Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SER) publiée le 03/02/2022

Question posée en séance publique le 02/02/2022

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, je souhaite tout d'abord m'associer aux hommages rendus à Olivier Léonhardt. Il était mon ami et il était, je le rappelle, un maire aimant passionnément sa ville, Sainte-Geneviève-des-Bois, ainsi qu'un irréductible militant de la lutte contre le racisme et contre l'antisémitisme. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC.)

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Voilà une dizaine de jours, l'association Osez le Féminisme ! a procédé à 200 signalements de milliers de vidéos pornographiques, dont au moins la moitié constituaient une infraction au code pénal.

L'industrie pornographique et les sites, comme celui de Jacquie et Michel, répondent aux pires fantasmes. Je vous prie, mes chers collègues, de garder votre calme malgré ce que je vais dire, qui va certainement vous choquer : « beurette des cités prise dans une cave », « grosse salope qui revient du bled », « viol collectif d'ado enceinte »… Tout cela est accessible sur le Net, pour peu que l'on saisisse les bons mots clés : les viols sont de vrais viols, les tortures, de vraies tortures.

Toutes ces vidéos constituent des infractions pénales – apologie de la haine, apologie de crimes de guerre, incitation à la haine raciale, viol en réunion, proxénétisme, homophobie –, mais toutes demeurent accessibles.

En réalité, seule la lutte contre le terrorisme est vraiment traquée sur internet. Si une vidéo montrait un violeur en train de sodomiser une femme en criant « Allahu Akbar ! À mort les kouffars ! », je n'ai aucun doute, elle serait retirée dans l'après-midi même. Mais s'il viole une femme en disant juste « Salope ! », la vidéo restera indéfiniment.

Madame la ministre, quelles suites ont été données aux signalements faits à Pharos ? Combien de vidéos ont-elles été retirées ? Combien de sites ont-ils été fermés ?

M. Jean Castex, Premier ministre. C'est n'importe quoi !

M. David Assouline. Non, ce n'est pas n'importe quoi !

Mme Laurence Rossignol. Ce n'est pas n'importe quoi, monsieur le Premier ministre ! Je conçois que vous ne connaissiez pas bien le dossier et je ne vous en fais pas grief, il y a un tel tabou sur la question, mais ne dites pas que je dis n'importe quoi. Ce que je dis est la triste réalité… (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur - Citoyenneté publiée le 03/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 02/02/2022

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, je m'inscris en faux contre le « deux poids, deux mesures » que vous décrivez ; je vais vous expliquer pourquoi.

Auparavant, je veux dire que le constat que vous faites est évidemment très choquant ; le Gouvernement condamne évidemment ces pratiques. C'est un sujet grave et différents ministres ont présenté, de manière coordonnée, le 15 novembre dernier, le premier grand plan national de lutte contre la prostitution des mineurs, afin de mieux protéger ces jeunes filles et ces jeunes hommes qui sont exploités par des filières dans un tel cadre.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On ne parle pas de prostitution !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Si, il y a parfois de la prostitution sur ces sites.

Par ailleurs, nous avons renforcé et amélioré la coordination des unités judiciaires, de la police nationale et de la gendarmerie nationale, qui contribuent à lutter au quotidien contre ces pratiques. Ainsi, nous avons créé un réseau d'enquêteurs spécialisés : le réseau CyberGend. Je rends hommage à ces gendarmes, qui font un travail extrêmement difficile : toute la journée, ils prennent en pleine figure ces images, ces vidéos. Quelque 300 enquêteurs ont été formés en 2021 à l'enquête sous pseudonyme, afin de mettre en place des actions de traque, pour confondre les auteurs d'infraction. Nous comptons ainsi 310 enquêteurs spécialisés et 6 100 correspondants.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il faut retirer les vidéos !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. En outre, nous avons mis en place et diffusé la cellule nationale de lutte contre les images de pédopornographie, qui administre la base de données Caliope, comparant et analysant les logiciels des images d'origine pédopornographique afin de mieux lutter, notamment dans le travail avec Interpol, puisque ces actes ont parfois une dimension internationale.

En 2021, Pharos a reçu 20 000 signalements relatifs à des contenus pédopornographiques. Quand M. le Premier ministre, M. le garde des sceaux et moi-même avons visité cette plateforme, les agents nous ont très clairement présenté leur activité comme visant tant le terrorisme que la pédopornographie.

C'est aussi pour cette raison que Pharos est désormais ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, afin de recueillir les signalements jusques et y compris pendant la nuit.

Enfin, je veux rendre hommage aux agents de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), qui, au sein du ministère de l'intérieur, travaillent jour et nuit. Ces agents nous ont expliqué à quel point les enquêtes qu'ils menaient pouvaient être traumatisantes pour eux-mêmes. Ce sont eux qui sont à l'origine des récents coups de filet ayant permis, notamment pendant le confinement, d'arrêter des centaines de pédocriminels, grâce à leur action délicate en ligne. Je les salue. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Bien sûr que c'est traumatisant de traquer ces vidéos, madame la ministre ! Mais ça l'est également pour les citoyens qui font ces signalements et qui n'en dorment pas la nuit !

Comment expliquez-vous donc que, malgré tout ce que vous venez de nous dire, les citoyens doivent tout de même porter plainte, saisir la justice, faire des signalements à Pharos ? Pourquoi les dispositifs que vous nous décrivez n'entraînent-ils pas la fermeture de ces sites et le retrait de ces vidéos ?

M. le président. Il faut conclure !

Mme Laurence Rossignol. Malgré tout ce que vous venez de nous dire, les vidéos que j'ai décrites sont toujours sur le Net. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains.)

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