Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 04/11/2021

Question posée en séance publique le 03/11/2021

M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Sebastien Pla. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pauvreté en France a un nouveau visage : le travailleur pauvre !

D'après les chiffres publiés par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) en octobre, les périodes de confinements et de restrictions d'activité ont conduit quatre millions de nos compatriotes à basculer, sinon dans la grande pauvreté, du moins dans une situation très préoccupante de fragilité.

Ces « nouveaux vulnérables » ont un profond sentiment de déclassement : ils travaillent dur et doivent reporter, ou à y renoncer, des dépenses essentielles de santé, d'équipement, d'alimentation, voire de logement.

Dans le même temps, l'écart salarial entre les femmes et les hommes continue de se creuser cette année, alors que celles-ci occupent 80 % des emplois à temps partiel et en sont les premières victimes.

Tous les jours, les associations d'aide aux plus démunis nous alertent sur l'explosion des demandes alimentaires, surtout chez les jeunes.

Quant à la baisse du chômage, elle cache une réalité cynique : elle s'est faite au prix d'une flexibilité du droit du travail et d'une précarisation des emplois, venant gonfler ainsi le nombre de travailleurs pauvres, faute d'une rémunération, d'une stabilité ou d'un temps de travail suffisants.

Madame la ministre du travail, comment peut-on accepter aujourd'hui, en France, que les gens qui travaillent dur ne s'en sortent pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)


Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion publiée le 04/11/2021

Réponse apportée en séance publique le 03/11/2021

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Monsieur le sénateur Pla, bien évidemment, nous n'acceptons pas que certains travailleurs puissent ne pas vivre dignement de leur travail.

C'est notamment pour cela que, depuis des mois, dans le cadre de l'agenda social que nous avons lancé avec le Premier ministre au mois de juillet 2020, nous avons mis au cœur de nos discussions la situation des travailleurs de la deuxième ligne, tous ces travailleurs qui avaient été mis en lumière par la crise, qui connaissent trop souvent des conditions de travail et des conditions d'emploi que leur rémunération ne permet pas de compenser. Je pense effectivement aux secteurs de la propreté ou de la sécurité.

Pour permettre aux négociations de s'engager dans les branches, j'ai chargé deux expertes de faire la lumière sur les conditions de travail et de rémunération dans ces secteurs. Par ailleurs, nous avons invité les organisations patronales et syndicales à lancer des discussions visant à améliorer la situation de ces travailleurs de la deuxième ligne, dont, je le redis, nous avons pu voir toute l'utilité dans la crise.

Nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire du fait que près de quarante branches appliquent aujourd'hui des minima de rémunération qui se situent en dessous du SMIC. Je peux vous dire, monsieur le sénateur, que chacune de ces branches sera reçue à mon ministère. Nous les inciterons à engager des négociations visant à revaloriser les minima de branche.

J'ajoute enfin, mais je pense que nous ne serons pas d'accord sur ce point, que c'est aussi un des objectifs de la réforme de l'assurance chômage. (Murmures indignés sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

En effet, le bas niveau de rémunération de nombreux salariés de ce pays tient non pas au taux horaire du SMIC, mais à la fragmentation à l'extrême des contrats de travail, à la précarisation des contrats de travail.

C'est bien contre cette précarité du travail que nous voulons lutter grâce à la réforme de l'assurance chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Fabien Gay. C'est raté !

Mme Michelle Gréaume. Vos propos sont honteux, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.

M. Sebastien Pla. Il va bien falloir que quelqu'un paye. Une fois de plus, ce seront les plus pauvres et les plus précaires.

Vous avez beau tordre les chiffres dans tous les sens, madame la ministre, vous n'arriverez pas nous faire croire que ce sont les ménages les plus modestes, notamment les précaires, qui ont été les grands bénéficiaires de votre réforme, de toutes les réformes d'ailleurs. Car, depuis la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ce qui progresse, c'est l'épargne des riches et la précarité chez les plus pauvres. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

Vous savez, pour amuser le peuple, les Romains distribuaient du pain et offraient des jeux à la population ; vous, ce sont des chèques que vous offrez. Vous nous sortez du chapeau chaque semaine un nouveau gadget : le chèque énergie, l'indemnité inflation, le contrat d'engagement, etc. Jusqu'à quand cette affaire va-t-elle durer ? Jusqu'à l'élection présidentielle, j'imagine ! (Marques d'ironie sur les mêmes travées.)

Croyez-moi, les travailleurs n'attendent pas des étrennes électorales ni des négociations de branche ; ils veulent des résultats et des solutions durables, de suite. La réalité, madame la ministre, c'est que les travailleurs pauvres d'aujourd'hui sont condamnés à devenir les retraités pauvres de demain ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

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