Question de M. OUZOULIAS Pierre (Hauts-de-Seine - CRCE) publiée le 07/07/2022

M. Pierre Ouzoulias attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le régime des cultes dans la collectivité territoriale unique de Guyane et l'obsolescence de l'ordonnance du 27 août 1828 qui le régit encore.
L'article 43 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État avait donné au pouvoir réglementaire la charge d'en rendre applicables ses dispositions en « Algérie et aux colonies ». Par abus de pouvoir, l'intention du législateur n'a jamais été respectée pour certaines d'entre elles et le régime des cultes de la Guyane continue d'être organisé par l'ordonnance prise par Charles X le 27 août 1828 qui fait du culte catholique apostolique romain la seule religion de l'État en Guyane. Ainsi, la rémunération des ministres de ce culte a été assurée par l'État, puis transférée au département de la Guyane par loi du 19 mars 1946.
En 2016, l'évêque de Cayenne, considérant que ce régime vestigial ne correspondait plus à la réalité de la « nouvelle société guyanaise, multiculturelle et multireligieuse », avait organisé avec le président de l'assemblée de Guyane son obsolescence progressive. Cet accord prévoyait que les successeurs des ministres du culte quittant leurs charges pastorales ne seraient plus rémunérés par la collectivité territoriale unique de Guyane. À cette date, treize prêtres, sur les quarante-trois que compte la Guyane, étaient encore rémunérés par la collectivité. En 2022, ils ne seront plus que huit à demeurer dans cette situation.
Néanmoins, les autres dispositions de l'ordonnance du 27 août 1828 demeurent en vigueur. Ainsi, il revient au gouverneur de la colonie de fixer « les tarifs et règlements sur le casuel, les convois et les inhumations » (article 108, § 20). En pratique, ces participations ne sont plus perçues depuis longtemps et le culte catholique s'apparente en Guyane à un service public gratuit. Le diocèse est privé d'importantes recettes et l'évêque actuel de Cayenne depuis le 6 février 2022, constate que « ces charges […] sont deux fois plus importantes que ces recettes ».
La situation financière catastrophique du diocèse de Cayenne montre, s'il en était besoin, l'obsolescence absolue de l'ordonnance du 27 août 1828 et la nécessité de rendre applicable, dans la collectivité de Guyane, la loi du 9 décembre 1905, telle qu'elle a été renforcée par les dispositions de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
L'intention du législateur était que la loi du 9 décembre 1905 s'appliquât à l'ensemble du territoire national de l'époque, sans exception.
Il lui demande donc si, sur la base des dispositions de son article 43, il est possible de la rendre applicable dans la collectivité unique de Guyane par un décret pris après l'avis du Conseil d'État ou s'il est nécessaire de procéder par la voie législative.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 04/05/2023

Le régime des cultes en Guyane est régi par l'ordonnance royale de Charles X du 27 août 1828, complétée par les dispositions de deux décrets-lois Mandel des 16 janvier et 6 décembre 1939. L'article 36 de l'ordonnance royale dispose ainsi que : « Le gouverneur veille au libre exercice et à la police extérieure du culte, et pourvoit à ce qu'il soit entouré de la dignité convenable ». Dans sa décision QPC du 2 juin 2017, le Conseil Constitutionnel en déclarant les dispositions de l'article 36 conformes à la Constitution, a confirmé leur valeur législative. Si l'intention du législateur était que la loi du 9 décembre 1905 s'applique à l'ensemble du territoire national, c'est dans le respect des particularismes locaux reconnus par le Conseil Constitutionnel. S'il est vrai que l'article 43 de la loi du 9 décembre 1905, dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 août 2021, permettait d'étendre l'application de cette dernière « en Algérie et aux colonies » par voie réglementaire, le décret du 6 février 1911 a été pris pour déterminer ses conditions d'application uniquement à la Martinique, à la Guadeloupe et à La Réunion, sans viser la Guyane. Comme le rappelle Emile POULAT dans son ouvrage Scruter la loi de 1905, la République française et la religion, la commission réunie à Cayenne le 1er avril 1911 avait « émis un voeu en faveur du statut quo » (page 238). Le régime défini par la loi de 1905 n'y a donc pas été rendu applicable et, en particulier, l'article 44 de cette loi, qui abroge « toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l'État » n'a pu supprimer les dispositions de l'ordonnance royale. La loi du 24 août 2021 a modifié l'article 43 de la loi de 1905, d'une part, en prévoyant expressément son application en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et, d'autre part, en supprimant la faculté d'étendre son application par voie réglementaire. Il en résulte qu'une éventuelle extension de la loi du 9 décembre 1905 dans le département de Guyane ne pourra se faire que par voie législative et sous réserve que ce territoire en ait préalablement fait la demande.

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