Question de Mme BRULIN Céline (Seine-Maritime - CRCE) publiée le 03/02/2022

Question posée en séance publique le 02/02/2022

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, notre groupe s'associe à l'hommage que vous avez rendu à notre collègue Olivier Léonhardt.

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, après de nouvelles révélations concernant les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés, vous avez annoncé un renforcement des contrôles et un travail sur la certification des établissements.

Quels seront les objectifs de ces contrôles ? Seront-ils menés par les agences régionales de santé (ARS), qui, je le rappelle, fonctionnent en « dialogue de gestion » avec les Ehpad, attendent des « améliorations de la performance », ou prônent « l'efficience dans la dépense publique », alors que nos aînés ont besoin de soins, d'accompagnement et d'humanité ?

Envisagez-vous de refuser leur agrément à des établissements dont le modèle économique est axé sur la rentabilité, au profit d'Ehpad publics ou associatifs à but non lucratif ?

Entendez-vous avancer, comme le réclament les salariés depuis des années, vers un taux d'encadrement d'un personnel pour un résident ?

Au-delà des scandales révélés par Victor Castanet dans Les Fossoyeurs, nos Ehpad connaissent un problème structurel de sous-effectifs, au point que les agents, qui font pourtant de leur mieux au quotidien, évoquent une maltraitance institutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 03/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 02/02/2022

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Je veux redire à quel point je suis bouleversé par ce qui a pu être écrit et dit : cela traduit la réalité de la situation dans certains établissements chargés d'accompagner et de soigner des personnes âgées fragiles en perte d'autonomie, qui leur ont été confiées par leurs familles parce qu'il leur était trop difficile de rester à domicile.

Je suis bouleversé pour les soignants, pour les blouses blanches, mais aussi pour les directeurs d'établissement, qui se mobilisent au quotidien.

Madame la sénatrice, j'ai fait ce métier pendant trois ans : j'ai été aide-soignant en Ehpad ; je connais l'engagement constant, jour et nuit, des équipes au lit des personnes âgées, parfois dans des salles collectives, qui animent et rendent le quotidien moins insupportable alors que la vie décline progressivement.

Je suis bouleversé pour les familles, qui ont fait un choix ne pouvant souvent plus être repoussé, celui de confier un proche ou un parent à des équipes professionnelles, afin de permettre aux leurs de passer les derniers moments de leur vie dans les meilleures conditions possible.

Je ne parlerai pas des statuts publics ou privés, car il y a une constante entre eux. Fort de mon expérience – j'ai travaillé dans des Ehpad tant publics que privés –, je vous rejoins pour dire qu'il n'y a pas suffisamment de professionnels pour bien prendre en charge les résidents. La nuit, nous étions deux pour quatre-vingt-dix lits. Que l'établissement soit public ou privé, les choses ne changent pas ! (Mme Sophie Primas et M. Pascal Savoldelli protestent.)

Il ne faut pas confondre deux problèmes.

Le premier concerne l'organisation des Ehpad, sujet auquel nous travaillons. Nous avons fait de la dépendance le cinquième risque de la sécurité sociale ; nous avons consacré 2,5 milliards d'euros supplémentaires par an à la branche autonomie ; nous avons créé 10 000 postes de soignants dans les Ehpad, et 40 000 autres postes sont en cours de création ; nous développons le numérique ; nous reconstruisons 3 000 établissements médico-sociaux et hospitaliers dans notre pays. Au travers des investissements réalisés dans le cadre du Ségur de la santé, nous avons pris le taureau par les cornes bien avant que ce sujet devienne polémique.

Le second problème confine à de la maltraitance institutionnelle, si ces faits devaient être avérés. Il concerne un ou plusieurs Ehpad, qui appartiennent à un ou plusieurs groupes. C'est l'objet des enquêtes que nous menons, ce travail ayant été confié à Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, qui le mène avec beaucoup de courage. (MM. François Patriat et Didier Rambaud applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, je ne vous rejoins que sur un seul point : il est difficile de travailler dans les Ehpad aujourd'hui, quelle que soit la catégorie professionnelle à laquelle on appartient.

Mais nous apprenons que le futur ex-PDG d'Orpéa a engrangé 600 000 euros en vendant des actions « au bon moment ». Voilà ce que ce groupe vante sur son site : « Le secteur Ehpad est réglementé par l'ARS et l'État et permet d'avoir une excellente lisibilité de ce secteur dans les années à venir. Ces dernières années ce placement s'est entièrement démocratisé […]. L'investissement en Ehpad vous permettra de diversifier votre portefeuille en investissant dans un actif immobilier sécurisé, avec un rendement attractif et des conditions de gestion optimisées par le gestionnaire. »

Au pays de la sécurité sociale, il est temps de construire un service public de la dépendance plutôt que d'embarquer les PDG de ces groupes financiers gestionnaires d'Ehpad en voyage présidentiel, comme cela a très récemment été le cas en Chine ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Bernard Fialaire et Bernard Bonne applaudissent également.)

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