Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 20/01/2022

Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès des ministres de l'économie, des finances et de la relance, et de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques sur les pratiques des concessionnaires autoroutiers ou de la SNCF concernant l'accès à leurs infrastructures numériques, susceptibles de constituer des pratiques restrictives de concurrence.
Les tarifs pour utiliser ces infrastructures sont semble-t-il prohibitifs et la protection des gestionnaires quant à l'usage de leurs fourreaux, pourtant déjà amortis pour la plupart et loués à des conditions délibérément désavantageuses, empêchent les opérateurs de proximité du numérique d'emprunter ces infrastructures.
Ils sont contraints d'utiliser les offres éclairées (WDM) ou inactivées (FON) d'opérateurs tiers, pour certains non-européens, elles-mêmes proposées à des tarifs non régulés et qui ne permettent pas de créer les conditions d'une concurrence locale efficace souhaitée par l'ARCEP sur le marché entreprises, professionnels et collectivité d'accès à internet, qualifié de parent pauvre de la régulation selon les propres termes du Président de l'ARCEP en 2017.
Il serait possible de capitaliser sur une démarche vertueuse et plus souveraine en matière d'économie circulaire ; les besoins d'opérateurs de proximité étant investis dans des acteurs nationaux/européens contribuant à la pérennité d'un secteur essentiel à notre économie.
Or, les opérateurs alternatifs se retrouvent dans une situation où la création de valeur est captée par des acteurs le plus souvent Américains ; contribuant à asseoir encore un peu plus leur domination mondiale sur les infrastructures essentielles.
Un comble que l'économie française ne soit ainsi pas valorisée efficacement dans l'intérêt commun, faute de tarifs adaptés chez les grands gestionnaires d'infrastructures français.
Elle lui demande donc comment il envisage d'assurer la transparence et des tarifs adaptés pour l'accès à ces infrastructures aux opérateurs de proximité, afin de permettre un meilleur accès à la numérisation des PME.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 26/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 25/01/2022

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 2068, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Mme Anne-Catherine Loisier. Je souhaite interroger le Gouvernement, madame la secrétaire d'État, sur les pratiques des concessions autoroutières ou de la SNCF concernant l'accès à leurs infrastructures numériques, pratiques qui, semble-t-il, restreignent la concurrence.

Les tarifs pour utiliser ces infrastructures sont effectivement prohibitifs. De fait, la protection des gestionnaires quant à l'usage de leurs fourreaux, pourtant largement amortis et loués à des conditions désavantageuses, empêche certains opérateurs de proximité du numérique d'emprunter ces infrastructures.

Ces derniers sont alors contraints d'utiliser les offres éclairées ou inactivées – la fibre optique noire – d'opérateurs tiers, pour la plupart non européens, ces offres étant proposées à des tarifs non régulés, ne permettant pas de créer des conditions d'une concurrence locale, telle que souhaitée par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) sur le marché des entreprises, des professionnels et des collectivités. Je rappelle que, dès 2017, ce marché a été qualifié par l'Arcep de « parent pauvre » de la régulation.

Il serait pourtant possible, madame la secrétaire d'État, de capitaliser sur une démarche plus vertueuse et plus souveraine en matière d'économie circulaire : les besoins des opérateurs de proximité bénéficieraient à des acteurs nationaux européens, contribuant ainsi au développement et à la pérennité d'un secteur essentiel à la relance économique de notre pays.

Or les opérateurs alternatifs se retrouvent aujourd'hui dans une situation où la création de valeur est captée par des acteurs le plus souvent américains, ce qui contribue à asseoir encore un peu plus la domination mondiale de ces acteurs sur ces infrastructures essentielles.

Madame la secrétaire d'État, comment envisagez-vous de rendre ce marché plus transparent ? Instaurerez-vous des tarifs adaptés pour l'accès des opérateurs de proximité à ces infrastructures ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Comme vous le savez, madame la sénatrice Loisier, les offres d'accès aux infrastructures de génie civil commercialisées par les sociétés autoroutières pour le déploiement des réseaux de communications électroniques doivent respecter certaines règles, en application de la directive 2014/61/UE du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, directive ayant été transposée dans le droit français.

Les conditions d'accès doivent être fournies selon des modalités et dans des conditions, y compris tarifaires, équitables et raisonnables.

L'orientation du tarif vers les coûts n'est toutefois pas imposée dans ce cadre. En cas de différend entre les parties, notamment sur le volet tarifaire, il est bien prévu que l'Arcep puisse être saisie pour se prononcer sur ce différend. À la connaissance du Gouvernement, aucune demande en ce sens n'a été à ce jour adressée à l'autorité de régulation.

S'agissant de la régulation ex ante opérée par l'Arcep, il est à noter que le marché de la fourniture en gros d'accès aux infrastructures physiques de génie civil pour le déploiement des réseaux de communications électroniques n'est pas inclus dans la liste des marchés pertinents recensés dans la recommandation n° 2014/710/UE de la Commission européenne.

Néanmoins, au terme des travaux menés dans le cadre du sixième cycle d'analyse des marchés, l'Arcep a estimé nécessaire de maintenir une régulation ex ante asymétrique de ce marché, qu'elle a précisément délimité et sur lequel elle a mis en évidence des barrières élevées et non provisoires à l'entrée, avec une absence de perspectives d'évolution vers une concurrence effective à l'horizon du cycle d'analyse. Elle a également souligné l'insuffisance du droit de la concurrence à remédier seul aux dysfonctionnements constatés.

Dans sa décision n° 2020-1445 de décembre 2020, l'Autorité a défini les limites du marché pertinent, en retenant les offres d'accès aux infrastructures de génie civil, souterraines ou aériennes, proposées par des opérateurs de communications électroniques, des collectivités territoriales ou Enedis, dès lors qu'elles sont mobilisables pour le déploiement de réseaux de boucle locale et de collecte.

La même décision identifie un opérateur puissant, Orange, et lui fixe des obligations.

Les offres d'accès aux infrastructures de génie civil des réseaux autoroutiers n'ont pas été retenues dans la délimitation du marché pertinent. En effet, elles ne présentent pas la même capillarité que les offres d'accès proposées par les opérateurs de communications électroniques ou les collectivités territoriales pour le déploiement de réseaux de boucle locale et de collecte.

Il serait donc vraiment disproportionné de soumettre les sociétés d'autoroute à des obligations excessivement contraignantes, notamment d'orientation sur les coûts…

M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. De telles obligations ne se justifient pas sur un plan juridique dans des conditions très précises et pour un opérateur exerçant une influence significative.

M. le président. Je vous remercie de respecter votre temps de parole, madame la secrétaire d'État.

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.

Mme Anne-Catherine Loisier. J'entends vos explications, madame la secrétaire d'État. Mais, à l'heure où l'on parle de réindustrialisation de nos territoires, il est véritablement regrettable de se priver de ces réseaux qui maillent l'ensemble de nos territoires. La question ne me semble absolument pas clarifiée. Je vous invite donc à l'évoquer avec l'Arcep – ce que, pour ma part, je ferai.

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