Question de M. FERNIQUE Jacques (Bas-Rhin - GEST) publiée le 03/02/2022

M. Jacques Fernique interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation des peuples autochtones au Brésil, et plus particulièrement sur la situation de la communauté indigène yanomami et les menaces qui pèsent sur elle aujourd'hui en Amazonie, s'apparentant à une véritable crise humanitaire, sociale et environnementale.
Le peuple yanomami constitue le plus grand peuple indigène vivant dans le bassin amazonien. Comptant environ 40 000 personnes qui vivent de façon relativement isolée, sans compter plusieurs groupes non contactés, ce peuple est d'autant plus vulnérable aux menaces d'exploitations minières, de déforestations, d'attaques armées et de maladies.
Après avoir résisté face aux premières invasions minières des années 1980, le peuple yanomami doit faire face depuis plusieurs années à une invasion nouvelle d'une ampleur bien plus importante. Vingt mille orpailleurs sur son territoire sont parvenus à réaliser des extractions minières à grande échelle, grâce à du matériel mécanisé : véhicules de transport, armes et matériel logistique. Contraires à la constitution brésilienne, ces exploitations sont financées par des organisations criminelles, mettant en jeu des intérêts politiques et économiques.
En 2020, l'exploitation minière a encore fortement augmenté, aggravant de façon considérable les impacts sociaux, environnementaux et sanitaires.
La recherche de nouveaux territoires riches en ressources a pour effet l'intensification des attaques sur les peuples yanomami et par conséquent, une forte augmentation du nombre de victimes tous âges confondus. Sur le plan environnemental, il a été observé qu'une pollution au mercure hautement toxique s'est répandue dans les eaux et systèmes fluviaux, entraînant un risque d'exposition grave pour les communautés. Par ailleurs, la déforestation a augmenté fortement en 2020. Au niveau sanitaire, l'avancée des orpailleurs dans les territoires autochtones, à proximité des communautés, facilite la propagation des maladies, telles que la malaria, le paludisme et la covid-19. Cela, sans compter les cas graves de malnutrition constatés chez les plus jeunes.
Bien que l'organisation des nations unies (ONU), l'organisation des états américains (OEA) et plusieurs juges fédéraux aient condamné les violences et exhorté les autorités locales et nationales à prendre des mesures immédiates, ces autorités n'ont jamais envoyé de forces de sécurité ni donné suite aux demandes de protection et de retrait des mineurs, effectuées par les organisations yanomami.
Il l'interpelle donc sur la nécessité pour l'État français et l'Union européenne de dénoncer auprès de l'État brésilien ces atteintes graves contre les peuples autochtones. Il l'interroge également sur les moyens de pression pouvant être mis en œuvre pour inciter les autorités compétentes à prendre les mesures nécessaires pour protéger le territoire de l'Amazonie, patrimoine mondial de l'humanité, et les peuples autochtones qui l'habitent.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 24/03/2022

La situation et les droits des populations autochtones du Brésil constituent un enjeu important du dialogue politique entre l'Union européenne (UE) et le Brésil, dialogue auquel la France participe activement. Ce sujet a été largement abordé le 1er décembre 2021, lors du dixième dialogue de haut niveau sur les droits humains entre l'UE et le Brésil, auquel a été associée l'Articulation des peuples autochtones du Brésil (APIB). Par ailleurs, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) suit attentivement la situation des populations autochtones du Brésil et entretient un dialogue régulier et direct avec les principaux mouvements autochtones du pays. Depuis plus de soixante ans, la France soutient notamment des coopérations scientifiques et techniques en Amazonie, avec une attention particulière pour les populations qui y résident. Entretenant également un dialogue politique avec les autorités locales, le MEAE a signé, en décembre 2019, une feuille de route de coopération environnementale avec le consortium des gouverneurs des États d'Amazonie brésilienne. En tant que pays amazonien, la France mène aussi des actions résolues pour mobiliser l'ensemble des parties prenantes tant au niveau européen - notamment à travers la promotion de sa Stratégie nationale de déforestation importée - qu'au niveau international, avec le lancement de l'Alliance pour la préservation des forêts tropicales humides. Rejointe par plus d'une trentaine de pays, cette initiative vise à renforcer la coopération internationale en matière de prévention, de préparation et de restauration des forêts face aux incendies, mais aussi à mettre en place des chaînes de valeur durables pour lutter contre la déforestation et favoriser les projets inclusifs au profit des populations autochtones et communautés locales. La lutte contre l'orpaillage illégal demeure par ailleurs un des sujets du dialogue bilatéral franco-brésilien et un axe de coopération en matière de sûreté et de sécurité. Le travail conjoint pour identifier l'origine de l'or saisi - par exemple dans le cadre du projet "Recelor/Ouro vivo" mené avec l'Université de Brasilia - aide à l'identification et au démantèlement de réseaux criminels. Enfin, dans le contexte de propagation de la Covid-19 en Amazonie, la France a apporté, en 2020, une contribution de 5 millions d'euros pour soutenir les populations autochtones, notamment au Brésil. Deux types d'actions ont été menées : des projets bilatéraux, d'une part, pilotés par l'ambassade de France au Brésil en soutien aux acteurs locaux et aux ONG (3,2 M€) et une contribution au Fonds d'urgence régional (Amazon Emergency Fund), d'autre part, gérée par la fondation US Rainforest au bénéfice de la COICA - Coordination des organisations indigènes du Bassin de l'Amazonie (1,8 M€). Ce soutien financier a permis d'apporter une aide alimentaire et sanitaire et de financer des actions de sensibilisation. 

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