Question de M. BLANC Étienne (Rhône - Les Républicains) publiée le 29/07/2021

M. Étienne Blanc appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le sort actuellement réservé par l'administration fiscale aux soultes versées, avant le 1er janvier 2017, lors d'une opération d'apport de titres, dont la plus-value est régie par les dispositions des articles 150-0 B et 150-0 B ter du code général des impôts (CGI) dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 32 de la loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016.
Préalablement à l'intervention de cette loi, l'article 150-0 B tout comme l'article 150-0 B ter précisaient que les échanges ou apports « avec soulte demeurent soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus ».
Le contribuable pouvait ainsi légitimement considérer que les soultes n'excédant pas ce seuil des 10 % bénéficiaient d'un report ou d'un sursis d'imposition à l'instar de la plus-value résultant de l'opération d'apport / d'échange.
Si le législateur français a initialement choisi d'imposer ces soultes jusqu'au 31 décembre 1999, il y a renoncé dans les articles précités 150-0 B et ce, jusqu'au 1er janvier 2017, date à laquelle l'article 32 de la loi la loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016 a finalement rétabli cette imposition.
Au vu de ces évolutions législatives, il est permis de considérer que le choix du législateur était à chaque fois éclairé et qu'entre 2000 et 2016 ce choix s'est précisément porté sur la non-imposition immédiate des soultes inférieure à 10 % et ce, sans autre condition.
L'administration fiscale ne l'a pas entendu ainsi puisqu'elle a d'abord considéré que le versement d'une soulte devait traditionnellement répondre à un objectif de parité d'échange et que la finalité du dispositif sursis ou report n'était pas de permettre l'appréhension de liquidités en franchise immédiate d'impôt.
Cette situation conduit nécessairement à s'interroger sur la possibilité, pour les contribuables, de prendre en compte une intention du législateur au regard de la soulte. En l'occurrence et faute de précisions intelligibles, les contribuables ne pouvaient pas, entre 2000 et 2016, prendre conscience des risques encourus.
Ils ont conséquemment effectué des opérations d'apport de titres assorties de soultes, en toute bonne foi et sans être en mesure de « rechercher le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs », puisque ces objectifs n'étaient alors pas compris, ni cernés par l'administration elle-même.
Celle-ci a néanmoins entrepris d'opérer, dès 2017, sur le fondement de l'abus de droit, une vaste remise en cause des opérations d'apport assorties de soultes, alors qu'elles avaient été réalisées antérieurement aux précisions apportées par le comité d'abus de droit, que l'administration a reprises à son compte.
Ces remises en cause ont été accompagnées de l'application sur les droits rappelés de la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 du CGI.
La question se pose dès lors de savoir si l'administration ne devrait pas renoncer à initier des procédures de rectification fiscales, comportant des conséquences financières très lourdes.
Une telle solution œuvrerait en la faveur d'une meilleure sécurité juridique et renforcerait la relation de confiance que le législateur entend instaurer entre l'administration fiscale et les contribuables.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics publiée le 09/09/2021

Les sursis et report d'imposition prévus aux articles 150-0 B et 150-0 B ter du code général des impôts ont pour objectif de faciliter les opérations de restructuration d'entreprises, en vue de favoriser le développement de celles-ci en conférant un caractère intercalaire aux opérations d'échange de titres. Avant la modification législative introduite par la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, le différé d'imposition s'appliquait également aux soultes si leur montant n'excédait pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange. Pour autant, l'octroi d'une soulte doit s'inscrire dans le respect du but que le législateur a entendu poursuivre. Lorsque l'octroi de cette soulte ne présente aucun intérêt économique et se trouve uniquement motivé par la volonté de l'apporteur d'appréhender des dividendes en franchise d'impôt, cette mise à disposition ne s'inscrit pas dans le respect du but poursuivi par le législateur, et les services de la direction générale des Finances publiques mettent alors en œuvre la procédure de l'abus de droit fiscal conduisant à l'application de pénalités au taux de 40 ou 80 %. Le comité de l'abus de droit fiscal, commission indépendante composée de magistrats et d'experts du droit, a émis de nombreux avis publiés confirmant que l'administration fiscale était fondée à appliquer la procédure de l'abus de droit fiscal dans cette hypothèse. S'inscrivant dans une démarche de prévention et de sécurité juridique, la direction générale des Finances publiques a publié en mars 2016 sur le portail du ministère de l'économie et des finances une fiche pratique sur ce type de montage destiné à réduire indûment l'impôt. Cette fiche, toujours consultable, invite, en outre, les personnes ayant réalisé de telles opérations à prendre contact avec l'administration fiscale pour mettre en conformité leur situation. Des orientations ont été également données aux services de contrôle et du contentieux afin de réduire de manière notable les conséquences financières de ce type de rehaussement, dans un cadre transactionnel. Ces informations et possibilités de régularisation, qui sont utilisées par les contribuables concernés, constituent des mesures proportionnées qui participent d'une démarche préventive dans un objectif de sécurité juridique.

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