Question de M. DOSSUS Thomas (Rhône - GEST) publiée le 30/09/2021

M. Thomas Dossus attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le rapport réalisé par Amnesty International à la suite de la répression de la rave party de Redon les 18 et 19 juin 2021.
Dans ce rapport daté du 15 septembre 2021, l'organisation constate que « les éléments recueillis sur les opérations de maintien de l'ordre à Redon indiquent que l'usage de la force n'était ni nécessaire, ni proportionné. ». Elle souligne que « l'intervention des forces de l'ordre a en effet eu lieu sans communication ni négociation de la part des autorités. Il n'y a pas eu de tentative de médiation préalable ». Elle note que « les forces de l'ordre ont lancé pendant plus de sept heures des grenades lacrymogènes et assourdissantes sur une foule, de nuit, y compris des grenades susceptibles de mutiler les personnes. L'utilisation de ces armes dans des conditions aussi dangereuses a conduit à des dizaines de blessures : plaies, fracture, brûlures, mais aussi des crises de panique et détresse respiratoire. Un journaliste a reçu un tir de LBD40 dans le bras alors qu'il tentait de venir parler à des gendarmes. Un jeune homme a eu la main arrachée après une explosion, selon les témoins. ». Enfin – et plus grave encore – elle affirme que « l'opération de maintien de l'ordre de Redon s'est déroulée sans que les secours ne viennent chercher les blessés pour les évacuer. Le jeune homme dont la main a été arrachée a dû être accompagné à l'hôpital par des participants » et elle relaie le témoignage glaçant d'une participante qui s'interroge : « Qu'est-ce qui lui serait arrivé s'il avait perdu conscience dans le champ, si on ne l'avait pas trouvé ? ».
Face à ces éléments, Amnesty International émet plusieurs recommandations, dont l'ouverture d'une information judiciaire, l'interdiction de l'usage des grenades de désencerclement et lacrymogènes dans le cadre du maintien de l'ordre, la mise en place de formations et d'instructions sur le dialogue, la désescalade et la lutte contre l'usage illégal de la force ainsi que la création d'un organe indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes déposées contre les agents de la force publique.
L'information judicaire et les préconisations de l'organisation apparaissent comme un préalable indispensable pour faire la lumière sur ces drames et empêcher de nouvelles répressions aveugles et violentes de la part de l'État envers une jeunesse qui aspire à se retrouver et communier après les confinements successifs.
Il souhaite savoir si le Gouvernement considère l'usage de grenades dans une foule compacte et pacifique, de nuit, comme une pratique normale de maintien de l'ordre. Il souhaite savoir sur quelle base légale s'est appuyée la destruction de matériel, d'instruments de musique, à la hache, par les forces de l'ordre. Il appuie ainsi les demandes d'Amnesty International – information judiciaire, contrôle indépendant des forces de l'ordre, arrêt de l'usage des grenades de désencerclement et lacrymogènes - et appelle également le Gouvernement à se saisir de ces sujets pour empêcher l'usage des techniques violentes de dispersion de foule lors d'événements festifs.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Logement publiée le 20/10/2021

Réponse apportée en séance publique le 19/10/2021

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, auteur de la question n° 1820, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Thomas Dossus. Madame la ministre, le 15 septembre dernier, Amnesty International a publié un rapport accablant sur les méthodes de maintien de l'ordre lors de la rave party de Redon les 18 et 19 juin 2021. Pour l'organisation non gouvernementale indépendante, « l'usage de la force n'était ni nécessaire ni proportionné ». En effet, « l'intervention a eu lieu […] sans tentative de médiation préalable » ; « les forces de l'ordre ont lancé pendant plus de sept heures, sur une foule, de nuit, des grenades […] susceptibles de mutiler les personnes », conduisant ainsi à « des dizaines de blessures : plaies, fractures, brûlures, mais aussi des crises de panique et détresse respiratoire. Un journaliste a reçu un tir de LBD 40 dans le bras, alors qu'il tentait de venir parler à des gendarmes. Un jeune homme a eu la main arrachée après une explosion ».

Ces faits sont extrêmement préoccupants quant à nos méthodes de maintien de l'ordre. Mais à cela s'ajoute encore le fait que « l'opération de maintien de l'ordre de Redon s'est déroulée sans que les secours viennent chercher les blessés pour les évacuer. Le jeune homme dont la main a été arrachée a dû être accompagné à l'hôpital par des participants ».

Face à ces situations, Amnesty International émet plusieurs recommandations : l'ouverture d'une information judiciaire, l'interdiction de l'usage des grenades de désencerclement dans le cadre du maintien de l'ordre, la mise en place de formations et d'instructions sur le dialogue, la désescalade et la lutte contre l'usage illégal de la force ou encore la création d'un organe indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes déposées contre les agents de la force publique.

Madame la ministre, considérez-vous comme une pratique normale de maintien de l'ordre l'usage de grenades dans une foule compacte, de nuit ? Sur quelle base légale s'est appuyée la destruction du matériel musical à la hache par les gendarmes dépêchés sur place ? N'est-il pas temps de travailler à des méthodes de désescalade plutôt qu'à des méthodes qui conduisent à des drames ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Thomas Dossus, vous avez souhaité interroger M. le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, qui, ne pouvant être présent, m'a chargée de vous répondre.

Dans la soirée du 18 juin 2021, plus de 1 500 individus se sont rassemblés dans le cadre du Teknival organisé sur le territoire de la commune de Redon, et ce en dépit des restrictions sanitaires et de l'interdiction de rassemblement édictée par le préfet d'Ille-et-Vilaine.

Dans ce contexte, l'autorité administrative a légitimement décidé l'intervention des forces de l'ordre, afin de faire cesser ce trouble à l'ordre public.

Dès leur arrivée, et pendant de nombreuses heures, les forces de l'ordre mobilisées ont été confrontées à une forte hostilité. Plusieurs individus ont été blessés, y compris au sein des forces de l'ordre, rendant de fait toute intervention difficile.

C'est pourquoi il a été décidé de conduire une opération d'évacuation de jour, afin de réunir toutes les conditions de sécurité. La gravité des faits survenus à Redon, ainsi que les images qui ont pu être diffusées, a amené le procureur de la République de Rennes à diligenter plusieurs enquêtes judiciaires. Vous comprendrez donc aisément que le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, interférer dans le processus judiciaire en cours.

Je rappellerai toutefois que les unités de maintien de l'ordre s'appuient sur des règles d'éthique et de déontologie. Elles privilégient, dans toutes les situations, la dissuasion et la manœuvre, pour limiter l'emploi de la force au plus bas niveau possible, dans le strict respect du cadre légal. Le développement des dispositifs de communication avec les manifestants est en ce sens une avancée significative.

Enfin, conformément aux annonces du Président de la République en clôture du Beauvau de la sécurité le 14 septembre 2021, les inspections générales de la police et de la gendarmerie nationales (IGPN, IGGN) travaillent à toujours plus de transparence en matière de déontologie et à davantage d'ouverture à des magistrats et aux autorités administratives indépendantes.

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