Question de M. PIEDNOIR Stéphane (Maine-et-Loire - Les Républicains) publiée le 21/07/2022

Question posée en séance publique le 20/07/2022

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Monsieur le garde des sceaux, au mois de septembre 2020, vous déclariez : « La France, ce n'est pas un coupe-gorge. » Hélas, en l'espace de deux mois, plusieurs meurtres à l'arme blanche vous donnent tort : au mois de mai dernier, un médecin militaire a été tué à Marseille ; le 10 juillet, un retraité a été poignardé à Trappes ; le lendemain, une femme a été assassinée à Montpellier ; le 14 juillet, deux jeunes ont été mortellement blessés à Metz et à Amiens.

Tout récemment, nous avons tous été extrêmement choqués par un triple meurtre à l'arme blanche à Angers. Trois jeunes hommes, âgés de 16 à 20 ans, issus de la communauté wallisienne, ont en effet été tués alors qu'ils portaient secours à une jeune femme agressée sexuellement.

Malheureusement, ces faits se multiplient, et pas seulement dans nos métropoles. Sans réelle stratégie, dans un déni et une émotion « de routine », dirais-je, votre gouvernement participe à la banalisation de cette triste réalité en refusant de nommer ces actes barbares pour ce qu'ils sont, en les qualifiant, par exemple, de faits divers ou, selon le président Macron, de simples « incivilités ».

Monsieur le garde des sceaux, il n'est question ni de stigmatiser ni de prétendre détenir une quelconque baguette magique. Il s'agit simplement de vous interroger sur la réponse que vous apportez aux familles qui ne se résignent pas, qui n'acceptent pas que la vie de quiconque puisse ainsi être aussi facilement fauchée dans la rue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/07/2022

Réponse apportée en séance publique le 20/07/2022

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Piednoir, naturellement, l'émotion rend les mots dérisoires. Pourtant, ce sont des mots qu'il convient que je prononce pour répondre à cette question si légitime.

Après les faits qui se sont déroulés à Angers, les familles et 400 anonymes se sont réunis sur le parvis de l'hôtel de ville. Ils ont collectivement exprimé le souhait qu'il n'y ait aucune récupération politique – d'ailleurs, monsieur le sénateur, je ne vous fais en aucune façon ce procès. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous n'êtes pas l'extrême droite, et nous le savons.

Je présenterai quelques chiffres, tout aussi dérisoires que les mots, pour affirmer que, depuis de nombreuses années, le nombre de meurtres commis dans ce pays est à peu près stable. Pour autant, et vous l'entendez, cela ne nous conduit pas au fatalisme.

Quelles sont les réponses que nous essayons d'apporter ?

La première réponse concerne l'augmentation des moyens, que vous avez votée, afin de disposer de davantage de policiers, de davantage de magistrats, de davantage de greffiers.

La deuxième réponse a trait à la prévention. Les auteurs des faits dont nous parlons sont jeunes ; en l'occurrence, le code de la justice pénale des mineurs permet désormais d'apporter une réponse beaucoup plus rapide. Vous avez été à nos côtés pour voter ce texte.

La troisième réponse, enfin, que l'on peut apporter aux familles, est relative à la sévérité de la réponse pénale. La décision judiciaire sera rendue par nos compatriotes, puisque, vraisemblablement, une cour d'assises aura à dire ce qu'elle doit dire en la matière.

Je profite toutefois de cette question pour rappeler – mais, bien sûr, vous le savez monsieur le sénateur – qu'en l'an 2000 le taux des peines fermes était de 28 % : il est actuellement de 36 %. Le quantum moyen en 2000 était de 6 mois ferme : il est aujourd'hui de 9,6 mois, ce qui fait de notre pays l'un des plus sévères d'Europe. Je note encore qu'entre 2021 et 2022 la durée moyenne d'emprisonnement a augmenté de 11 %.

Pour tordre le cou à ces idées fausses, qui circulent de façon récurrente et qui font le lit de l'extrême droite, j'ai tenu à créer au ministère de la justice un Observatoire des peines. Je tiens naturellement toutes ses données, produites mensuellement, à votre disposition.

Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'avoir permis d'exprimer ces quelques mots, dont je sais – et je le redis – qu'ils sont, face à cette émotion, totalement dérisoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. François Patriat. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le garde des sceaux, vous le savez, la sécurité est la première des libertés que l'État doit à ses citoyens. Notre société, nous le constatons, est en pleine déliquescence. Le règlement de comptes à l'Opinel est aujourd'hui monnaie courante ; l'indifférence à la mort de l'autre l'est aussi.

Dans une telle société, il vous faudra beaucoup de courage et beaucoup de conviction pour restaurer l'autorité républicaine à tous les niveaux, de l'école jusqu'à l'institution judiciaire. Nous comptons sur vous pour le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)

- page 2418

Page mise à jour le