Question de Mme TAILLÉ-POLIAN Sophie (Val-de-Marne - GEST) publiée le 28/10/2021

Question posée en séance publique le 27/10/2021

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre de la culture, à six mois d'une séquence électorale majeure, la situation des médias dans notre pays est extrêmement préoccupante.

Premièrement, à plusieurs reprises, le Gouvernement a pris des dispositions qui entravent le travail des journalistes. On se souvient de la loi relative à la protection du secret des affaires, en 2018, et plus récemment de la loi Sécurité globale.

Deuxièmement – le phénomène est certainement très lourd et massif –, la concentration des médias entre les mains de quelques milliardaires s'accélère. C'est un grave danger pour la démocratie. Les Français ne s'y trompent pas et vont chercher l'information ailleurs, au risque de favoriser la propagation de visions déformées, voire complotistes.

Troisièmement, les Français vont chercher ces informations sur les réseaux sociaux, qui sont eux aussi aux mains de quelques milliardaires et dont les algorithmes sont incontrôlables, ainsi que le révèlent les Facebook files.

Dans ce contexte, nous vous attendions sur divers fronts, notamment en soutien des salariés d'Europe 1, l'été dernier. Vous avez préféré soutenir la fusion de TF1 et de M6… Le Président de la République a même été jusqu'à débarquer la directrice de l'Autorité de la concurrence, il y a quelques jours, brutalement et sans explication, car elle ne semblait pas assez encline à laisser faire ce projet.

Madame la ministre, à l'heure du bilan, qu'avez-vous fait pour respecter l'engagement pris par Emmanuel Macron en 2017 de protéger l'indépendance éditoriale des médias ? Qu'avez-vous fait pour lutter contre la concentration des médias, préservant ainsi une condition essentielle pour la démocratie et un débat public apaisé ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Éric Bocquet applaudit également.)


Réponse du Ministère de la culture publiée le 28/10/2021

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2021

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la sénatrice, vous constatez avec justesse des phénomènes de concentration dans les médias. Outre la concurrence exacerbée qui règne habituellement, l'apparition des grandes plateformes numériques et des réseaux sociaux y participe aussi.

Nous avons besoin de champions nationaux forts pour pouvoir investir massivement dans la création, à la fois française et européenne. Les évolutions doivent toutefois se dérouler dans le respect du pluralisme et de la diversité de l'offre, qui sont d'ailleurs des principes garantis par la Constitution. Pour y veiller, nous disposons d'autorités administratives indépendantes : d'une part, l'Autorité de la concurrence ; d'autre part, le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Cependant, il nous faut bien constater – nous partageons ce diagnostic – que les textes qui assurent cette régulation sont déjà anciens et présentent des lacunes. Pour l'audiovisuel, ils ne portent que sur la diffusion hertzienne et, pour l'édition, que sur la diffusion papier.

C'est la raison pour laquelle M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, et moi-même avons mandaté les inspections de nos ministères respectifs pour dresser un diagnostic et proposer des outils de diffusion de régulation publique destinés à mieux contrôler ces phénomènes.

Madame la sénatrice, je peux vous assurer de notre détermination à nous doter d'instruments de régulation puissants,…

Voix à gauche. Quand ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. … pour faire face à ces évolutions et, plus largement, au phénomène de concentration verticale dans les médias. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. J'avoue que je reste sur ma faim !

Madame la ministre, nous avons besoin d'une presse libre et diverse. Nous disposons certes des autorités indépendantes, mais elles ont subi quelques pressions. Nous venons d'assister au débarquement de la directrice de l'Autorité de la concurrence. Son intérim sera assuré par une personne qui doit recevoir la Légion d'honneur des mains du Président de la République !

Madame la ministre, il faut assurer l'indépendance de ces autorités et la renforcer en mettant fin, notamment, à la nomination par le Président de la République de ceux qui occupent ces hauts postes.

Il faut réformer les aides publiques pour qu'elles soient concentrées uniquement sur les grands groupes et soutenir la presse indépendante, qui souffre, qui a besoin de nous et qui est une nécessité pour la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur les travées du groupe SER.)

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