Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Républicains) publiée le 02/12/2021

Mme Laure Darcos appelle l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la nécessité d'instaurer un nouveau pacte financier entre l'État et les collectivités territoriales. L'analyse financière des communes à l'occasion de la première année de mandat des municipalités élues en 2020 démontre à quel point il est nécessaire de réformer leur mode de financement. En raison de la crise sanitaire, les communes et leurs groupements ont engagé des dépenses considérables pour protéger la santé des citoyens et soutenir le tissu social, économique et associatif de leurs territoires, même s'il convient de noter une stagnation globale des dépenses de fonctionnement. Dans le même temps, elles ont été confrontées à une diminution inédite de leurs recettes de fonctionnement, évaluée à plus d'un milliard d'euros, notamment en raison d'une stagnation des recettes fiscales, des pertes de recettes assises sur le fonctionnement des services et sur l'activité économique, de la suppression de la taxe d'habitation et du gel des taux de la fiscalité directe en 2020. La diminution des recettes ayant été plus importante que celle des dépenses, le résultat est un effet de ciseaux particulièrement inquiétant, avec une baisse de l'autofinancement de 5,53 %. L'épargne nette a reculé de 8 %, entraînant un repli des investissements de 14,5 %, soit 5,27 milliards d'euros par rapport à 2019. La réduction des marges de manœuvre des communes et de leurs groupements inquiète fortement les élus locaux, notamment en Essonne, dans la mesure où elle bouleverse durablement le cadre de financement du bloc communal et ne favorise pas la prévision budgétaire, le seul levier fiscal disponible étant constitué des taxes foncières. À cela s'ajoutent les incertitudes économiques, sanitaires et réglementaires, de nature à freiner plus encore les investissements des collectivités locales. Alors que le Sénat a récemment formulé 50 propositions pour une nouvelle étape de la décentralisation dans l'objectif de favoriser le plein exercice des libertés locales, elle lui demande de bien vouloir lui préciser si le Gouvernement entend redonner aux collectivités territoriales la pleine maîtrise de leurs compétences et refonder leur autonomie financière.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 15/12/2021

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2021

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 1959, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Laure Darcos. La Cour des comptes vient de publier son rapport sur les finances publiques locales, et le moins que l'on puisse dire est que les élus locaux doivent faire face à une situation très incertaine.

En 2020, les collectivités territoriales ont été confrontées à une dégradation inédite de leur situation financière, qui s'est traduite par une diminution importante de leurs investissements.

Cette année, elles ont dû absorber le choc de la réforme de la fiscalité locale consécutive à la suppression de la taxe d'habitation, mais aussi la réduction des impôts de production des entreprises.

Tous les niveaux de collectivités ont vu leur panier fiscal modifié, avec pour conséquence un bouleversement du lien entre les contribuables et leur territoire.

Au niveau des communes, seuls les propriétaires fonciers vont désormais contribuer au financement des services publics. Le pouvoir fiscal des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, s'est considérablement réduit, et les départements ont perdu tout pouvoir de taux sur leurs ressources. Les régions, quant à elles, ne disposent plus de ressources tirées de l'activité économique locale.

Le remplacement d'impôts locaux par l'attribution d'une fraction de TVA n'est pas de nature à réjouir les élus, notamment en Essonne, d'autant que, avec cette réforme, vous exposez plus sévèrement le panier fiscal des collectivités territoriales aux variations de la conjoncture économique.

Si l'objectif d'alléger la charge pesant sur les entreprises et les ménages est louable, rien en revanche n'a été fait pour rationaliser la fiscalité locale, la simplifier et la rendre plus lisible.

Dans ce contexte, madame la secrétaire d'État, ma question sera la suivante : bien qu'il lui reste peu de temps pour agir, le Gouvernement entend-il s'engager clairement à conforter l'autonomie financière des collectivités territoriales et à définir des ressources fiscales adaptées à chacune d'entre elles ?

Avec de la volonté et de la méthode, comme l'a suggéré le président du Sénat, Gérard Larcher, lors du quatre-vingt-dixième congrès de l'Assemblée des départements de France, le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS peut encore être le véhicule législatif adéquat pour mener à bien la véritable réforme de la fiscalité locale, tant attendue par les élus de nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de ma collègue.

La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales vous remercie de votre question, car elle lui permet de redire que l'État a été présent de façon constante aux côtés des collectivités pendant la crise.

Elle voudrait toutefois tempérer votre analyse sur la dégradation de la situation financière du bloc communal. L'épargne brute a certes diminué de 5,5 % en 2020 par rapport à 2019, mais elle reste à un niveau élevé de 18 milliards d'euros, qui est supérieur à celui de 2018. Les premiers éléments d'exécution sur 2021 montrent un redressement très net de la situation, qui pourrait même revenir à un niveau meilleur que celui de 2019.

En premier lieu, nous avons mis en place un filet de sécurité garantissant à chaque commune et intercommunalité que ses ressources fiscales et domaniales en 2020 ne seraient pas inférieures à la moyenne de celles perçues entre 2017 et 2019, sans quoi l'État leur versera une dotation égale à la différence. Plus de 4 200 bénéficiaires ont reçu 185 millions d'euros au titre de 2020. Le dispositif a été reconduit en 2021 pour les recettes fiscales.

En deuxième lieu, les autorités organisatrices de la mobilité ont bénéficié d'une avance remboursable égale à 8 % de leurs versements mobilité et à 35 % de leurs recettes tarifaires de 2019. Plus de 80 autorités organisatrices de la mobilité, ou AOM, ont ainsi bénéficié d'un montant total d'avances remboursables de 620 millions d'euros.

En troisième lieu, l'État a remboursé aux collectivités la moitié du coût des achats de masques. Ce dispositif a bénéficié à 16 500 collectivités, pour 230 millions d'euros.

En quatrième lieu, l'État a ouvert une dotation de 200 millions d'euros pour compenser une partie des pertes de recettes, notamment tarifaires, liées à l'exploitation en 2020 d'un service public industriel, commercial ou administratif. Plus de 2 900 communes et groupements devraient bénéficier du dispositif avant la fin de l'année 2021. Ce mécanisme est reconduit en 2021.

Enfin, le Gouvernement a institué des dispositifs sans précédent de soutien à l'investissement public des communes et de leurs groupements, avec 1,6 milliard d'euros en plus de la dotation de soutien à l'investissement local, la DSIL, ordinaire pour aider les communes à financer les projets.

En ce qui concerne la suppression de la taxe d'habitation, notre analyse diffère de la vôtre.

Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales souhaite vous redire que, d'une part, toutes les collectivités locales concernées ont été compensées à l'euro près par un mécanisme fiscal pérenne et dynamique, et que, d'autre part, les communes et les EPCI conservent plusieurs pouvoirs de taux et d'assiette sur des impôts locaux, comme la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, ainsi qu'un pouvoir de tarifs sur plusieurs taxes sectorielles, comme la publicité ou le tourisme.

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