Question de M. LE NAY Jacques (Morbihan - UC) publiée le 10/09/2021

Question posée en séance publique le 09/09/2021

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jacques Le Nay. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je m'exprime ici en tant que président du groupe d'amitié France-Afghanistan et j'associe à ma question le président Cambon et, plus largement, la majorité sénatoriale.

Près d'un mois après le fiasco du retrait précipité et non concerté des Américains d'Afghanistan, illustré par des scènes de panique et d'horreur, un fait s'impose : les talibans sont de nouveau les maîtres du pays. Le gouvernement annoncé hier laisse transparaître une ligne islamiste dure. C'est une réalité désolante, dont il convient de tirer les conséquences politiques.

Les premières images du nouveau régime sont inquiétantes vis-à-vis non seulement des femmes et des activistes, mais aussi de ceux qui ont travaillé pour d'autres gouvernements.

Pourtant, des signes d'ouverture avaient été donnés, notamment en direction des organisations non gouvernementales. Devant cette situation, l'Europe et la France ne peuvent se tenir à l'écart ; les pays voisins de l'Afghanistan avancent déjà leurs pions et ont acté la prise de pouvoir des talibans.

Monsieur le ministre, pour pouvoir évacuer ceux qui ne l'ont pas été, pour éviter une répression aveugle, pour protéger les vaincus du Panchir et tous les Afghans, pour préserver les acquis, notamment en matière d'éducation, et pour rétablir notre présence séculaire dans ce pays, nous nous devons de faire jouer tous les leviers.

Nous n'avons évidemment aucune garantie que les talibans respecteront leurs engagements.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En effet !

M. Jacques Le Nay. Toutefois, les mettre au ban de la communauté internationale nous priverait à coup sûr de tout moyen de pression et contribuerait à les rapprocher des mouvements djihadistes internationaux, à commencer par Al-Qaïda.

Monsieur le ministre, une fois la poussière du chaos retombée, il vous appartiendra de définir une nouvelle stratégie vis-à-vis de l'Afghanistan. Êtes-vous, aujourd'hui, en mesure de nous en dessiner les contours ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 10/09/2021

Réponse apportée en séance publique le 09/09/2021

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Jacques Le Nay, nous n'avons aucun dialogue politique avec les talibans ; nous entretenons avec eux uniquement des contacts opérationnels pragmatiques, aux fins de faciliter les opérations d'évacuation de nos ressortissants, mais aussi des Afghanes et des Afghans qui ont aidé l'armée française ou nos propres services par le passé, ou qui sont menacés du fait de leur engagement, de leur métier, de leur histoire ou de leur combat pour le respect des libertés.

Je le répète, nous n'avons pas de dialogue politique. Nous entretenons des discussions techniques, par l'intermédiaire bénévolente des autorités du Qatar. Nous avons pu, grâce à cela, exfiltrer 2 800 personnes, dont 2 600 Afghans, en dix jours. Je veux rendre hommage à nos équipes qui ont accompli un travail remarquable, avec sang-froid et courage.

Nous menons des discussions pour vérifier si, lorsque l'aéroport international de Kaboul, le KAIA, rouvrira, nous pourrons encore procéder à d'autres exfiltrations.

Il reste là-bas quelques ressortissants, des ayants droit et des Afghans qui se sont signalés dans leur combat – vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, les avez signalés. Soyez assurés que nous suivons tous les cas précisément.

Vous faites état des déclarations des talibans, monsieur le sénateur. Pour notre part, nous attendons des actes. Lorsque je dis « nous », je me réfère non pas uniquement à la France, mais à tous les Européens. En outre, la semaine dernière, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni à la demande de la France ; il a, par une résolution unanime, en dépit de l'abstention de la Chine et de la Russie, acté quelques principes.

Tels sont les principes essentiels, définis par le Conseil de sécurité des Nations unies, que nous entendons voir respectés par les talibans : rupture avec le terrorisme, respect des droits humains et des droits des femmes, libre circulation et libre accès de l'aide humanitaire. Pour l'instant, le compte n'y est pas.

Mme Laurence Cohen. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Au-delà de cela, la composition de ce que les talibans appellent le « gouvernement intérimaire » ne nous rend pas très optimistes.

Avant d'aller plus loin, nous sommes avant tout soucieux des actes des talibans ; c'est le principe de base qui anime la communauté internationale.

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