Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UC) publiée le 25/11/2021

Question posée en séance publique le 24/11/2021

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Valérie Létard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Monsieur le ministre, jeudi soir dernier, votre ministère s'est félicité d'être parvenu à un accord avec Saarstahl, le propriétaire allemand de l'aciérie Ascoval de Saint-Saulve, lequel a renoncé à la délocalisation de près de 40 % de l'activité du site français en Allemagne.

C'est un soulagement pour les 300 employés du site, mais ne nous leurrons pas : les raisons qui ont amené le groupe allemand à envisager la délocalisation n'en ont pour autant pas disparu.

En effet, le site valenciennois d'Ascoval est, comme tant d'autres, étranglé par la hausse brutale des prix de l'électricité, multipliés par trois depuis le début de l'année. Ayant choisi l'électrification plutôt que les hauts-fourneaux, ayant fait l'effort d'investir dans l'industrie verte, il en paye le prix !

Monsieur le ministre, comment expliquer à nos industriels qui jouent le jeu et s'engagent dans la décarbonation que cela se fait au détriment de leur compétitivité ?

Comment justifier une telle schizophrénie de la réglementation européenne, alors même que notre mix énergétique national est parmi les plus décarbonés d'Europe ? Nous n'en récoltons pas les fruits. Au contraire, nos entreprises en sont punies !

Votre réponse, exclusivement budgétaire, me semble timide, ponctuelle et sans stratégie de long terme. Ascoval, comme bien d'autres entreprises, attend plus !

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger. À l'approche de la présidence française de l'Union européenne, quelles sont les convictions que vous comptez défendre pour protéger notre souveraineté industrielle ?

Enfin, quel est votre plan pour inscrire ce sujet à l'agenda et faire bouger concrètement et rapidement les choses ? À défaut, combien de délocalisations énergétiques d'ici à 2025 devrons-nous supporter ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 25/11/2021

Réponse apportée en séance publique le 24/11/2021

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance. (Exclamations de surprise et de satisfaction suivies d'applaudissements.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé »… (Sourires.)

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la sénatrice Létard, je veux qu'il n'y ait aucune ambiguïté : nous nous sommes battus ensemble…

Mme Valérie Létard. Bien sûr !

M. Bruno Le Maire, ministre. … avec les salariés, avec les syndicats, avec les élus locaux, avec vous-même – je vous remercie d'ailleurs de votre engagement –,…

M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut aussi remercier Xavier Bertrand !

M. Bruno Le Maire, ministre. … pour sauver Ascoval il y a quatre ans, pour lui offrir des perspectives de développement économique, pour promouvoir une grande aciérie. Nous continuerons à nous battre. Nous avons empêché la délocalisation d'Ascoval : il n'y en aura pas, ni maintenant ni plus tard. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

En revanche, je tiens à vous rassurer sur notre stratégie. Nous voulons aller vers une économie décarbonée. Vous avez raison, cela a un coût : au regard des prix de l'électricité, produire une tonne d'acier avec un four électrique dans une aciérie décarbonée se traduit par une augmentation de 150 euros. Par ailleurs, on l'oublie trop souvent, une tonne d'acier produite chez Saarstahl avec un haut-fourneau classique entraîne l'émission de deux tonnes de CO2.

Il faut décider si nous voulons véritablement aller vers une économie décarbonée et des aciéries décarbonées qui émettent peu de CO2. (M. Jérémy Bacchi s'exclame.)

Avec Barbara Pompili,…

M. René-Paul Savary. Ah ?

M. Bruno Le Maire, ministre. … avec l'ensemble du Gouvernement, c'est ce choix stratégique pour l'économie française que j'ai retenu. Nous le tiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)

Cela demande aussi de prendre des décisions de long terme pour anticiper l'augmentation des coûts. La première décision, la première bataille que nous avons commencé à livrer et que je livre personnellement au Conseil des ministres européens de l'économie, c'est de découpler le prix d'électricité du prix du gaz.

La France n'a pas à payer l'augmentation des prix du gaz par une augmentation de ses prix de l'électricité, alors qu'elle a des centrales nucléaires qui lui permettent d'avoir des coûts faibles de production électrique.

M. Marc-Philippe Daubresse. Cela fait vingt ans qu'on le dit !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je me battrai pour ce découplage (Applaudissements sur diverses travées.), parce qu'il est indispensable pour l'économie et indispensable pour l'environnement.

Le deuxième point, c'est de faire payer le CO2. C'est le projet Fit for 55, pour lequel nous nous battons, avec le soutien du Président de la République.

La troisième condition stratégique, c'est de mettre en place une taxe carbone aux frontières, car nous voulons faire payer l'acier carboné à tous ceux qui veulent faire entrer de l'acier sur le territoire européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Pascal Savoldelli. Tout cela a la froideur de l'acier ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.

Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, nous partageons votre point de vue. La compétition économique d'aujourd'hui ne se joue pas qu'avec la Chine et le Brésil. Au sein même de l'Union européenne, nous devons défendre notre compétitivité, vous venez de le rappeler. C'est une urgence.

Il faut changer le mode de tarification de notre énergie, reconnaître le nucléaire comme une énergie décarbonée et donner la priorité à l'anticipation sans se limiter à la seule approche curative. C'est la clé de notre souveraineté industrielle !

Face aux difficultés rencontrées par Vallourec, par Ascoval à Saint-Saulve ou par Benteler, dans l'Yonne, chère Dominique Vérien, il faut reprendre la main et ne plus subir. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous nous défendiez auprès de l'Europe. La présidence française du Conseil de l'Union européenne doit permettre d'accélérer ces changements. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

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