Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - RDSE) publiée le 07/07/2022

M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires la volonté du Gouvernement de modifier les critères d'évaluation du contenu carbone de l'électricité utilisée pour le chauffage.
À la fin du mois de janvier 2020, le Gouvernement a annoncé une évolution de la réglementation énergétique des bâtiments neufs, dite « RE 2020 », dont l'objet est de traduire, par l'intégration d'une composante carbone, son ambition en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Si, au premier regard, l'intégration d'une composante carbone apparaît comme un élément positif au service de notre transition énergétique, la modification en parallèle de deux des critères permettant d'évaluer le contenu carbone de l'électricité utilisée pour le chauffage électrique pose question.
Ainsi, la valeur du facteur d'émission de l'usage du chauffage électrique serait artificiellement diminuée pour passer de 210 g de CO2/kWh à 79 g, impliquant qu'un même radiateur, sans aucun changement de conception, sera considéré demain comme émettant 2,6 fois moins de carbone qu'aujourd'hui. Or, selon les acteurs de la filière chauffage et ceux de la transition écologique, la valeur de 210 g correspond à la réalité du mix énergétique français, lequel intègre le recours à des énergies thermiques ou électriques plus carbonées en période hivernale pour compenser l'accroissement de la demande de chauffage, tandis que la valeur de 79 g rend compte uniquement de la moyenne totale en hiver de l'impact carbone, tous usages confondus.
En outre, le Gouvernement propose d'ajuster le « coefficient d'énergie primaire », en se fondant, non pas sur la réalité actuelle, mais sur une projection hypothétique du mix énergétique français moyen. Cette évolution aura pour conséquence un encouragement du chauffage électrique au détriment des autres solutions de chauffage, en particulier celles mobilisant des énergies renouvelables telles que le bois, le solaire, la géothermie ou encore le biogaz. Elle induirait également une réduction du bénéfice environnemental de la rénovation énergétique des logements : ainsi, pour un logement mal isolé, le rapport entre énergie finale et énergie primaire évoluera positivement et induira une meilleure étiquette énergie sans qu'aucune amélioration n'ait été apportée quant à la performance du système de chauffage ou à la qualité du bâti… Un changement en contradiction avec la priorité que souhaite donner le Gouvernement à la rénovation énergétique et avec les objectifs de réduction de la pointe hivernale de recours à l'énergie électrique carbonée inscrits dans le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie.
Il souhaite donc connaître les raisons qui ont présidé à ces deux changements et interroger le Gouvernement sur ses intentions pour corriger leurs effets négatifs, notamment en revoyant les modalités de calcul du facteur d'énergie primaire et du contenu carbone de de l'électricité utilisée pour le chauffage.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 29/09/2022

La réglementation environnementale 2020 poursuit trois objectifs principaux : donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l'énergie, diminuer l'impact carbone de la construction des bâtiments et enfin garantir le confort en cas de forte chaleur. Elle doit permettre d'aligner les standards de la construction neuve avec nos objectifs énergétiques et climatiques de moyen et long termes. Cette réglementation a fait l'objet d'une intense concertation avec l'ensemble des experts et filières concernés, et ses orientations finales prennent en compte de façon équilibrée les retours issus de cette concertation. Les exigences incluses dans la RE2020 sont cohérentes avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), notamment en ce qui concerne la décarbonation de la chaleur dans les bâtiments. L'exclusion des énergies carbonées n'induira pas un développement excessif du chauffage électrique. En effet la RE2020 prévoit aussi de contraindre fortement la consommation d'énergie primaire non renouvelable, ce qui empêche l'utilisation de systèmes électriques peu performants (radiateurs électriques) au profit de systèmes plus vertueux tels que les pompes à chaleur, les chaudières biomasse, les panneaux solaires thermiques, la géothermie ou les réseaux de chaleur urbain. Du reste, les travaux réalisés par réseau de transport d'électricité (RTE) en lien avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) avaient permis de confirmer l'impact limité pour le système électrique des solutions de chauffage électrique performantes (et notamment les pompes à chaleur). Concernant spécifiquement le facteur d'émission pris en compte pour l'électricité, il est d'abord rappelé que le calcul d'un contenu en CO2 plus fin qu'une unique valeur moyenne au niveau du système électrique relève nécessairement de simplifications méthodologiques et de conventions. Or l'ancienne méthode restait relativement imprécise et la seule distinction d'une part de base et d'une part saisonnalisée avait pour conséquence d'exacerber les écarts entre les facteurs d'émissions des différents usages de façon artificielle. C'est pourquoi il a été décidé de réviser le facteur d'émission de l'électricité en s'appuyant sur une méthode plus simple et robuste dite « mensualisée par usage ». Elle permet bien de distinguer les impacts respectifs des différents usages, puisque le facteur du chauffage électrique, qui a un impact relativement plus important sur la pointe électrique que d'autres usages, ressort à une valeur supérieure à celle des autres usages et au contenu CO2 moyen. Enfin, l'Ademe avait confirmé dans une fiche technique la pertinence du facteur résultant de cette méthode pour la RE2020. Concernant le facteur de conversion entre énergie primaire et énergie finale de l'électricité, les bâtiments étant construits pour une durée de vie de plus de 50 ans, et ce coefficient étant amené à évoluer à la baisse de manière significative dans les années à venir avec l'évolution du mix énergétique (ce qui n'est pas le cas des autres énergies), il est apparu nécessaire de calculer le coefficient d'énergie primaire sur une moyenne de 50 ans, en prenant en compte les objectifs de diversification du mix électrique fixés dans la loi, et il n'aurait pas été pertinent de considérer uniquement l'état initial du mix électrique. Enfin, il convient de rappeler qu'une étude d'impact fine et multicritère a bien été réalisée dans le cadre des textes réglementaires. Elle montre notamment des surcoûts limités à la construction, entre 2,5 et 5 % en 2022 en fonction de la catégorie de bâtiment concernée, à mettre en perspective avec nos objectifs énergétiques et climatiques. La réglementation entrera en vigueur progressivement, en commençant par les bâtiments à usage d'habitation au 1er janvier 2022. Les exigences évolueront au cours du temps, avec des paliers en 2025, 2028 et 2031 afin de donner de la visibilité à l'ensemble de l'industrie française et européenne, et de permettre à l'ensemble de notre système de production d'évoluer vers des modes constructifs et de chauffage plus écologiques.

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