Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 14/10/2021

Question posée en séance publique le 13/10/2021

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, notre groupe a interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises sur la souveraineté des données de nos concitoyens, notamment lorsque nous avons découvert que la gestion du Health Data Hub, la plateforme de nos données de santé, avait été confiée à Microsoft sans débat ni appel d'offres.

Au prétexte qu'aucune entreprise française ne serait apte, ce qui est faux, et qu'il faut rattraper notre retard, plutôt que de mener une politique industrielle offensive visant l'indépendance technologique, vous avez annoncé une nouvelle doctrine – le cloud dit « de confiance » – et incité les sociétés françaises à acheter sous licences les technologies des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) pour traiter nos données les plus sensibles.

Le 2 juin, au lendemain de l'accord entre Microsoft, Orange et Capgemini, je vous interpellais déjà sur cette stratégie, qui nous paraît être un contresens. Je vous interroge de nouveau aujourd'hui sur le récent accord entre Thalès et Google, lequel est très préoccupant.

Mes chers collègues, c'est non plus seulement la « gafamisation » de nos administrations qui est en cours, mais celle du complexe militaro-industriel français, donc de notre défense, de la sécurité de l'État et des organismes d'importance vitale ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès des ministres de l'économie, des finances et de la relance, et de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques publiée le 14/10/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/10/2021

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice Morin-Desailly, je répéterai ici ce qu'a dit hier le Président de la République de manière extrêmement claire : l'objectif du Gouvernement est de faire émerger des champions technologiques français. Tel est le sens de notre action depuis quatre ans.

J'accueille d'ailleurs avec gratitude vos félicitations : la France a été le seul pays européen à avoir progressé de sept places dans le classement mondial de l'innovation, le seul pays européen à être passé de trois licornes à la fin de l'année 2017 à vingt licornes en 2021, le seul pays européen à avoir multiplié par quatre les investissements dans son écosystème technologique.

Ce que nous voulons, et je pense que c'est l'un des grands succès de ce quinquennat, madame la sénatrice, c'est progresser vers l'indépendance technologique (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), y compris dans le cloud.

J'aurai d'ailleurs l'occasion, avec Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, d'annoncer dans les jours qui viennent, aux côtés des acteurs français, que vous connaissez bien – OVH, Scaleway – une stratégie pour développer les champions français du cloud.

En réalité, madame la sénatrice, est-ce que, aujourd'hui, les acteurs français du cloud offrent exactement les mêmes possibilités que les acteurs américains ? Non ! C'est faux. D'ailleurs, ils procèdent eux-mêmes à des arbitrages sur les composants. Aucun acteur français du cloud n'utilise des machines virtuelles ou des microprocesseurs français. Ils font le même choix que vous, madame la sénatrice, quand vous décidez d'avoir une page Facebook ou un compte Twitter. Je ne pense pas que vous ayez une page sur leurs concurrents américains.

Notre volonté est double : il s'agit, d'une part, de faire émerger des champions, et, d'autre part, de faire en sorte que les entreprises françaises qui doivent passer par des acteurs américains nouent une alliance entre des groupes français et américains. C'est, je pense, la politique la plus logique. C'est en tout cas la seule qui a de l'avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je ne pense pas, monsieur le secrétaire d'État, que votre stratégie soit la bonne. Quand on parle de souveraineté, il faut s'entendre sur le sens de ce mot.

D'abord, il est faux techniquement de dire que le cloud de confiance sera la garantie de notre souveraineté. C'est en fait une opération de rhabillage et de ré-encapsulage, Google conservant la maîtrise totale. Nous n'aurons aucun accès au code source ; nos services de renseignement ne pourront pas l'auditer ; nous serons donc totalement dépendants de ces technologies, dont les licences coûteuses ne produiront aucun emploi, aucun impôt, aucune richesse en France.

Juridiquement, ce cloud ne nous protégera pas contre la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act), qui permet aux services secrets américains d'obtenir, sur requête fédérale, les données traitées par ces sociétés américaines.

Même si cette phase est transitoire, force est de constater qu'on se met dans les mains de ces géants, qui renforcent ainsi leur avance et leur domination dans un domaine où pourtant la France excelle : le logiciel. À quoi bon avoir les meilleures écoles d'ingénieurs au monde si ce n'est pas pour préserver et renforcer notre écosystème logiciel ?

À juste titre, le monde cyber s'inquiète et nos hébergeurs se sentent trahis. La stratégie dont vous assurez la promotion en portant ostensiblement, lors de manifestations, des maillots aux couleurs de Google – excusez du peu ! – est totalement incompréhensible, et je pèse mes mots. Elle est en tout cas contradictoire avec la construction de la grande Nation de l'innovation que vient d'annoncer Emmanuel Macron en présentant le plan France 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Max Brisson et Bruno Retailleau applaudissent également.)

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