Question de M. FIALAIRE Bernard (Rhône - RDSE) publiée le 07/07/2022

M. Bernard Fialaire attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer au sujet de l'application de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aujourd'hui, le nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire français s'élève à près de 350 000 et beaucoup souhaitent régulariser leur situation par l'obtention d'un titre de séjour. Sa délivrance est conditionnée : par la maîtrise de la langue française, par la résidence sur le territoire, légale ou illégale, d'au moins trois ans et par une situation professionnelle stable ou une promesse d'embauche.
La circulaire crée une situation d'insécurité juridique pour les employeurs qui, s'ils sont incités à suivre une procédure de régularisation de leurs salariés, s'exposent par la même à des sanctions administratives et pénales. En effet, le recrutement d'étrangers en situation irrégulière est un délit passible de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende pouvant atteindre jusqu'à 100 000 euros en cas de recrutement groupé. En outre, l'employeur peut se voir interdire l'exercice de certaines activités professionnelles ou encore voir certaines aides publiques supprimées.
Cette situation paradoxale constitue un frein au processus de recrutement des entreprises qui font face à d'importants besoins de main -d'œuvre : c'est le cas dans les secteurs du bâtiment, de la restauration ou encore des services à la personne.
Comment les candidats à la régularisation de leur situation peuvent-ils justifier d'une situation professionnelle stable si leurs employeurs risquent des poursuites pour le recrutement d'étrangers en situation irrégulière ?
Il lui demande donc de clarifier cette situation afin de prévenir tout risque d'insécurité juridique pour les employeurs.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales publiée le 03/08/2022

Réponse apportée en séance publique le 02/08/2022

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, auteur de la question n° 001, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Bernard Fialaire. Madame la ministre, les articles L. 435-1 à L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent la régularisation d'étrangers par le travail.

Cependant, les articles L. 8251-1 à L. 8256-8 du code du travail prévoient à l'encontre des employeurs recrutant des étrangers en situation irrégulière de lourdes peines allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, 100 000 euros d'amende, la suppression d'aides publiques et l'interdiction de certaines activités.

Dans un contexte de tension sur l'emploi et alors que certaines activités, comme le bâtiment, l'hôtellerie-restauration, les transports ou l'aide à la personne, peinent à recruter, n'est-il pas temps de faire évoluer ces règles en permettant un recrutement temporaire plus facile ? Cela permettrait de répondre aux besoins de main-d'œuvre et de contrôler plus facilement les étrangers non régularisés – l'administration aurait ainsi le temps d'instruire leur situation administrative en vue de leur régularisation ou du retour dans le pays d'origine, le cas échéant.

Cela contribuerait à la lutte contre la délinquance de survie – et contre les réseaux qui l'exploitent – et cela redonnerait de la dignité à des personnes, qui, pour certaines, font preuve d'un courage remarquable pour survivre. Entre 600 000 et 700 000 personnes se trouveraient en situation irrégulière sur le territoire, selon les informations communiquées par le ministre de l'intérieur au mois de novembre 2021.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur Fialaire, l'embauche de salariés étrangers induit certaines obligations pour l'employeur visant à s'assurer que l'entreprise n'exploite pas de travailleurs migrants.

Conformément au décret du 31 mars 2021, l'entreprise doit notamment déposer une autorisation de travail en ligne sur une plateforme prévue à cet effet. Elle doit également s'acquitter sous certaines conditions d'une taxe à payer dans les trois mois suivant la délivrance de l'autorisation de travail. Les employeurs sont donc tenus de se conformer à leurs obligations légales. Ils acceptent les risques, notamment pénaux, s'ils décident sciemment de contourner la réglementation.

Il peut toutefois arriver que l'entreprise découvre que son salarié est étranger, qu'il a utilisé de faux documents d'identité ou qu'il a présenté un faux titre de séjour l'autorisant directement à travailler. Dans ce cas de figure, l'entreprise peut décider de licencier le salarié en question ou l'aider à obtenir sa régularisation auprès de la préfecture.

Les travailleurs en situation irrégulière peuvent demander une admission exceptionnelle au séjour s'ils justifient de cinq ans de séjour en France et d'une ancienneté de travail de huit mois durant les deux dernières années ou de trente mois durant les cinq dernières années ; ou, à titre exceptionnel, s'ils séjournent depuis seulement trois ans en France, mais y ont travaillé au moins vingt-quatre mois durant les trois dernières années.

La circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, dite circulaire Valls, ne crée pas de droits opposables, mais énonce « des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation ». Le préfet tire ainsi les conséquences de la situation personnelle du ressortissant étranger afin de déterminer son droit au séjour.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour la réplique.

M. Bernard Fialaire. Contraindre une personne en situation irrégulière à attendre cinq ans pour être recrutée la place dans une situation assez compliquée…

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Fialaire. Il me semble d'ailleurs que les recommandations de M. Attali, qui, je crois, est écouté par le Gouvernement, vont dans le sens de ma question.

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