Question de Mme CARLOTTI Marie-Arlette (Bouches-du-Rhône - SER) publiée le 17/02/2022

Mme Marie-Arlette Carlotti appelle l'attention de Mme la ministre de la mer sur l'urgence de la mise en œuvre d'une zone de contrôle des émissions atmosphériques (zone ECA) en Méditerranée.

La Méditerranée est l'une des voies navigables les plus empruntées au monde, alors qu'elle représente moins de 0,8% de la surface totale des mers et océans. Carrefour économique, elle concentre 25 % du volume mondial de transport maritime commercial et 30 % du trafic mondial de transport pétrolier.

Mais, ces activités maritimes entrainent de nombreux types de pollution et il est aujourd'hui urgent d'agir contre cette pollution atmosphérique dont les impacts affectent la qualité de l'air des villes du littoral portuaire. Selon l'étude d'impact du ministère de la transition écologique, la pollution atmosphérique est d'ailleurs la troisième cause de mortalité en France.

Pourtant, il semblerait que la réduction de la pollution atmosphérique aux bords de la Méditerranée n'ait pas été érigée en priorité. À l'inverse des riverains du Nord de la France, la Méditerranée n'a pas de zone de contrôle des émissions d'oxydes de soufre (SECA), mise en place sous la supervision de l'organisation maritime internationale (OMI) et qui a pour but de diminuer l'exposition des populations aux pollutions atmosphériques. Ces zones SECA sont une garantie pour les écosystèmes, sont une chance pour les riverains car elles permettent la réduction des émissions de particules fines.

En décembre 2021, lors de la 22e réunion (COP 22) des parties contractantes à la convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, 22 pays méditerranéens dont la France, se sont accordés sur la création d'une zone SECA en Méditerranée, le canal de Suez en étant toutefois exclu. Il revient à l'OMI de valider officiellement cette décision, qui devrait lui être soumise au prochain comité de la protection du milieu marin (MEPC) en juin 2022. L'entrée en vigueur est espérée pour 2025.

Or, dès 2019, la France énonçait sa volonté de créer une zone ECA en Méditerranée, permettant un contrôle similaire à une zone SECA, auquel s'ajoute le contrôle des émissions d'oxydes d'azote, et a présenté à l'OMI en 2020 une étude d'impact sur la mise en place d'une zone de règlementation des émissions des navires en Méditerranée. Le calendrier prévoyait l'adoption d'une zone de contrôle en Méditerranée par l'OMI en 2020 ou 2021 avec comme objectif l'entrée en vigueur en 2022. Selon l'étude d'impact du Ministère de la Transition écologique, la mise en place d'une zone ECA en Méditerranée permettrait près de 1 730 morts prématurées évitées par an ainsi qu'un gain sanitaire équivalent à 8,1 à 14 milliards d'euros par an sur l'ensemble de la Méditerranée.

Les bonnes volontés ne se sont pas concrétisées et la création d'une zone SECA est finalement repoussée à 2025. Les objectifs initialement fixés par la France ont été largement revus à la baisse. Or, il y a urgence, et, du Maroc au Liban, un collectif de vingt-cinq maires, à l'initiative du maire de Marseille, réclame la création d'une zone ECA en Méditerranée, une demande également portée par la collectivité de Corse.

Ainsi, elle lui demande de soutenir la mise en place d'une zone de réglementation en Méditerranée à l'organisation maritime internationale, dans des délais réduits et de s'engager pour la création d'une zone ECA, aux compétences de contrôle élargies, réglementant les émissions de soufre et également les émissions d'oxydes d'azote.

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Réponse du Ministère de la mer publiée le 05/05/2022

En décembre 2019, après un long travail de négociation mené par les services du Gouvernement, tous les Etats méditerranéens réunis au sein de la Convention de Barcelone ont acté un accord général sur une zone de contrôle des émissions d'oxydes de soufre (SECA) à la condition que des études socio-économiques supplémentaires soient effectuées. Cette demande émanait surtout des pays insulaires (Chypre, Malte, Grèce) et de certains pays de la rive sud (Egypte, Algérie) qui craignaient un poids économique trop lourd puisque le fuel peu soufré coûte plus cher que le fuel classique, mais aussi un manque de débouchés pour leur propre production de fuel lourd. Les études supplémentaires ont donc été menées par des chercheurs indépendants internationaux sous l'égide du REMPEC et d'un comité d'experts auquel la DAM a activement pris part. Après plus d'un an de travaux que la crise sanitaire n'a pas stoppés, tous les points focaux représentant les Etats méditerranéens (DAM/SG Mer pour France) sont parvenus à un accord, en mai 2021, sur un projet de soumission qui sera présenté à l'OMI en 2022. Malgré les réticences exprimées par l'Egypte (à cause du statut particulier du Canal de Suez) et la Turquie, et grâce à la forte coordination des Etats européens, le projet de soumission a ensuite été approuvé par les points focaux du Plan d'Action pour la Méditerranée (découlant du Programme des Nations Unies pour l'Environnement) qui s'est réuni du 10 au 17 septembre 2021. Le projet a été renvoyé à la COP de la Convention de Barcelone (Turquie, 7 au 10 décembre) qui l'a adopté dans la nuit du 8 au 9 décembre 2021. La zone SECA devrait entrer en vigueur en 2025, et couvrir toute la Méditerranée, de Gibraltar à l'entrée du Canal de Suez. La zone d'attente de celui-ci, à Port Saïd, est également hors de la SECA. Le précédent calendrier ambitieux de la France avait pour objectif la mise en place d'une zone ECA en 2022, mais il a dû être revu lors des négociations. Pour que la zone SECA soit pleinement en vigueur, il est nécessaire que tous les pays méditerranéens ratifient l'Annexe VI de Marpol, mais cinq ne l'ont pas encore fait. Ce sont des pays avec une vie politique complexe rallongeant les délais de ratifications. Ces cinq Etats se sont engagés à le faire d'ici l'entrée en vigueur de la zone (Albanie, Algérie, Bosnie-Herzégovine, Egypte, Israël). Ainsi pour palier ce délai de ratification, il a été décidé que 2025 serait une meilleure date de mise en place, ce qui permettra de couvrir l'ensemble de la méditerranée. De plus, l'ambition de la France de présenter le dossier à l'OMI est soutenu dans le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) datant de 2017, mais pas de calendrier n'avait été fixé. Désormais, le dossier a été déposé, par l'ensemble des Etats de l'Union européenne, tous les Etats méditerranéens et l'Union européenne à l'OMI le 4 février 2022 afin d'être étudié lors du 78ème Comité pour la protection du milieu marin (MEPC) prévu du 6 au 10 Juin 2022. Par ailleurs, les Parties Contractantes ont également accepté de débuter la phase préparatoire à une zone de contrôle des émissions d'oxydes d'azote (NECA) et ce dès 2022. En vue de ces travaux, les services du Gouvernement avaient mobilisé à l'été 2020 des ONG, des fondations, des instituts de recherche internationaux et les ministères environnement italien, espagnoles et néerlandais pour monter un consortium et réunir plus de 650 000 euros afin de répondre à un appel à projet européen LIFE. Le projet LIFE4MEDECA, aujourd'hui abondé d'un budget de 1 636 582 euros, permettra de réaliser les études complémentaires nécessaires au dépôt d'une seconde soumission à l'OMI pour réduire les oxydes d'azote en Méditerranée. Par ailleurs, la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA) a déjà réalisé une première partie des études avec une commande au Centre d'Etudes et d'Expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et au Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), assurant la participation effective de la France à ce projet LIFE.

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