Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - Les Républicains) publiée le 06/01/2022

Question posée en séance publique le 05/01/2022

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, j'aurais préféré vous souhaiter la bonne année. Je le fais tout de même, mais vous comprendrez que, depuis cette interview du Président de la République, aussi sidérante que désolante, les mots d'Emmanuel Macron sont dans tous les esprits.

Ces mots, je ne les prononcerai pas. Je ne les prononcerai pas ici, au Sénat ; je ne les prononcerai pas, parce qu'ils n'ont pas droit de cité dans notre conversation civique. (Murmures appuyés sur les travées du groupe RDPI.)

Aucune urgence sanitaire ne justifie des propos d'une telle brutalité, d'une telle indignité.

M. Xavier Iacovelli. Et Sarkozy alors ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Aucune nécessité épidémique ne légitime qu'un président de la République aille jusqu'à dénier à ses propres compatriotes la qualité de concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier ainsi que MM. Vincent Capo-Canellas et Hervé Maurey applaudissent également.)

Monsieur le Premier ministre, celui qui vous parle est vacciné. J'ai voté – vous le savez – le passe sanitaire.

Mes chers collègues, je voterai le passe vaccinal, malgré ces provocations calculées, malgré le piège qui nous est tendu.

M. Jean-François Husson. C'est une honte !

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, je vous interroge : dans une France qui est tellement facturée, morcelée, « archipélisée », pensez-vous qu'il faille en rajouter, encore, en division, en discorde ?

Alors que notre débat public est de plus en plus pollué par la violence,…

M. Vincent Segouin. Eh oui !

M. Bruno Retailleau. … pensez-vous qu'il faille recourir à la violence verbale, qui est une autre forme de violence ?

Vous avez été maire, il y a si peu. Je voudrais maintenant interroger l'homme que vous êtes, cher Jean Castex (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.).

Maire, auriez-vous utilisé ces mots-là, avec ce sens-là ? Telle est ma question. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)


Réponse du Premier ministre publiée le 06/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 05/01/2022

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, permettez-moi d'abord de vous souhaiter, très chaleureusement et très sincèrement, ainsi qu'à l'ensemble du Sénat, une bonne année.

Évidemment, je ne suis pas tout à fait surpris de votre question. (Exclamations amusées.) Si vous le voulez bien, je vais me placer au fond du sujet. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais oui !

Cher président, comme moi, vous aimez l'histoire. Vous savez bien que ces termes, que vous ne voulez pas prononcer, l'ont déjà été par… (Protestations et quelques huées sur les mêmes travées. – M. Laurent Burgoa fait un signe de dénégation.) Mais oui !

Au fond, quel est le sujet ?

Il s'agit de la politique que nous conduisons pour faire face à la crise sanitaire. Au moment où notre pays est confronté de nouveau – ai-je besoin de le rappeler au Sénat ? – à une vague d'une forte ampleur, au moment où nos hôpitaux et nos soignants sont confrontés – vous le savez – à une situation extrêmement difficile, oui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une difficulté – nous ne cessons de le dire – avec celles et ceux de nos concitoyens qui ne sont pas vaccinés. (Protestations et interpellations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Oui, nous avons l'impérieuse nécessité – nous le faisons depuis des mois – de faire progresser la vaccination dans ce pays. (Exclamations sur de nombreuses travées.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous braquez les non-vaccinés ! La situation est encore pire !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs je vous entends, mais, comme vous – je n'en doute pas –, je vais sur le terrain.

Vous avez bien voulu faire allusion, cher président Retailleau, à mes anciennes fonctions de maire : quand, comme vous, je me rends très régulièrement dans les services de soins critiques, ce qu'a dit le Président de la République,…

Mme Sophie Primas. C'est indigne !

M. Jean Castex, Premier ministre. … je l'entends partout. (Protestations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais bien sûr que oui ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Vous le savez, il y a une forme d'exaspération de nos concitoyens (Protestations continues sur les travées du groupe Les Républicains.) à se voir imposer un certain nombre de contraintes, alors que d'autres font le choix de s'en affranchir, avec toutes les conséquences que cela a.

Cher président Retailleau, un point m'a agréé dans votre question : vous avez dit que vous voteriez le projet de loi. Les propos du Président de la République s'inscrivent en parfaite cohérence avec ce que nous faisons (Protestations vives et indignées sur les travées du groupe Les Républicains.) – et vous le savez ! –, c'est-à-dire pousser à la vaccination et responsabiliser toujours davantage celles et ceux de nos concitoyens qui s'y refusent.

C'est capital, y compris pour contrer l'exaspération légitime de ceux – ils sont immensément nombreux – qui font l'effort de se conformer aux règles de la vie civique.

Mme Sophie Primas. Ce n'est pas le cas du Président de la République !

M. Jean-François Husson. On n'insulte pas les Français !

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, nous proposons un texte qui va dans ce sens, qui transformera le passe sanitaire en passe vaccinal. Je constate avec regret que l'on a l'air de se servir de tout motif pour en retarder l'examen. (Bronca sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylviane Noël martèle son pupitre.)

Cher président, il faut que nous reprenions la marche des choses. Ce texte est un outil majeur – ce n'est pas le seul – pour lutter contre cette pandémie qui galope. (Protestations continues sur les travées du groupe Les Républicains, qui couvrent la voix de M. le Premier ministre.)

Je le dis au Sénat : nous avons besoin de ce texte et je ne comprends pas les obstructions au fond.

M. Roger Karoutchi. Nous ne parlons pas du texte !

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président du Sénat, j'ai consulté les groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat. Un consensus – non pas global et certes assorti de nuances – s'est dégagé. Nous devons le capitaliser, parce que l'orientation est bonne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ne confondez pas : le fond est capital. J'ai besoin, la France a besoin de ce texte pour faire progresser la vaccination ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Bernard Fialaire et Olivier Cadic applaudissent également. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, vous avez répondu à côté de ma question.

Il y a quelques jours, dans une grande émission de télévision, Emmanuel Macron est venu nous dire, la main sur le cœur et la larme à l'œil, qu'il avait changé, qu'il avait compris les Français et qu'il avait appris à les aimer.

Un gros travail reste à faire. Ces mots-là ne sont pas un dérapage de plus, ils sont un outrage de trop ! (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté, M. Hervé Maurey, Mme Angèle Préville et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)

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