Question de Mme GUIDEZ Jocelyne (Essonne - UC) publiée le 15/07/2021

Mme Jocelyne Guidez attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur le refus des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de prendre en charge financièrement des outils de communication alternative améliorée (CAA) aidant les personnes touchées par des troubles de langage.

En effet, de nombreux enfants et adultes affectés de troubles complexes de communication n'ont pas accès à la CAA. Divers témoignages des besoins rapportés par des familles ou enfants ou adultes atteints du syndrome de Rett mettent en évidence le manque de moyens en matière de la CAA. Ces derniers ne peuvent bénéficier que de deux séances d'une durée de 45 minutes d'orthophonie par semaine. Les demandes des familles auprès de la MDPH concernant cet outil de communication sont très souvent refusées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Celle-ci s'appuie sur le fait que la CAA devrait être accompagnée par des professionnels lors des séances d'orthophonie.

L'enjeu est pourtant important. S'exprimer, pourvoir communiquer, c'est un droit. Plaider pour la CAA pour tous, c'est défendre le droit de communication pour tous. Qu'ils soient enfants, adolescents et adultes, les individus atteints de troubles du langage ont besoin d'un outil de communication pour exister, faire entendre leur voix et se faire comprendre. N'importe qui d'entre nous peut potentiellement être un futur utilisateur de la CAA, du fait d'accidents, de la maladie ou du vieillissement. Afin de construire une réelle société inclusive, il est urgent de changer cette situation, de faire bouger les lignes. Il est essentiel que les MDPH cessent de refuser le financement de la CAA sous prétexte d'arguments totalement infondés qui ne tiennent pas compte des connaissances scientifiques récentes quant au mode d'apprentissage par la modélisation au quotidien et de la nécessité de l'utilisation précoce des outils de communication.

Ainsi, elle lui demande d'expliquer ce qu'il envisage de mettre en place pour mettre fin à des refus de prise en charge financière de la CAA par les MDPH qui vont à l'encontre de la convention internationale relative aux droits des personnes en situation de handicap ; de préciser ce qu'il compte faire pour soutenir ces familles et pour favoriser un meilleur accompagnement et une meilleure prise en charge des personnes utilisatrices des CAA à qui aujourd'hui notre société ne permet pas pleinement de s'exprimer.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 21/07/2021

Réponse apportée en séance publique le 20/07/2021

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 1758, transmise à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Jocelyne Guidez. J'attire l'attention de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur le refus des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de prendre en charge financièrement des outils de communication alternative améliorée (CAA) aidant les personnes touchées par des troubles de langage.

En effet, de nombreux enfants et adultes affectés de troubles complexes de communication n'ont pas accès à la CAA. Divers témoignages des besoins rapportés par des familles ou des enfants, voire des adultes, atteints du syndrome de Rett, par exemple, mettent en évidence le manque de moyens en matière de CAA. Ces derniers ne peuvent bénéficier que de deux séances d'une durée de quarante-cinq minutes d'orthophonie par semaine.

Les demandes des familles auprès des MDPH concernant cet outil de communication sont très souvent refusées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Celle-ci s'appuie sur le fait que la CAA devrait être accompagnée par des professionnels lors des séances d'orthophonie.

L'enjeu est pourtant important. S'exprimer, pouvoir communiquer, c'est un droit. Plaider pour la CAA pour tous, c'est défendre le droit de communication pour tous.

Qu'ils soient enfants, adolescents ou adultes, les individus atteints de troubles du langage ont besoin d'un outil de communication pour exister, faire entendre leur voix et se faire comprendre.

N'importe qui d'entre nous peut potentiellement être un futur utilisateur de la CAA, du fait d'accidents, de maladies ou du vieillissement. Afin de construire une réelle société inclusive, il est urgent de changer cette situation, de faire bouger les lignes. Il est essentiel que les MDPH cessent de refuser le financement de la CAA, en invoquant des arguments totalement infondés qui ne tiennent compte ni des connaissances scientifiques récentes sur le mode d'apprentissage par la modélisation au quotidien ni de la nécessité de l'utilisation précoce des outils de communication.

Quelles mesures immédiates prévoyez-vous, madame la secrétaire d'État, afin de mettre fin à ces refus de prise en charge financière de la CAA par les MDPH, qui vont à l'encontre de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je connais votre implication sur ces sujets. La technologie, c'est indéniable, doit être en effet au service de l'autonomie. L'amélioration de ces accès aux aides techniques est l'une des priorités de l'action du Gouvernement pour permettre le plein accès à l'autonomie des personnes.

Le dernier comité interministériel du handicap, qui s'est tenu sous l'égide du Premier ministre le 5 juillet dernier, a été l'occasion de rappeler les nombreuses avancées qui ont fait suite à la remise, à l'automne dernier, du rapport de Philippe Denormandie et Cécile Chevalier portant précisément sur l'accès à ces aides techniques et sur leur compensation.

Il s'agit d'assurer une meilleure information, de renforcer l'évaluation et l'accompagnement depuis la prescription jusqu'à l'utilisation des aides techniques, tout en réduisant le reste à charge des familles.

Quant à l'accès aux outils de CAA, sur lequel vous appelez mon attention, c'est un élément essentiel pour assurer l'autonomie et la qualité de vie des personnes entravées dans leur communication.

L'accès à ces aides à la communication s'effectue dans le cadre du volet aide technique de la prestation de compensation du handicap (PCH). La majorité des aides à la communication alternative sont ainsi financées à hauteur de 75 % de leur prix d'achat et peuvent être attribuées par les CDAPH au sein des maisons du handicap.

Il s'agit là d'une question d'équité territoriale car, en la matière, les inégalités sont encore très importantes. Nous devons donc apporter de nombreuses améliorations. C'est la raison pour laquelle, lors du comité interministériel du handicap, j'ai annoncé l'ambition de généraliser la démarche de CAA afin que chaque personne, quel que soit son handicap, son âge ou son lieu de vie, puisse bénéficier d'un moyen de communication.

Cette ambition se décline autour de plusieurs volets.

Pour permettre une meilleure identification des besoins, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui assure le renforcement de la formation dans les MDPH et les établissements médico-sociaux, diffusera à la fin de l'année un cahier pédagogique sur la communication des personnes, notamment pour les personnes polyhandicapées.

Pour permettre une meilleure appropriation du matériel, un travail sera engagé très prochainement afin que des pôles ressources soient déployés dans les territoires, en s'appuyant sur ce qui existe déjà pour d'autres aides techniques. Ces pôles permettront aux personnes handicapées et à leur entourage d'essayer des matériels et de bénéficier de temps d'apprentissage.

Enfin, pour réduire le reste à charge, nous travaillerons dès la rentrée de 2021 avec la CNSA, les professionnels des MDPH et les représentants des structures médico-sociales sur la révision des conditions de financement via la PCH.

Nous devons aussi changer les pratiques et passer de la possession à l'usage, en développant par exemple l'offre de location des aides techniques à la CAA, en complément de l'offre actuelle, très centrée sur la vente.

Vous l'aurez compris, ces travaux seront engagés dès septembre et je ne manquerai pas de vous tenir informée de la suite qui leur sera donnée.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Mme Jocelyne Guidez. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. En effet, les inégalités sont aujourd'hui beaucoup trop nombreuses. Je connais bien le syndrome de Rett, mais – et vous avez raison – il faut aussi prendre en compte d'autres facteurs, comme le vieillissement.

Les limites et contraintes que rencontrent les personnes concernées sont diverses : un changement d'établissement entraînant une rupture dans l'apprentissage ; des difficultés d'accès aux outils pour les familles ; la réticence des soignants à engager la démarche. Tout cela est donc très complexe et constitue autant de freins à lever pour basculer pleinement dans la CAA.

En outre, 78 % des professionnels déplorent le manque de temps pour s'atteler au sujet et 65 % estiment disposer d'une formation insuffisante aux outils.

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