Question de M. VERZELEN Pierre-Jean (Aisne - Les Indépendants) publiée le 30/12/2021

M. Pierre-Jean Verzelen attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conditions d'embauche des exploitants vignerons pendant les vendanges. La réglementation sur l'hébergement et les horaires des saisonniers demeurent depuis trop longtemps inappropriés.

D'une part, les conditions d'hébergement des travailleurs sont beaucoup trop strictes, notamment concernant la surface minimum des chambres, le nombre limite de travailleurs dans une chambre, les exigences sanitaires... Il en résulte une baisse des offres d'emplois logés et une augmentation du risque routier lors des déplacements domicile-travail. Les demandeurs d'emploi ne disposant pas de moyen de locomotion ou du permis de transport sont alors pénalisés. Ces règles amènent les vignerons à recourir aux prestations de service et aux gens du voyage. Les municipalités sont donc contraintes de gérer un important flux de population pendant les périodes de vendanges.

D'autre part, la durée légale de travail n'est pas adaptée à l'activité des vignerons. En effet, la réglementation limite les horaires de travail à 40 heures par semaine. Or, nous savons qu'il est difficile d'effectuer le travail nécessaire à une bonne récolte en un temps si réduit. En effet, tous les ans, une dérogation au temps de travail hebdomadaire est demandée afin de respecter les spécificités du monde agricole : 72 heures pour les salariés affectés au chargement, au transport, à la réception des raisins et des moûts, au pressurage, à la vinification et aux cuisines et 60 heures par semaine pour les autres personnels affectés aux vendanges.

Or, ce besoin de la filière champenoise est remis en cause par le ministère du travail qui souhaite homogénéiser les régimes du code du travail et du code rural. Cette volonté est contraire au travail saisonnier que constituent le travail des cultures et les récoltes. Les demandes de dérogations sont indispensables pour les vendanges.

Aussi, il souhaite que le Gouvernement s'engage à modifier de façon pérenne ces dispositions afin de permettre aux vignerons et aux saisonniers de travailler dans les meilleurs conditions possibles.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 17/02/2022

L'hébergement collectif des salariés saisonniers en agriculture est régi par les dispositions des articles R. 716-6 à R. 716-25 du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Ces mesures ont été adoptées en concertation avec les partenaires sociaux agricoles, suite à l'accord national sur le travail saisonnier du 18 juillet 2002, étendu par arrêté ministériel du 28 octobre 2002. Des possibilités de dérogations accordées au cas par cas par l'inspection du travail ont été ouvertes pour toute durée d'embauche inférieure à 30 jours sur une période de 12 mois consécutifs, durée d'embauche déjà modifiée en 2009 et portée de 12 à 30 jours afin de tenir compte des spécificités du travail agricole relatives aux vendanges notamment (article R. 716-16 du CRPM). Ainsi, il est d'ores et déjà possible pour tout employeur qui en ferait la demande à l'inspecteur du travail de déroger à tout ou partie de certaines de ces dispositions pour l'hébergement collectif en résidence mobile ou démontable ou pour l'hébergement fixe. Pour l'hébergement collectif en résidence fixe par exemple, l'inspecteur du travail peut notamment accorder une exception concernant la superficie des pièces destinées au couchage (article R. 716-7). La contrainte de surface peut alors passer de 9 à 6 mètres carrés pour le premier occupant et les suivants. Par ailleurs, afin de répondre à une demande forte des organisations professionnelles viticoles, le décret n° 2016-1239 du 20 septembre 2016 relatif aux dérogations en matière d'hébergement collectif des travailleurs saisonniers agricoles a instauré une procédure de dérogation collective aux règles d'hébergement de ces travailleurs en résidence fixe, accordée par le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, compétent pour le territoire concerné par la demande (article R. 716-16-1 CRPM). La dérogation porte sur les pièces destinées au sommeil et les installations sanitaires (salles d'eau, douches, cabinets d'aisance). Cette demande doit émaner d'une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives et, si la dérogation est accordée, elle s'applique à l'ensemble des entreprises de la branche sur le territoire de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités. Le choix est également laissé aux partenaires sociaux de définir des compensations à d'éventuelles adaptations des conditions de logement. Ce dispositif permet d'uniformiser les décisions prises sur le territoire concerné et simplifie les démarches des employeurs. Il répond ainsi aux préoccupations des professionnels souhaitant pouvoir loger sur place pendant une courte période les salariés saisonniers. Le droit actuel prévoyant déjà une adaptation des règles aux spécificités agricoles, un abaissement significatif des normes actuellement applicables serait en contradiction avec le principe constitutionnel du droit à un logement décent qui découle des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. De plus, en période de pandémie, il est important de prévoir les conditions d'accueil et d'hébergement permettant de garantir la protection des salariés. Les recommandations publiées par le ministère chargé du travail sont à la disposition des filières à cette fin. En ce qui concerne la durée du travail pour les vignerons, la durée hebdomadaire maximale de travail ne peut dépasser 48 heures de travail effectif au cours d'une même semaine et en moyenne 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives. Il convient également de rappeler que pour les entreprises du secteur agricole, par dérogation, la loi autorise le calcul de la durée moyenne hebdomadaire de 44 heures sur une période de 12 mois consécutifs au lieu de 12 semaines. Ces dispositions sont d'ordre public. Cependant, en cas de circonstances exceptionnelles entraînant temporairement un surcroît extraordinaire de travail, les entreprises ayant une activité de production agricole ont la possibilité d'aller au-delà du plafond dérogatoire de 48 heures imposé à tout autre secteur, à condition de ne pas dépasser 60 heures hebdomadaires en moyenne sur une période de 12 mois consécutifs. Ces dérogations obéissent à des conditions précises. La demande doit être motivée par des circonstances exceptionnelles. L'interprétation constante par l'administration du travail de ce caractère exceptionnel est très stricte de manière à ne pas retirer sans motif valable le droit des salariés à leurs temps de repos, interprétation confirmée par la jurisprudence administrative qui souligne que les activités correspondant à un surcroît d'activité prévisible et se renouvelant tous les ans ne constituent pas une circonstance exceptionnelle. Ainsi, dans l''esprit du texte, l'organisation du travail doit intégrer le respect des temps de repos des salariés même en période de forte activité, seules des circonstances exceptionnelles permettant de s'en affranchir. Les dispositions actuelles prévoient d'ores et déjà des dérogations importantes pour le secteur agricole qui, associée à une organisation du travail anticipée, apparaissent suffisantes pour permettre de faire face aux spécificités des travaux agricoles, notamment en période de surcroît d'activité ponctuels mais néanmoins prévisibles.

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