Question de Mme HERZOG Christine (Moselle - UC-R) publiée le 23/12/2021

Mme Christine Herzog attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur les anciens logements « ouvriers », appelés à l'origine « familistères » et réunis en cités ouvrières. Ils ont été construits par les usines et leurs patrons philanthropes, pour maintenir une main-d'œuvre souvent démunie et instable. Au fil du temps, ils ont changé de propriétaires. De logements à caractère social construits dans l'intention louable d'héberger des travailleurs sans habitations proches de l'usine, ils sont devenus « résidences privées », sortant ainsi du champ social. En effet, ils ont été attribués, en location, au départ, aux ouvriers de ces mêmes usines par leurs contrats de travail. Puis, ils leur ont été vendus en toute propriété pour des sommes, certes, modiques mais en relation avec leur état, souvent dégradé. Devenus propriétaires ou copropriétaires de fait, ces ouvriers, souvent retraités aux très petits moyens, n'ont pas eu les moyens de maintenir la qualité de l'entretien à un niveau acceptable de sorte que maintenant, l'urgence est à la rénovation mais sans aucun moyen financier car il s'agit souvent de « passoires thermiques » au coût de rénovation très élevé. Ces logements sont lourdement handicapants pour les communes qui les abritent comme la commune de Nilvange en Moselle, car ils ne peuvent bénéficier des financements attribués aux quartiers prioritaires de la politique de la ville dits QPV, ni de l'aide massive de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) comme c'est le cas pour les bailleurs sociaux de type HLM (habitation à loyer modéré). Or leur état relève de ces financements, car ils cumulent la grande pauvreté, la précarité et le manque de ressources, quelles que soient les aides de type Maprime'renov accessibles, car les propriétaires aux revenus précaires sont dans l'incapacité de financer le « reste à charge ». De surcroît, ces logements que l'on peut qualifier de « sociaux de fait » échappent à la qualification « logement social » de sorte que les communes qui en disposent ne peuvent les comptabiliser dans les quotas obligatoires de 25 % de logements sociaux de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (dite loi SRU) pérennisée au-delà de 2025. Aussi, elle lui demande si, dans le cadre de la nouvelle contractualisation de la géographie prioritaire de la politique de la ville allant de 2014 à 2024, abondée de 5 milliards d'euros, ces quartiers au statut très particulier, pourront en bénéficier et être pris dans les quotas sociaux des communes comme la loi SRU l'impose.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 19/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2022

Mme le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 2016, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.

Mme Christine Herzog. Madame la secrétaire d'État, de nombreuses anciennes régions minières et industrielles, comme la Moselle, possèdent des logements autrefois destinés aux ouvriers et appelés familistères.

Ces logements ont, depuis le XIXe siècle, changé de propriétaires. Propriétés des usines, ils ont ensuite été acquis par les ouvriers eux-mêmes. Ces habitations sont alors entrées dans la catégorie des résidences privées. Mais cette opportunité est rapidement devenue un cadeau empoisonné.

Ces nouveaux propriétaires ne constituent pas une classe sociale supérieure. Ils sont le plus souvent des ouvriers, parfois retraités, disposant de très faibles revenus. Or la rénovation de ces très anciennes constructions, devenues au fil des années des passoires thermiques, représente un coût trop important pour les familles qui les habitent.

Comme il s'agit de résidences privées, les communes ne peuvent pas aider leurs occupants à engager des travaux de réparation de ces habitations, qui ne sont éligibles ni aux financements attribués aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ni à l'aide massive de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), contrairement aux bailleurs sociaux des habitations à loyer modéré.

Un autre problème se pose, celui de la mixité sociale. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, impose un minimum de 20 % de logements sociaux aux communes. Or ces anciens familistères, qui sont désormais – je le redis – des résidences privées, ne correspondent pas aux critères des logements sociaux, bien que les populations qui y habitent ne soient pas aisées financièrement.

Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer si ces quartiers au statut très particulier pourront bénéficier de la nouvelle contractualisation de la géographie prioritaire de la politique de la ville, couvrant la période 2014-2024 et abondée de 5 milliards d'euros ? Pourront-ils être intégrés dans les quotas sociaux des communes, imposés par la loi SRU ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Herzog, la réhabilitation des logements ouvriers situés dans les anciens familistères que vous évoquez, notamment à Nilvange en Moselle, représente un enjeu que vous avez raison d'évoquer.

Ces quartiers ne peuvent pas bénéficier des aides de l'ANRU lorsqu'ils ne figurent pas dans la liste des 480 quartiers prioritaires de la politique de la ville éligibles au nouveau programme de renouvellement urbain institué par la loi du 21 février 2014. Il semble difficile à ce stade de revoir le ciblage territorial de ce programme.

En revanche, ces logements sont bel et bien éligibles aux aides de l'ANAH, dont la vocation est justement de traiter ces situations. La rénovation de l'habitat privé est, vous le savez, une priorité du Gouvernement. Nous avons agi avec force dans le cadre des dispositifs existants, tout en améliorant les financements réservés à nos concitoyens les plus modestes.

Je pense évidemment à MaPrimeRénov', pour les travaux simples, et à MaPrimeRénov' Sérénité pour des travaux plus lourds et complexes, qui concernent parfois justement les logements indignes.

Je pense également au plan Initiative Copropriétés, qui prévoit des financements renforcés pour réhabiliter les immeubles dégradés et diminuer le reste à charge des copropriétaires. Plus de 500 millions d'euros ont été versés dans ce cadre, qui ont permis la réhabilitation de près de 100 000 logements.

Les opérations programmées d'amélioration de l'habitat, portées par l'ANAH, sont également des outils utiles. La communauté d'agglomération du Val de Fensch envisage d'ailleurs précisément d'y recourir.

La prise en compte des logements concernés au titre de la loi SRU est essentiellement assise sur le conventionnement APL (aide personnalisée au logement), qui garantit un statut locatif social clair.

Une solution pourrait être l'acquisition totale ou partielle du patrimoine par un bailleur social. Cela permettrait de répondre à un triple objectif : la rénovation des logements par le bailleur, le développement d'une offre abordable et la comptabilisation de ces logements dans l'inventaire SRU.

Ce type de montage pourrait d'ailleurs utilement s'appliquer aux patrimoines des cités ouvrières, dès lors que les propriétaires ou les communes souhaitent vendre ces logements.

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