Question de M. LEVI Pierre-Antoine (Tarn-et-Garonne - UC) publiée le 27/01/2022

Question posée en séance publique le 26/01/2022

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre-Antoine Levi. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Lundi soir, Pierre Ludet, fonctionnaire de police affecté à la brigade spécialisée de terrain (BST) du XVe arrondissement de Marseille mettait fin à ses jours avec son arme de service. Pierre avait 22 ans. Il était champion d'arts martiaux. Il était très apprécié par tous ses collègues et avait toute la vie devant lui.

Avant ce geste désespéré, huit autres fonctionnaires de police ont mis fin à leurs jours depuis le 1er janvier : une hécatombe !

Je tiens à adresser au nom du groupe Union Centriste mes plus sincères condoléances à la famille de Pierre, à ses proches et à ses collègues, mais également à avoir une pensée pour tous les fonctionnaires de police, de gendarmerie, des douanes et de l'administration pénitentiaire qui ont mis fin à leurs jours ces dernières années.

À chaque nouveau drame, il y a un nouveau message du Gouvernement et une émotion sincère. Mais après ? Qu'est-ce qui peut pousser un ou une fonctionnaire de police à commettre l'irréparable ? Telle est la vraie question qui doit être posée.

Le manque d'effectifs, le vieillissement des matériels ou des locaux peuvent être des éléments qui constituent ce mal-être.

Il est vrai que votre ministère a augmenté les effectifs et les moyens matériels alloués à la police et à la gendarmerie ; j'en ai eu la preuve dans mon département. Pourtant, ce mal-être et cette détresse sont toujours là !

Monsieur le ministre, on en arrive peut-être à ce geste ultime lorsque l'on considère que son travail perd petit à petit de son sens malgré la foi profonde que l'on a de la justice et de la défense de ses concitoyens. Pouvez-vous indiquer au Sénat les actions que vous avez mises en œuvre et surtout celles que vous allez engager pour mettre fin à cette funeste série ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 27/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2022

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je m'associe évidemment à votre message de soutien face à la détresse des policiers et des gendarmes qui se sont suicidés depuis le début de l'année.

En moyenne, il y a plusieurs dizaines de suicides par an – c'était le cas l'année dernière – au sein de l'administration que j'ai l'honneur de diriger. Et cela se produit souvent avec l'arme de service, dans les locaux des brigades de gendarmerie ou dans les commissariats de police.

Je connaissais le fonctionnaire que vous évoquez. Major de sa promotion, il faisait partie de la centaine de nouveaux effectifs que nous avions envoyés à Marseille. Il avait choisi les quartiers nord. Il était courageux ; le Président de la République l'avait également rencontré. Il était plein de jeunesse. Son geste touche bien entendu toute la police nationale, ses collègues de Marseille et pose des questions à l'administration qui le dirigeait.

Si l'essentiel de ces suicides – et je ne dis évidemment pas cela pour les minimiser – ont un lien direct avec la vie personnelle des fonctionnaires concernés, et si le fait d'être policier ou gendarme et d'avoir son arme de service contribue malheureusement à des passages à l'acte plus que dans d'autres services de l'État, l'administration ne se dédouane pas face aux drames que nous connaissons.

En 2019, mon prédécesseur avait mobilisé des moyens très importants pour pouvoir lutter contre les suicides dans la police nationale. J'ai décidé de les faire évaluer par une société de conseil extérieure.

La semaine dernière, à ma demande, le directeur général de la police nationale a réuni l'ensemble des syndicats. D'un commun accord, il a été décidé de recruter une vingtaine de psychologues dans les services les plus difficiles de la police nationale et d'accorder davantage de moyens budgétaires et humains aux associations, notamment à celles qui aident les familles des policiers qui se suicident. En outre, indépendamment des conseils de leur hiérarchie, les agents pourront contacter une cellule « policiers victimes » lorsqu'ils se sentent en difficulté.

Je vous remercie d'avoir posé cette question délicate, monsieur le sénateur. Il n'existe pas de mesures miracles, mais je vous assure que nous essayons de faire le maximum pour les policiers. (MM. Ludovic Haye, François Patriat, Arnaud de Belenet et Pierre Louault applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.

M. Pierre-Antoine Levi. Je vous remercie pour vos explications, monsieur le ministre.

Les faits sont têtus : tous les jours, des policiers commettent l'irréparable, en dépit de toutes les mesures qui sont prises. C'est sans doute le signe que celles-ci ne sont pas suffisantes et que ces actes traduisent un mal beaucoup plus profond.

Il faut aussi écouter et accompagner, car la dimension humaine est beaucoup plus importante que les aspects matériels. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

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