Question de M. CHAIZE Patrick (Ain - Les Républicains) publiée le 14/10/2021

M. Patrick Chaize appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'inquiétude de la profession des scieurs quant à l'approvisionnement de leurs entreprises en chênes.
En travaillant cette essence noble et séculaire qui fait la richesse des forêts françaises, les scieurs connaissent depuis plusieurs années un niveau d'activité satisfaisant avec une demande grandissante sur le marché domestique mais également et surtout à l'exportation, en Europe et hors de notre continent. La qualité du chêne français est aujourd'hui mondialement reconnue, notamment dans le domaine de la tonnellerie mais aussi en menuiserie (parquet, escalier et huisseries), en charpente ou bien encore en aménagement paysager. Le chêne constitue ainsi une essence de bois complète aux multiples usages.
La forte demande de ces dernières années s'est répercutée sur les prix d'achat de la matière première (les grumes), ce qui a favorisé la mobilisation de la ressource auprès des propriétaires forestiers privés qui détiennent 75 % de la surface forestière française.
Dans notre pays, environ 500 scieries de chênes sont recensées. Elles transforment annuellement 1 500 000 m3 de bois d'œuvre alors que 2 000 000 m3 sont récoltés ; données qui démontrent qu'un quart de la récolte de grumes de chêne quitte le territoire sans subir la moindre transformation et donc sans la moindre valeur ajoutée.
Force est de constater que cette essence est exportée en Asie, principalement en Chine qui en a interdit depuis plusieurs années l'exploitation forestière sur son territoire et a lancé un programme de replantation colossale. Depuis l'automne 2020, le phénomène s'est intensifié avec des exportateurs qui mettent une pression financière forte sur les propriétaires forestiers afin de les inciter à vendre le fruit de leurs forêts. Les grumes partent en effet en Chine à un prix supérieur de 25 à 30 % de ce que les scieurs français sont en mesure d'offrir pour rester compétitifs.
Cette situation engendre une double peine pour les transformateurs qui souffrent du manque de matière première et de la difficulté à proposer des tarifs concurrentiels auprès des propriétaires forestiers.
Or depuis dix années, les scieurs ont investi massivement afin de rester compétitifs, d'accroître leurs capacités de production pour répondre à une demande soutenue et d'améliorer les conditions de travail de leurs employés. Des investissements structurants sont aussi à l'étude mais le manque de certitude quant à l'approvisionnement pourrait les compromettre, placer en difficulté ce secteur et ainsi priver notre pays d'un outil de transformation pourtant essentiel, avec des emplois à la clé et des incidences fortes pour la filière du bâtiment.
Alors que la France est le premier producteur de chênes en Europe et le troisième producteur mondial, il lui demande quelles mesures urgentes il envisage de prendre pour permettre aux scieurs de chênes de retrouver confiance en l'avenir, en étant assurés que leurs entreprises pourront être suffisamment approvisionnées par cette essence de bois selon des conditions qui soient à la fois satisfaisantes et équilibrées.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 26/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 25/01/2022

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 1872, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Patrick Chaize. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'approvisionnement en grumes de chêne des scieries françaises.

Les scieurs connaissent un niveau d'activité satisfaisant, avec une demande grandissante sur le marché domestique, mais également à l'exportation.

Toutefois, force est de constater qu'un quart de la récolte de grumes de chêne quitte notre territoire sans subir la moindre transformation et, donc, sans engendrer la moindre valeur ajoutée. De plus, cette essence est exportée en Asie, principalement en Chine, à un prix supérieur de 25 % à 30 % au prix que les scieurs français sont en mesure d'offrir pour rester compétitifs.

Pour les transformateurs, c'est la double peine : ils souffrent du manque de matières premières et peinent à proposer des tarifs concurrentiels aux propriétaires forestiers.

Or, depuis dix années, les scieurs ont investi massivement, notamment dans mon département de l'Ain, pour rester compétitifs et répondre à une demande soutenue, tout en améliorant les conditions de travail. Des investissements structurants sont encore à l'étude, mais le manque de certitude quant à l'approvisionnement pourrait les compromettre, placer en difficulté ce secteur et priver notre pays d'un outil de transformation pourtant essentiel, avec des emplois à la clé et des incidences fortes pour la filière du bâtiment.

Alors que la France est le premier producteur de chêne en Europe et le troisième producteur mondial, pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d'État, quelles mesures urgentes le Gouvernement envisage de prendre pour permettre aux scieurs de chêne de retrouver confiance en l'avenir, en étant assurés qu'ils pourront être suffisamment approvisionnés en cette essence de bois, selon des conditions qui soient à la fois satisfaisantes et équilibrées ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Chaize, on observe depuis une dizaine d'années une dynamique à l'export dans le secteur des grumes de chêne, avec des pics en 2015 et 2018 ayant appelé une réponse forte.

Sur les dix premiers mois de l'année, le cumul des exportations de chêne vers la Chine a atteint un record, une progression de 31 % étant constatée par rapport à 2020. Tous pays confondus, ces exportations atteignent sur la même période 48 623 mètres cubes.

Cette situation engendre évidemment deux difficultés principales : du point de vue structurel, une hausse des prix du bois pour les transformateurs et scieurs français ; du point de vue conjoncturel, des difficultés en termes de disponibilité de la matière première et, donc, de capacité de ces mêmes acteurs à constituer un stock suffisamment stable pour poursuivre leurs activités.

Face à ce constat, nous nous sommes mobilisés.

Nous l'avons d'abord fait au niveau européen, puisque, c'est parfaitement normal, la régulation aux frontières est une compétence de l'Union européenne, la libre circulation des biens et personnes à l'intérieur de l'Union ayant fait sa force et apporté paix et prospérité depuis quatre-vingts ans.

Nous avons notamment saisi la Commission européenne dès cet été sur le sujet. Elle travaille à nos côtés pour appliquer des clauses de sauvegarde ou des barrières tarifaires en vue de limiter ces exportations de grumes.

La priorité est aussi, évidemment, de lutter contre les traders, qui spéculent sur les tensions du marché et le perturbent au niveau international.

Pour cela, nous avons introduit dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021 un article prévoyant la mise en place de « cartes d'exportateur ». Il s'agit, non pas d'interdire toute exportation, mais de mieux encadrer les conditions d'exportation des bois ronds sans transformation au sein de l'Union européenne – j'insiste sur cette absence de transformation.

Il n'est ni souhaitable du point de vue écologique ni soutenable sur le plan économique d'envoyer des grumes de chêne dans des usines de transformation à l'autre bout du monde, a fortiori quand celles-ci nous reviennent ensuite transformées.

Nous sommes donc au rendez-vous. Je mentionnerai en particulier le label « Transformation UE », par lequel l'État, en tant que propriétaire forestier, ou les communes forestières peuvent conditionner leurs ventes à une première transformation locale,…

M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. … mais d'autres dispositifs seront déployés dans les mois à venir.

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.

M. Patrick Chaize. J'ai bien entendu votre réponse, madame la secrétaire d'État, mais il faut passer à des actes concrets !

Aujourd'hui, les exportations se poursuivent, dans des conditions qui ne sont pas acceptables, et la pénurie continue. Peut-être faut-il avancer, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, des solutions pérennes – certains États membres ont déjà pris des mesures drastiques. Si le conventionnement est une solution, la régulation en est une autre.

En tout cas, il faut arrêter de parler de souveraineté, et agir pour la souveraineté. Je suis persuadé que la biodiversité ne s'en portera que mieux !

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