les Régions conservent des capacités de financement en soutien au fonctionnement des CFA, au nom de la cohérence territoriale, notamment en soutien à l'investissement par des possibilités de subventions, avec des fonds dédiés mobilisables et versés annuellement aux Régions pour répondre à des besoins d'aménagement du territoire ou de développement économique. La réforme a procédé à un changement des modalités financières de prise en charge mais la complémentarité des acteurs reste intacte. Elle constitue une chance pour ce secteur, dans un contexte de très forte hausse des entrées et, ce faisant, des ressources pour les organismes de formation par apprentissage.

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