Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 09/12/2021

Mme Laurence Cohen interroge Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement sur la réforme du calcul des aides personnelles au logement (APL).
2021 a été la première année de mise en œuvre de cette réforme de contemporaénisation avec un montant désormais révisé trimestriellement sur la base des ressources des douze derniers mois et non fixé pour une année en fonction des revenus perçus deux années auparavant.
Elle avait déjà alerté sur le risque pour de nombreux allocataires de voir leurs APL diminuer, voire supprimer. Elle avait également attiré l'attention sur les jeunes actifs qui risquaient d'être particulièrement pénalisés.
Ces faits ont été vérifiés et formalisés dans le rapport N° 206 sur les crédits ‘'logement'' de la mission cohésion des territoires pour l'examen du projet de loi de finances pour 2022.
Ce rapport démontre tout d'abord la fonction budgétaire de cette réforme, à savoir, réaliser des économies, comprises entre 1,1 et 1,2 milliards d'euros.
Par ailleurs, la mise en œuvre technique a été complexe à gérer par la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), et près de 3% des versements mensuels étaient erronés, concernant près de 200 000 allocataires.
Enfin, alors que le Gouvernement s'attendait à ce que cette réforme entraine plus de ‘'gagnants'' que de ‘'perdants'', la situation inverse s'est produite. Le rapport sénatorial est très clair : « La réforme a amplifié les ajustements à la baisse et atténué les réévaluations à la hausse. La réforme a conduit à augmenter les droits pour 18,2 % des allocataires de 49 euros en moyenne. 115 000 personnes sont devenues allocataires grâce à la nouvelle formule de calcul. En revanche, les APL ont diminué d'un montant moyen de 73 euros pour 29,6 % des allocataires. Plus de 400 000 ont perdu leurs droits. 52,2 % ont conservé leurs droits à l'identique. »
Pour 1/3 des allocataires, la réforme a engendré une baisse !
Dans un contexte de crise économique et sociale, de pouvoir d'achat en berne, et au vu de ces chiffres, elle lui demande si, elle entend revenir sur cette réforme ainsi que sur celle de 2017 abaissant le montant des APL de 5 euros. Elle rappelle que selon la fondation Abbé Pierre, la baisse des APL représente plus de 10 milliards d'euros d'économies faites au détriment des plus modestes depuis 5 ans.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Logement publiée le 17/03/2022

Après deux décalages, actés à l'été puis fin 2019, le Gouvernement a décidé, à la suite de l'allocution du Président de la République le 16 mars 2020, de reporter l'entrée en vigueur de la réforme de l'APL « en temps réel », prévue pour le 1er avril 2020. Ce report est dû à la gestion de la crise sanitaire, qui a fortement impacté les services des Caisses d'allocations familiales (CAF) et de la Mutualité sociale agricole (MSA), mobilisés pour assurer la continuité du versement des prestations sociales, en particulier pendant la période de confinement. Conformément à l'article 25 du décret n° 2019-1574 du 30 décembre 2019 relatif aux ressources prises en compte pour le calcul des aides personnelles au logement, modifié par le décret n° 2020-1816 du 29 décembre 2020, cette réforme est ainsi entrée en vigueur au 1er janvier 2021 et s'applique pour le calcul des aides au logement à partir du droit de janvier 2021, versées le 25 janvier aux bailleurs sociaux en tiers payant et le 5 février aux allocataires du parc privé. Sans attendre la mise en œuvre de la réforme, et pour répondre aux conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire qui touche la France, le Gouvernement a pris en compte la situation des allocataires des APL dans les mesures d'urgence qu'il a adoptées en 2020, tout particulièrement pour ceux d'entre eux qui se trouvent dans les situations les plus difficiles voire critiques, notamment pour les publics de jeunes actifs. Deux aides exceptionnelles successives, en juin puis en novembre 2020, ont ainsi été mises en place :  - une première aide exceptionnelle, instituée par le décret n° 2020-769 du 24 juin 2020 portant attribution d'une aide exceptionnelle de solidarité liée à l'urgence sanitaire aux jeunes de moins de vingt-cinq ans les plus précaires, prévoit un versement de 200 euros pour les allocataires des APL de moins de 25 ans. Cette aide ne concerne toutefois pas les jeunes de moins de 25 ans qui sont étudiants, à l'exception des étudiants salariés. Ce versement a été effectué le 25 juin 2020 et a bénéficié à près de 550 000 allocataires, pour un montant total proche de 100 millions d'euros ;  - une seconde aide exceptionnelle instituée par le décret n° 2020-1453 du 27 novembre 2020 portant attribution d'une aide exceptionnelle de solidarité liée à la crise sanitaire aux ménages et aux jeunes de moins de 25 ans les plus précaires, prévoit un versement de 150 € pour les allocataires des APL de moins de 25 ans, non étudiants. Par ailleurs, à la suite de la mise en place des APL en temps réel, les entrants dans la vie active voient leurs ressources prises en compte de manière progressive, au fil des réévaluations trimestrielles de leur aide au logement. Les modalités de détermination des droits s'assurent que la progression des revenus d'activité reste supérieure aux baisses progressives de l'aide qui en résultent. Par ailleurs, le seuil des ressources à partir duquel l'aide devient dégressive est maintenu, permettant aux jeunes travailleurs les plus précaires de bénéficier d'une aide au logement maximisée. En outre, dans le contexte actuel, ces nouvelles modalités peuvent s'avérer plus protectrices pour les bénéficiaires, car toute baisse récente de revenu est prise en compte plus rapidement et l'aide réévaluée en conséquence. La mise en place de l'APL en temps réel peut notamment être bénéfique aux jeunes ayant commencé une activité en 2019 et ayant connu une baisse des revenus en 2020 du fait de la crise sanitaire. Enfin, le dispositif d'évaluation forfaitaire, qui pouvait avoir des effets défavorables sur les travailleurs en début d'activité, a été abrogé en avril 2020. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que les jeunes en situation potentielle de fragilité ne soient pas défavorablement impactés par cette réforme. Ainsi, les planchers de ressources servant de calcul aux aides au logement pour les étudiants sont transformés en forfaits (sans modification de leur montant), qui s'appliquent également pour les étudiants salariés ayant des revenus supérieurs à ces montants forfaitaires, ce qui permet d'améliorer la situation des jeunes qui doivent travailler pour financer leurs études, avec une aide constante voire en hausse. Par ailleurs, les éventuels effets de bord de la réforme, qui pourraient conduire à une baisse de l'aide pour ces populations, sont corrigés par une mesure de maintien de l'aide avant bascule, prévue au 2° du I de l'article 26 du décret n° 2019-1574 du 30/12/2019 modifié. Ce maintien, initialement prévu, au plus tard, jusqu'à la fin de l'année scolaire 2021, a été prolongé jusqu'au mois de juin 2022 par le décret n° 2021-720 du 04/06/2021. Ainsi, si des cas de baisse d'aide ont été identifiés à partir de janvier pour ces populations étudiantes, ils ne sont pas liés à l'application de la réforme (ces cas peuvent par exemple être liés à une évolution de la composition familiale du ménage ou à une baisse de loyer consécutive à un déménagement). De plus, l'abattement fiscal prévu pour la prise en compte des revenus des alternants en contrat d'apprentissage (jusqu'à un SMIC annuel brut) est maintenu dans le calcul des aides au logement. En complément, comme annoncé le 19 mars 2021 par communiqué de presse du ministère en charge du logement, un abattement social équivalent a été créé pour que les alternants en contrat de professionnalisation soient traités de la même façon que les apprentis dans le cadre du calcul de l'APL, avec une aide résultante majorée voire maximisée. Cette mesure est entrée en vigueur en septembre 2021 (décret n° 2021-720 du 4 juin 2021), avec un effet rétroactif pour les nouveaux allocataires. Dans l'intervalle, le Gouvernement a mis en place une mesure transitoire dès le mois de mai pour les allocataires en contrat de professionnalisation ayant connu une baisse de leur APL au mois de janvier 2021 : ainsi, jusqu'au mois de septembre et à situation constante, le montant de leur APL a été aligné sur celui de décembre 2020, avec un effet rétroactif sur les premiers mois de l'année 2021.

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