Question de M. MARCHAND Frédéric (Nord - RDPI) publiée le 10/02/2022

M. Frédéric Marchand attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics sur les écloseries marines de Gravelines (EMG – Aquanord) qui sont le plus important producteur de bars et daurades royales en France (2 000 tonnes de poisson par an – mais aussi 35 millions d'alevins de bar). L'entreprise emploie à ce jour 100 personnes sur le site de Gravelines, elle est un modèle d'économie circulaire permettant d'adosser à la centrale nucléaire une activité productive et vertueuse qui réponde à une problématique majeure sur les enjeux alimentaires et la raréfaction des ressources en mer.
Or leur activité et leur viabilité sont aujourd'hui fortement menacées.
Cette situation découle de la décision de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) de mettre fin à l'exonération partielle de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) au motif de l'interprétation juridique de leur classification en code APE dans la nomenclature au 1er juillet 2018.
Par conséquent, l'entreprise n'est plus éligible au taux réduit de la TICFE et subit donc une multiplication par 10 du taux qui lui est imposable, et ce, avec effet rétroactif. La DGDDI réclame en effet les remboursements des sommes dues rétroactivement sur 4 années, pour un total de 1,6 million d'euros (environ 450 000 € de surcoût par an). Une procédure judiciaire en contestation est en cours au tribunal d'instance de Dunkerque.
À cette situation critique vient s'ajouter l'augmentation inédite et brutale du tarif de l'électricité, ce qui pourrait porter un coup fatal à ce modèle économique unique et innovant en France combinant électro-intensif et agro-industriel.
Il s'agit de la seule entreprise produisant des bars et des daurades en aquaculture marine sur terre en France qui en fait la garante d'un savoir-faire unique en France sur la filière aquacole marine sur terre.
Il est important de noter qu'Aquanord représente 80 % du produit de la TICFE de l'aquaculture en France. L'entreprise rachetée par le groupe Gloria Maris Ichtus en 2013 a un modèle économique compétitif et rentable, bénéficiaire depuis 2015, dans un contexte fiscal normal (taux de TICFE réduit) et un prix de l'électricité raisonnable. L'augmentation des charges fixes due au taux relevé de la TICFE rendrait la production de ladite entreprise non compétitive par rapport à ses concurrents, turcs et grecs notamment, et mettrait clairement en péril 100 emplois.
Il s'agit donc de tout faire pour garantir notre souveraineté alimentaire et préserver un savoir français.
Par ailleurs, Aquanord produit des poissons de haute qualité nutritionnelle et gustative, permettant de préserver la ressource marine qui se raréfie et tend à être polluée de manière croissante par les plastiques et métaux lourds en mer.
Fer de lance de la transition écologique et de la résilience alimentaire, Aquanord développe un modèle vertueux et inspirant.
La France importe en effet plus de 90 % des produits marins consommés. Le modèle porté par cette entreprise est bien le fer de lance d'une production française d'excellence respectueuse de l'environnement.
Il sait les services de l'État mobilisés sur ce dossier et il salue la décision récente du Gouvernement d'accorder à Aquanord pour l'année 2022 un taux plancher de la TICFE dans le cadre des mesures d'urgence décidées face à la hausse du prix de l'électricité.
Dans cet état d'esprit visant à protéger les entreprises françaises, il lui demande d'étudier la possibilité d'un changement de la nomenclature en projet de loi de finances permettant à Aquanord de bénéficier de nouveau du taux réduit de TICFE et de sursoir à la requalification rétroactive de l'entreprise par les services des douanes pour les 4 années passées.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Industrie publiée le 16/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2022

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 2140, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

M. Frédéric Marchand. Les écloseries marines de Gravelines sont le plus important producteur de bars et de dorades royales en France. L'entreprise emploie à ce jour 100 personnes sur son site de Gravelines. Elle est un modèle d'économie circulaire, permettant d'adosser à la centrale nucléaire une activité productive et vertueuse, qui répond à une problématique majeure sur les enjeux alimentaires et la raréfaction des ressources en mer.

Or, comme vous le savez, madame la ministre, l'activité et la viabilité de ces écloseries sont aujourd'hui fortement menacées.

Cette situation découle de la décision de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) de mettre fin à l'exonération partielle de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), au motif de l'interprétation juridique faite de leur classification en code APE – pour activité principale exercée – dans la nomenclature datant du 1er juillet 2018.

Par conséquent, l'entreprise n'est plus éligible au taux réduit de la TICFE et subit, de ce fait, une multiplication par dix du taux qui lui est imposable, et ce avec effet rétroactif. La DGDDI réclame en effet le remboursement des sommes dues rétroactivement sur quatre années, à savoir 1,6 million d'euros, soit un surcoût de 450 000 euros par an. Une procédure judiciaire est en cours.

À cette situation critique vient s'ajouter l'augmentation inédite et brutale du prix de l'électricité, qui pourrait porter un coup fatal à ce modèle économique unique et innovant en France, combinant électro-intensif et agro-industriel.

Il s'agit de la seule entreprise produisant des bars et des dorades en aquaculture marine sur terre en France, ce qui en fait la garante d'un savoir-faire unique dans notre pays au sein de cette filière aquacole.

Il est important de noter qu'Aquanord représente 80 % du produit de la TICFE de l'aquaculture en France. Cette entreprise a été rachetée en 2013 par le groupe Gloria Maris. Elle a un modèle économique compétitif et rentable, bénéficiaire depuis 2015 dans un contexte fiscal normal. L'augmentation des charges mettrait à mal sa compétitivité par rapport aux concurrents turcs et grecs.

Madame la ministre, je sais que les services de l'État sont pleinement mobilisés sur ce dossier et je salue votre décision récente d'accorder à Aquanord un taux plancher de TICFE pour l'année 2022 dans le cadre des mesures d'urgence.

Aussi, dans cet état d'esprit visant à protéger les entreprises françaises, je vous remercie de bien vouloir étudier la possibilité d'un changement de la nomenclature en projet de loi de finances, ce qui permettrait à Aquanord de bénéficier de nouveau du taux réduit de TICFE, et de m'indiquer la possibilité de surseoir à la requalification rétroactive de l'entreprise par les services des douanes pour les quatre années passées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, votre question porte sur la fiscalité applicable aux installations fortement consommatrices d'énergie, que l'on appelle « énergo-intensives » ou, s'agissant de la consommation d'électricité, « électro-intensives ».

Le droit européen tient compte, dans les règles régissant la taxation de l'énergie, harmonisées au niveau communautaire, de l'exposition des entreprises à la concurrence internationale et du poids très important que représente l'énergie parmi les intrants de certains types d'activités.

Ainsi que vous le rappelez, le droit en vigueur depuis plusieurs années ne permet pas aux activités d'aquaculture – activités agricoles – de bénéficier du tarif réduit de TICFE : conformément au droit européen, l'article 266 quinquies C du code des douanes en limite le bénéfice aux activités industrielles.

Ces règles s'appliquent de façon constante depuis plusieurs années. En 2018, les modalités retenues pour établir le caractère industriel des activités ont évolué, mais sans exclure les activités d'aquaculture de ce régime.

Le Gouvernement a déjà apporté des réponses dans le cadre de la crise actuelle des prix de l'énergie, notamment à travers la baisse de la TICFE.

Dans le cadre de son ambitieux paquet Fit for 55, la Commission européenne a proposé, en juillet dernier, de revoir de fond en comble le fonctionnement de la fiscalité énergétique afin de la mettre en cohérence avec l'objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030.

Ce projet de texte, qui fait pour l'instant l'objet de travaux techniques, prévoit une refonte des dispositifs favorables aux entreprises énergo-intensives ou électro-intensives. Il ouvre la porte à une moindre taxation de l'électricité par rapport aux énergies fossiles.

C'est donc dans ce cadre, monsieur le sénateur, que la France peut faire évoluer la réglementation s'appliquant à l'entreprise que vous mentionnez.

Par ailleurs, nous serons très attentifs à toute situation impactant une entreprise qui produit en France. Ce cas pourra donc être traité, à court terme, dans un autre cadre.

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