Question de M. BURGOA Laurent (Gard - Les Républicains) publiée le 13/01/2022

M. Laurent Burgoa attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les réseaux de ventes illicites de cigarettes.
En effet, en plus des ventes dites « à la sauvette » sur des parkings ou encore devant des collèges et lycées, se développe un trafic au sein d'épiceries de nuit ou de taxiphones.
Si les communes de Nîmes et Alès sont particulièrement concernées par la vente de tabac en contrebande ou de contrefaçon, ce trafic touche de plus en plus les zones rurales et nuit au réseau de buralistes. À ce jour, 30 % des ventes de tabac sont estimées hors du réseau professionnel.
Inquiets de la qualité des produits ainsi vendus mais aussi économiquement impactés, de nombreux buralistes constatent que malgré des contrôles et parfois des fermetures, un certain nombre de commerces rouvrent et poursuivent le trafic.
Il lui demande quelles mesures il compte prendre afin de préserver la santé des Français et les buralistes de cette concurrence.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/04/2022

La lutte contre la vente illicite de tabac est une préoccupation majeure du ministère de la Justice en ce que cette activité illicite revêt un enjeu sanitaire et prive les buralistes et l'administration fiscale d'une part de leurs ressources. La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) veille depuis plusieurs années à accompagner les juridictions dans la lutte contre le trafic de tabac, qu'il soit national ou international. Véritable enjeu de la criminalité organisée, ce trafic de tabac est également un enjeu de la criminalité économique et financière lorsqu'il est orchestré par des réseaux. La loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon est venue consolider les moyens d'action des douanes et harmoniser les mécanismes existants, tant en matière civile qu'en matière de répression pénale. La compétence des douanes en matière d'infiltration ainsi qu'en matière de « coups d'achat » – procédure qui consiste pour un douanier à procéder à l'acquisition d'une certaine quantité de produits soupçonnés de constituer des contrefaçons afin de vérifier si la contrefaçon est ou non avérée – a ainsi été étendue à l'ensemble des marchandises contrefaites en application des articles 67 bis II et 67 bis-1 du code des douanes. Par ailleurs, la procédure de destruction des marchandises soupçonnées de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle a été simplifiée et a été créée une nouvelle circonstance aggravante de l'infraction de détention, vente, offre de vente et livraison de marchandises portant sur une marque contrefaite (article L.716-10 du code de la propriété intellectuelle) tenant au fait que les marchandises sont « dangereuses pour la santé ou la sécurité de l'homme ou l'animal ». A ce titre, la dépêche diffusée par la direction des affaires criminelles et des grâces le 29 juillet 2014 présentant les principales modifications législatives et incitant les parquets à recourir aux juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) en matière de contrefaçon pour les affaires d'une très grande complexité, reste d'actualité et a été suivie d'effet. Cette diffusion a plus récemment été complétée par la diffusion, le 1er octobre 2018, d'une dépêche présentant la nouvelle stratégie de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) en matière de contrôle des marchandises et de lutte contre la contrefaçon : l'attention des parquets y a été appelée sur la nécessité de renforcer l'échange d'information entre les douanes et les parquets, aux fins de recoupement avec les procédures judiciaires en cours et d'identification des réseaux. Le principe d'une double information des douanes à l'attention non seulement du parquet local mais également du parquet près la juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) – qui bénéficie d'une compétence concurrente en la matière en raison des enjeux en présence et de la complexité des investigations à mener face à l'organisation de réseaux souvent implanté à l'international – a par ailleurs été rappelé. La diffusion de ces dépêches a été complétée par l'élaboration et la mise en ligne de fiches techniques dédiées au contentieux douanier afin d'apporter un réel outil de soutien à la politique pénale proactive poursuivie par les parquets en cette matière : une fiche technique relative à la fraude aux accises, fraude consistant à éluder l'impôt indirect sur la consommation de certains produits et notamment sur les tabacs manufacturés, a été publiée par la DACG à l'attention des juridictions. Enfin des notes d'analyse, faisant un état régulier de l'évolution de ce type de phénomène en lien avec les informations collectées par le SIRASCO, sont régulièrement actualisées (la dernière l'a été au mois de février 2020) afin d'adapter la stratégie judiciaire d'identification et de traitement des réseaux. Récemment, l'article 143 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de loi de finances pour 2022 est venue aggraver les sanctions encourues en cas de constatation, par les services douaniers, de faits constitutifs d'une infraction relative à la fabrication, la détention, la vente ou de transport illicites de tabac. Enfin, des dispositions récentes ont été prises au niveau européen et national pour renforcer la lutte contre la vente illicite de produits du tabac. Depuis le 20 mai 2019, l'Union européenne a instauré un système de traçabilité des produits du tabac, permettant d'en suivre la trajectoire, de leur production jusqu'à leur livraison dans un débit de tabac autorisé. Sur le plan national, la douane est en capacité, à titre expérimental, et ce depuis la loi de finances du 28 décembre 2019 d'utiliser la technique dite du « webscraping », c'est à dire une collecte des données manifestement rendues publiques sur internet, puis leur analyse et leur exploitation à des fins de lutte contre la fraude ; et le décret n° 2019-1396 du 18 décembre 2019 a créé une contravention d'acquisition de produits du tabac manufacturé vendus à la sauvette. Sur le plan statistique, l'analyse des données chiffrées de l'activité judiciaire permet d'observer une très forte augmentation du nombre de condamnations prononcées pour des infractions entrant dans le champ de la commercialisation illicite du tabac pour l'année 2021 – ce nombre étant passé de 696 en 2017 à 756 en 2020 puis à 1417 en 2021.

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