Question de M. PATIENT Georges (Guyane - RDPI) publiée le 13/01/2022

M. Georges Patient attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la pérennité de la filière du bois en Guyane gravement mise en danger par la réduction des investissements dans l'entretien et l'ouverture de nouvelles pistes forestières annoncée par l'office national des forêts (ONF). En octobre 2017, le Président de la République, alors en déplacement en Guyane, annonçait que l'État soutiendrait le développement des filières économiques dont la filière bois, premier employeur privé de Guyane après le secteur spatial. Aujourd'hui la survie de cette filière est en jeu. Dans le programme régional de la forêt et du bois (PRFB) il est prévu de multiplier par trois les volumes de bois d'œuvre issus de la forêt naturelle et de passer le volume annuel extrait de grumes de 70 000 m3 à 210 000 m3 à l'horizon 2030. Or les particularités de la forêt guyanaise et le caractère certifié écoresponsable de l'exploitation forestière guyanaise, unique dans la région amazonienne, imposent aux exploitants forestiers de s'enfoncer toujours plus profondément en forêt pour trouver les arbres exploitables. Ils utilisent les pistes dont l'ONF a la responsabilité en tant que gestionnaire du domaine forestier permanent. Jusqu'à 2021, l'ONF consacrait près de 3 millions d'euros pour la création et l'entretien de ces pistes. Le PRFB prévoyait un investissement minimal de 5 millions d'euros par an sur 3 ans dans la création des nouvelles pistes pour l'ouverture à l'exploitation de nouveaux massifs forestiers. Or l'ONF de Guyane, faute d'un budget suffisant, vient d'annoncer à l'inverse une diminution des investissements qui seront limités à 2 millions d'euros. Dans ces conditions, les exploitants forestiers annoncent d'ores et déjà ne pas pouvoir maintenir les volumes actuels pour les années à venir. Ce serait alors toute la filière qui serait touchée faute de matière première au risque de la voir disparaître. Pourtant, le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) permet le financement des pistes forestières en Guyane. Le Gouvernement pourrait alors autoriser l'ONF Guyane à emprunter auprès des banques les crédits nécessaires au financement de ces travaux de création de pistes forestières dont le remboursement serait couvert par les fonds européens. Aussi, il lui demande de prendre en urgence les dispositions permettant à l'ONF de trouver les financements, les travaux forestiers ne pouvant, en Guyane, avoir lieu que pendant la saison sèche.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 19/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2022

Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis, en remplacement de M. Georges Patient, auteur de la question n° 2054, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue Georges Patient, qui m'a demandé de vous poser sa question. Il a en effet dû rejoindre la Guyane pour accueillir le ministre des outre-mer, en visite depuis hier sur son territoire.

Les acteurs de la filière bois, premier employeur privé de Guyane après le secteur spatial, sont très inquiets pour leur propre survie. Cette filière est classée par le Gouvernement parmi les axes prioritaires de développement de ce territoire, comme l'a confirmé le Président de la République lors de son déplacement en Guyane en octobre 2017.

Cet engagement s'est traduit par l'adoption, en 2018, d'un programme régional de la forêt et du bois (PRFB) dans lequel il est prévu de multiplier par trois les volumes de bois d'œuvre issus de la forêt naturelle. Le volume annuel de grumes extrait passerait ainsi à 210 000 mètres cubes à l'horizon 2030.

Or la particularité de la forêt guyanaise est la certification écoresponsable de son exploitation, pratique unique dans la région amazonienne, qui impose aux exploitants forestiers de s'enfoncer toujours plus profondément en forêt pour trouver les arbres exploitables. Ceux-ci utilisent à cette fin les pistes dont l'Office national des forêts (ONF) a la responsabilité en tant que gestionnaire du domaine forestier permanent.

Le PRFB prévoit un investissement de 5 millions d'euros par an jusqu'en 2029 pour la création de nouvelles pistes afin d'ouvrir à l'exploitation de nouveaux massifs forestiers. Or l'ONF vient d'annoncer la limitation de l'investissement annuel consacré aux pistes à 2 millions d'euros à partir de cette année contre 3 millions d'euros jusqu'à présent.

L'Union européenne rembourse pourtant à 100 % ces travaux via le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Pourquoi ne pas en profiter ? Certes, il faut les préfinancer le temps du déblocage des fonds européens, soit trois ans environ, ce qui représente une avance de 15 millions d'euros.

Ces investissements conditionnent la survie de la filière. Au lieu d'un triplement des volumes extraits, si les nouvelles pistes ne sont pas créées, les volumes vont au contraire chuter en raison de l'épuisement de la ressource dans les massifs actuellement accessibles. Faute de matière première, toute la filière sera touchée, au risque de la disparition.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, le Gouvernement doit autoriser et aider l'ONF Guyane à préfinancer les trois années d'avance de trésorerie que je mentionnais.

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Buis, permettez-moi de saluer votre collègue Georges Patient, dont je connais l'engagement sur cette question des forêts guyanaises. À l'évidence, comme vous l'avez dit, nous nous devons d'être extrêmement vigilants sur le niveau d'investissement dans la création des dessertes forestières, et ce précisément pour les raisons invoquées par votre collègue.

Les pouvoirs publics financent depuis plusieurs années, vous l'avez dit, jusqu'à 100 % des investissements destinés à la création des dessertes, via notamment l'apport des fonds européens du Feader. Vous l'avez dit aussi, bien que ces investissements soient financés à 100 %, l'ONF doit faire l'avance de trésorerie jusqu'au remboursement, tout en devant assurer l'entretien des dessertes existantes.

Les acteurs économiques de Guyane demandent que l'investissement qui n'a pu être réalisé en 2021 puisse être reporté en 2022, au montant près, afin de rattraper le retard et de disposer ainsi de davantage de visibilité et de lisibilité ; c'est cette demande que relaie votre collègue Georges Patient.

Le Gouvernement a bien entendu cette demande. Les crédits du programme 149, « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture », ont été réévalués dans le projet de loi de finances pour 2022, afin d'assurer la contrepartie nationale nécessaire du financement du Feader et de permettre à l'ONF de réaliser ses investissements conformément au programme régional de la forêt et du bois. Le montant prévisionnel alloué aux investissements de création de pistes pour 2022 atteint ainsi plus de 4 millions d'euros, ce qui répond à la préoccupation exprimée.

L'ONF ajustera l'enveloppe allouée à la direction territoriale de Guyane afin que les crédits nécessaires au préfinancement que je viens d'évoquer puissent être mobilisés.

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