Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SER) publiée le 21/10/2021

M. Jean-Marc Todeschini attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance au sujet de la convention bilatérale que le Gouvernement a signée le 20 mars 2018, entre la France et le Luxembourg, destinée – notamment - à traiter des questions fiscales pour les particuliers et les entreprises des deux pays. Cette convention remplace celle en vigueur jusqu'à présent, signée en 1958.
Contrairement aux annonces gouvernementales, l'impact sur l'imposition des travailleurs frontaliers n'est pas nul car la majoration concerne la presque totalité des travailleurs frontaliers !
Malgré les signaux d'alarme sur le risque évident de majoration d'impôt induit par le nouveau mode de calcul, le 10 octobre 2019, le Gouvernement signait un avenant à la convention pour revenir sur la méthode d'exonération. Celui-ci a également été ratifié par le Parlement en janvier 2020 et est entré en vigueur pour les revenus 2020.
L'administration fiscale a mis en œuvre les modalités d'imposition prévues par le législateur seul habilité par l'article 34 de la Constitution à définir « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ».
Aujourd'hui, selon le directeur départemental des finances publiques de la Moselle, ce ne sont pas moins de 25 000 dossiers qui doivent être revus pour ce seul département et non 1 contribuable sur 200 comme cela a pu être affirmé dans le rapport de l'Assemblée nationale cosignée par la députée de Thionville, où il est écrit page 21 « que les dispositions prévues par l'avenant éliminent toute possibilité de surplus d'imposition sur les revenus des travailleurs frontaliers ».
Le 1er octobre 2021, le Gouvernement a annoncé suspendre pour deux ans cette convention et les services fiscaux invitent donc par écrit près de 100 000 contribuables à demander la correction de leur imposition en déclarant « un revenu (…) net de charges et impôt luxembourgeois ».
Il lui demande d'assurer nos concitoyens qu'ils ne seront pas en situation de contrevenir à plusieurs principes fondamentaux de notre droit étant entendu que l'avenant stipule noir sur blanc que « l'impôt luxembourgeois n'est pas déductible de ces revenus ».
Il lui demande de lui préciser le cadre légal de cette instruction donnée à l'administration et les modalités de pérennisation au-delà des années fiscales 2020 et 2021 de cette instruction sans que les contribuables frontaliers se retrouvent dans l'illégalité.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès des ministres de l'économie, des finances et de la relance, et de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques publiée le 01/12/2021

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2021

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 1877, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d'État, votre gouvernement a signé le 20 mars 2018 une convention bilatérale entre la France et le Luxembourg qui est destinée à traiter des questions fiscales pour les particuliers et les entreprises. Elle remplace celle qui était en vigueur auparavant, qui avait été signée en 1958.

À l'instar de Christian Eckert, ancien secrétaire d'État au budget, de nombreux experts de la fiscalité ont tiré le signal d'alarme sur le risque évident de majoration d'impôt induite par le nouveau mode de calcul – risque bien réel, contrairement à ce que des parlementaires de votre majorité ont affirmé.

Le 10 octobre 2019, votre gouvernement signait donc un avenant à la convention pour revenir sur la méthode d'exonération. Cet avenant est entré en vigueur pour les revenus de l'année 2020. L'administration fiscale, accusée publiquement par des élus de votre majorité d'être responsable des conséquences de leurs propres décisions, a mis en œuvre les modalités d'imposition prévues par le législateur.

Selon la direction générale des finances publiques (DGFiP) en Moselle, ce sont 25 000 dossiers qui doivent actuellement être revus, et non pas ceux d'un contribuable sur 200, comme l'affirme un rapport rédigé sous l'égide de la majorité parlementaire. Au passage, l'intersyndicale des finances publiques, dont les membres, en général, savent compter, n'évoque pas moins de 100 000 dossiers à reprendre !

Le 1er octobre 2021, le Gouvernement a suspendu cette convention pour deux ans, et l'administration invite par écrit près de 100 000 contribuables à demander la correction de leur imposition en déclarant un revenu net de charges et impôts luxembourgeois.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que ces dispositions n'incitent pas les contribuables à contrevenir à plusieurs principes fondamentaux de notre droit ?

L'avenant stipule que l'impôt luxembourgeois n'est pas déductible des revenus. Aussi comment allez-vous inscrire dans un cadre légal et pérenniser cette instruction donnée à votre administration ? Pouvez-vous nous affirmer que vous ne créez pas une situation d'inégalité avec nos compatriotes frontaliers en Allemagne ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Jean-Marc Todeschini, comme vous l'indiquez, le Gouvernement a récemment annoncé des mesures exceptionnelles pour l'ensemble des foyers fiscaux percevant des revenus de source luxembourgeoise.

La nouvelle convention franco-luxembourgeoise permet de moderniser la méthode d'élimination de la double imposition pour les résidents de France percevant des revenus de source luxembourgeoise, pour tenir compte des standards de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

L'ancienne méthode d'élimination de la double imposition concernait les rémunérations de source publique, pensions de sécurité sociale et revenus fonciers de source luxembourgeoise, en retenant la méthode dite « de l'exemption ».

Cette méthode d'élimination, qui n'était plus conforme aux standards de l'OCDE, pouvait aboutir, dans certaines situations, à une double exonération d'impôt injustifiée, notamment par rapport aux contribuables soumis à des conventions respectant les standards de l'OCDE.

La nouvelle convention fiscale prévoit donc que les revenus de source luxembourgeoise donnent droit à un crédit d'impôt égal à l'impôt français. Cela permet de neutraliser effectivement toute forme de double imposition.

Le passage d'une méthode à l'autre peut toutefois avoir une incidence sur le taux d'imposition appliqué aux autres revenus perçus en France. Dans certaines situations, comme vous l'avez dit, l'application de cette nouvelle convention peut entraîner des augmentations d'impôts par rapport à la situation antérieure.

Afin de préciser l'ampleur de cette incidence pour les contribuables, le Gouvernement procède à une évaluation complémentaire de l'impact du changement de méthode d'élimination de la double imposition. Dans l'attente des résultats de cette évaluation, qui sera présentée au Parlement, les foyers concernés pourront exceptionnellement demander, pour ce qui concerne l'élimination de la double imposition, l'application des stipulations de l'ancienne convention.

Ces mesures exceptionnelles, annoncées le 1er octobre 2021, ont été précisées par une instruction fiscale, publiée le 11 octobre 2021 et dont peuvent se prévaloir les contribuables concernés, ainsi que par une communication adressée par la DGFiP le 12 octobre 2021 à l'ensemble des services locaux concernés et détaillant l'ensemble des modes opératoires nécessaires à la traduction de cette annonce.

Le traitement des opérations de régularisation sera réalisé par le service des impôts des particuliers. Nous verrons, une fois l'impact du changement de méthode précisément documenté et communiqué au Parlement, les suites qu'il conviendra, le cas échéant, d'apporter.

À ce stade, les mesures exceptionnelles concernent l'imposition des revenus de 2020 et 2021.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour la réplique.

M. Jean-Marc Todeschini. Dur métier que celui de secrétaire d'État, quand il faut répondre à propos d'un sujet que l'on ne traite pas soi-même ! (Sourires.)

Votre réponse, bien sûr, ne me satisfait pas du tout. Les contribuables ne doivent pas être pris dans ce jeu de dupes, avec un retour à la convention initiale dès les élections passées !

Nous étions censés avoir affaire à un gouvernement de professionnels… Aussi, comment se fait-il qu'aucune simulation n'ait été réalisée avant que cette convention ne soit signée ?

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