Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 07/07/2022

Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur le recrutement dans le secteur de la facture d'orgues.

Le début de la reconnaissance légale des métiers d'art remonte à la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. La loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE) du 18 juin 2014, qui modifie la loi de 1996, a donné une définition aux métiers d'art.

Plus récemment, la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a précisé cette définition des métiers d'art et prévoit que, dans le cadre de sa politique en faveur de la création artistique, l'État participe à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d'art.
La liste des métiers d'art est établie par un arrêté du 24 décembre 2015 dans lequel le métier de facteur ou restaurateur d'orgue figure.

En pratique, des adultes en voie de reconversion professionnelle souhaitent s'orienter vers la facture d'orgues.

Il existe, à cet effet, une école nationale en Alsace dont le nombre de places est limité. Au regard des règles françaises fixant une limite d'âge à 30 ans pour pouvoir conclure un contrat d'apprentissage et à ce nombre de places limité dans l'école nationale, il est difficile pour les entreprises artisanales du secteur de recruter et de former dans un cadre économiquement supportable.

Par ailleurs, la majorité des chefs d'entreprises de facture d'orgue ont 55 ans et plus. En l'absence de successeurs formés, le savoir-faire pourrait disparaître alors que les appels d'offres pour des travaux d'importance sur le territoire sont en nette reprise.

En conséquence, elle lui demande si des règles dérogatoires pour les métiers d'art sont à l'étude s'agissant de l'âge limite d'apprentissage.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 17/11/2022

La France compte plus de 10 000 orgues, dont plus de 1 600 classés ou inscrits au titre des monuments historiques, représentatifs de la facture instrumentale française et européenne, du XVe siècle à nos jours. Les orgues sont des objets mobiliers ou des immeubles par destination, pour la plupart situés dans les églises et sont en majorité la propriété des communes (près de 90 %). Ce patrimoine mobilise des qualifications de très haut niveau, organistes musiciens, maîtres d'œuvre ou professionnels de la facture d'orgues. Le maintien des savoir-faire de ce secteur spécifique est très dépendant de la commande publique de l'État et des collectivités territoriales soutenue par le mécénat récolté par des associations très dynamiques. Les manufactures d'orgues sont de très petites entreprises : on dénombre 68 entreprises en activité, qui emploient 280 compagnons. Ce métier d'art mêle des tâches de conception, de création, d'entretien ou de relevage (entretien approfondi) et de restauration. La restauration d'un orgue dure de 1 à 4 ans et nécessite de 5 000 à 20 000 heures de travail. La création d'un instrument peut nécessiter de 3 000 à 30 000 heures de travail. Le ministère de la culture est très attentif au soutien à la commande publique, qui représente 64 % de l'activité des manufactures d'orgues (2020, source : groupement professionnel des facteurs d'orgues). Par l'ouverture de grands chantiers de restauration d'orgues classés au titre des monuments historiques et l'incitation à des travaux d'entretien, le ministère de la culture favorise la présence des apprentis et des stagiaires sur les chantiers. Les directions régionales des affaires culturelles, les établissements publics et les services à compétence nationale peuvent d'ailleurs, lors des appels à concurrence, demander aux différents prestataires de préciser le nombre de personnels en formation. Les facteurs d'orgues sont généralement formés au centre de formation de la facture d'orgues (CFFO) d'Eschau (Bas-Rhin), créé en 1985 pour assurer la pérennité de savoir-faire essentiels à la conception d'orgues neufs ou à la sauvegarde du patrimoine des orgues. Il s'agit de la seule école nationale à dispenser une formation diplômante de niveau IV (Bac Pro) avec les options « organier » et « tuyautier ». Le groupement professionnel des facteurs d'orgues a attiré à plusieurs reprises l'attention des services du ministère de la culture sur les risques en matière de formation des apprentis et de transmission des entreprises. L'une des questions récurrentes est effectivement celle de la reconversion professionnelle de personnes âgées de plus de 29 ans, qui ne pouvaient entrer dans le champ des dispositifs d'apprentissage. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et l'évolution du code du travail ont permis un développement notable de la formation en alternance. Deux types de contrats sont possibles : le contrat d'apprentissage, qui concerne les jeunes âgés de 16 à 29 ans révolus, mais aussi, au-delà de 29 ans, les personnes ayant un projet de création ou de reprise d'entreprise, et le contrat de professionnalisation, qui peut concerner des demandeurs d'emploi âgés de 26 ans et plus. L'accueil d'un salarié en contrat de professionnalisation est possible au sein de plusieurs entreprises. Le CFFO d'Eschau a expérimenté avec succès ces nouvelles modalités qui offrent une opportunité réelle aux jeunes en reconversion et aux entreprises formatrices, avec de bons taux de réussite aux examens et d'insertion dans l'emploi. La part des contrats de professionnalisation reste toutefois faible (moins de 5 % de l'effectif). Pour progresser sur cette question, le ministère de la culture a d'abord établi un état des besoins auprès de l'ensemble des associations professionnelles du secteur de la conservation du patrimoine culturel : groupement des entreprises de restauration des monuments historiques, groupement professionnel des facteurs d'orgues, affiliation Ameublement français, et environ 1 200 restaurateurs, pour certains adhérents de la fédération française des professionnels de la conservation-restauration. Afin de finaliser une cartographie précise des filières dédiées à la restauration du patrimoine culturel et d'étudier toutes les mesures nécessaires pour favoriser le développement de la formation en alternance, le ministère de la culture souhaite maintenant se concerter avec ses homologues chargés du travail et de l'éducation nationale, ainsi qu'avec les opérateurs de compétence du secteur : l'OPCO 2i, opérateur de compétences des branches et métiers de l'industrie : convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement ; l'AFDAS, opérateur de compétences des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications, du sport, du tourisme, des loisirs et du divertissement : convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant.

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