Question de M. CHAIZE Patrick (Ain - Les Républicains) publiée le 20/01/2022

M. Patrick Chaize appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le projet de transport par câble aérien prévu dans la capitale de l'île de Madagascar, à Antananarivo.
État insulaire d'Afrique australe, Madagascar est la cinquième plus grande île du monde. Malgré d'abondantes ressources naturelles, le pays connaît l'un des taux de pauvreté les plus élevés au monde avec des populations touchées au sud par la famine.
Le projet de transport fait l'objet d'un accord signé par les gouvernements français et malgaches le 20 septembre 2021, stipulant le financement d'un téléphérique, d'un coût de 152 millions d'euros, par deux prêts, un premier fourni par le trésor public français et un second garanti par la banque publique d'investissement (BPI) France export. La ligne principale de 12 km relierait un quartier cossu (Ambatobe) de la capitale avec le centre-ville. Le coût des billets aller-retour sur cette ligne, qui serait équivalent à trois-quarts du salaire mensuel minimum, interdirait de fait son utilisation par la grande majorité des usagers potentiels. Elle n'améliorerait donc pas — ou si peu — la circulation dans cette ville.
Les infrastructures de ce projet surplomberaient plusieurs sites sensibles de la ville : quartiers d'habitation, écoles, églises, musées et lieux historiques. Sa mise en œuvre engendrerait la consommation d'une grande partie des capacités électriques, déjà insuffisantes, du pays. De plus, le remboursement de son financement serait une charge lourde pour les générations futures et, de manière plus immédiate, pour les habitants des autres régions de l'île, qui n'en bénéficieraient pas.
Sa réalisation n'aurait donc pour effet que d'aggraver l'inégalité sociale, de défigurer irrémédiablement la ville d'Antananarivo, de lui fermer la possibilité de postuler pour être inscrite dans la liste des patrimoines communs de l'humanité, d'endommager des sites cultuels, culturels, patrimoniaux et sociaux de l'île et d'affaiblir enfin toute l'affection que les habitants de ce pays portent pour la France et les Français.
Alors qu'une part importante de la population malgache vit dans des conditions de précarité absolue, force est de constater que le projet est démesuré et qu'il ne constitue en rien une priorité, comparé à l'intérêt que comporterait la mise en œuvre urgente de mesures indispensables au quotidien de nombreux habitants : réduire l'extrême pauvreté, permettre l'accès de tous à la nourriture et aux énergies, favoriser l'accès à l'éducation primaire, lutter contre l'insécurité, améliorer la santé maternelle…
Dans ce contexte socio-économique très délicat, la question de l'opportunité de la réalisation d'un tel projet d'envergure se pose. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de reconsidérer l'engagement de l'État français et de lancer une réflexion pour que des moyens soient prioritairement consacrés aux besoins primaires et essentiels de la population malgache.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 05/05/2022

La capitale malgache est soumise à de multiples tensions et problématiques relatives à l'aménagement urbain et la mobilité. Tout d'abord, elle est soumise à une croissance urbaine très dynamique et difficilement maitrisée. Si l'aire urbaine compte aujourd'hui plus de 3 millions de personnes, ce chiffre ne dépassait pas les 175 000 en 1950. Cette pression démographique (estimée à 4,4 % par an) continue de s'exercer avec vigueur sur la capitale. Ensuite, elle se caractérise par une topographie complexe et accidentée : le site de Tananarive, constitué de collines escarpées et d'une plaine inondable encore principalement occupée par des rizières, constitue un espace particulièrement contraignant pour l'aménagement urbain et la mobilité de sa population en raison de la très faible densité de son réseau viaire. Enfin, un manque d'investissement dans les infrastructures publiques, s'avère in fine coûteux sur un plan économique. La  saturation du trafic a un coût économique, environnemental (rejets de gaz à effet de serre) et social avec une estimation de la Banque mondiale de 30 000 morts par an dus à la pollution. Le caractère épars de l'offre de transport, le manque d'organisation et d'intégration du système accentuent ces problématiques. Dans ce contexte, la Président de la République de Madagascar a souhaité mettre en œuvre un projet de transport par câble. Un système de transport par câble a toute sa pertinence, dans la mesure où il apporte une réponse opérationnelle aux problématiques de mobilité urbaine afin de diminuer le trafic et de réduire la pollution. Il permet également de proposer un système de transport à moindre coût pour une emprise foncière limitée par rapport à un système en site propre. En conformité avec la législation malgache régissant les marchés publics, les autorités de Madagascar ont retenu le projet des entreprises françaises POMA (un des leaders mondiaux du secteur), et de la filiale malgache de Colas. Structuré en deux lignes et s'étendant sur 12 kilomètres, il permettra de transporter 80 000 personnes par jour sur des axes comptant parmi les plus fréquentés de la capitale (complexes éducatif et universitaire, centre d'affaires, centre administratif, zones touristiques). Un accord intergouvernemental a été signé le 20 septembre 2021 entre la France et la République de Madagascar concernant le financement du projet. Ce projet, qui représente un coût total de 150 M€ est financé par un prêt du Trésor, un prêt commercial pris en garantie par Bpifrance et des ressources propres. Les conditions relatives au prêt du Trésor s'inscrivent dans le cadre de l'Arrangement OCDE qui définit le cadre des financements export. L'accord de financement a été ratifié par le parlement malgache en date du 16 décembre 2021. Le contrat commercial a été signé le 17 décembre en présence des représentants des entreprises françaises, Poma et Colas, du secrétaire d'État aux nouvelles villes et à l'habitat et du maire de Tananarive. La mise en œuvre de ce projet devrait durer 24 mois pour une inauguration de la première ligne prévue en juin 2023 lorsque la capitale malgache accueillera les jeux de l'Océan Indien. S'agissant du coût de ce projet, un rapport d'expertise indépendant a souligné qu'il apparait comme modéré pour un projet de cette longueur et de cette capacité. La modération des coûts s'explique par les choix techniques réalisés pour les paramètres structurants du projet, et notamment le dimensionnement des gares et des véhicules (cabines de 10 à 12 places). En ce qui concerne les tarifs, le prix du ticket relève de la compétence des autorités malgaches, et n'a pas fait, pour l'instant, l'objet d'une décision définitive. Des études préalables ont évalué l'optimum tarifaire permettant d'atteindre un équilibre économique avec un coût du ticket moyen à 1500 ariary. Il convient également de souligner que la France, via l'Agence Française de Développement, accompagne Madagascar dans un ensemble de secteurs pour un volume d'engagement moyen de 50 M€ par an : Réalisations d'investissement pour améliorer les infrastructures d'assainissement du pays ; Mise en œuvre de projets d'aménagements urbains dans les quartiers défavorisés de la capitale et les villes secondaires du pays ; Réalisation d'infrastructures routières permettant de connecter les principaux axes routiers et désengorger le centre-ville ; Appui à la lutte contre la sous nutrition infantile via le financement d'une entreprise produisant des compléments alimentaires ; Appui à la formation professionnelle pour apporter des solutions concrètes à la jeunesse malgache et à la nécessité de formaliser davantage l'économie du pays ; Accompagnement de Madagascar dans la gestion des catastrophes naturelles (inondations, cyclones) ; Développement rural et appui à l'agriculture ; Appui au secteur de la santé dans le contexte de la crise sanitaire. Enfin, la France contribue à soutenir l'Etat de Madagascar via les institutions multilatérales dont elle est membre (Nations Unies, Banque mondiale, Banque africaine de développement, Union européenne, Banque européenne d'investissement) dont les engagements annuels atteignent près d'1 milliard d'euros par an.

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