Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SER) publiée le 07/07/2022

M. Jean-Yves Leconte appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la nature des contrats devant lier des sociétés de presse françaises à des journalistes professionnels.

En effet, l'article L. 7112-1 du code du travail dispose : « toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».

L'application de cette disposition législative apparaît comme étant très divergente, selon les entreprises de presse, pour les journalistes professionnels intervenant à l'étranger. Plusieurs de ces entreprises considèrent que cette disposition législative les conduit à devoir payer des cotisations sociales sur la base d'un contrat de travail français à leurs collaborateurs. D'autres s'en exonèrent. Une procédure judiciaire lancée en 2008 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) avait ainsi condamné une entreprise de presse pour non-respect de cette obligation. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 27 mars 2014, avait précisé : « le statut légal des journalistes professionnels s'applique aux correspondants de presse, qu'ils travaillent en France ou à l'étranger […] Ces correspondants, quelle que soit la nature du lien juridique qui les lie à leur employeur, doivent être soumis à la législation sociale française[…] ».

Les caisses d'assurance maladie méconnaissent aussi parfois cette disposition spécifique aux journalistes installés à l'étranger et aux droits ouverts à l'assurance maladie, dès lors que des cotisations sont perçues. Ce refus de reconnaissance des droits a été parfois le prétexte à l'arrêt du paiement des cotisations.

Avoir des journalistes professionnels, installés à l'étranger, permettant une information directe des citoyens français à l'évolution de la situation du monde est essentielle pour la démocratie, l'indépendance et la liberté de la France. C'est le meilleur outil contre la dépendance à des sources d'information uniformisées et à la lutte contre les « fake news ». La législation française a l'ambition de protéger ces acteurs indispensables à une information pluraliste et de qualité.

Il lui demande comment le Gouvernement peut, face à ses préoccupations, préciser les types de contrats qui doivent lier les journalistes professionnels à des entreprises de presse françaises, la nature des cotisations dues par les entreprises de presse en France, ainsi que les droits ouverts en France aux journalistes professionnels intervenant pour des entreprises de presse française à l'étranger ; et comment cette obligation peut éviter d'être détournée par l'usage, par exemple, de sociétés de production.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 27/10/2022

La présence de journalistes professionnels correspondants à l'étranger est indispensable aux médias français tant pour la valeur de leur témoignage sur les événements se déroulant hors de France que pour la fiabilité des informations reprises sur les médias français. À cet égard, il faut rendre hommage au travail remarquable des correspondants à l'étranger qui fournissent chaque jour, parfois au péril de leur vie comme dans le contexte actuel en Ukraine, une information capable d'éclairer le jugement des lecteurs français sur l'actualité internationale. Selon les termes de l'article L. 7111-3 du code du travail, « le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes » et a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. La nature des contrats qui lient les journalistes professionnels à des médias français est constante depuis la loi du 4 juillet 1974 dite « Loi Cressard ». Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette qualification ne souffre pas d'exception quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat liant le journaliste à son employeur. En cas de contournement, sous quelque forme que ce soit, le journaliste peut saisir le juge afin d'obtenir la requalification du lien professionnel avec son employeur. Sur le territoire national, les journalistes professionnels sont des salariés affiliés au régime général de la sécurité sociale française auxquels leurs employeurs doivent cotiser. Lorsque les correspondants sont envoyés par leurs employeurs à l'étranger, ceux-ci continuent à cotiser au régime français de protection sociale dans deux situations : le détachement et la pluriactivité. Selon l'article L. 111-2-2 du code de sécurité sociale, le détachement est possible pour les travailleurs chargés d'exécuter une mission à l'étranger pour une durée strictement limitée dans le temps (comprise entre 6 mois et 5 ans selon le pays de destination, avec prolongation possible) dans un pays de l'Union européenne (UE), de l'Espace économique européen (EEE comprenant 31 États européens), en Suisse ou dans un pays hors UE qui a conclu avec la France un accord bilatéral de sécurité sociale. Les correspondants résidant hors de l'UE peuvent également bénéficier du détachement dans le cas d'un accord bilatéral de sécurité sociale entre la France et l'État du lieu d'activité, s'ils remplissent les conditions suivantes : avoir travaillé en France préalablement à leur départ à l'étranger ; existence d'un lien organique avec leur employeur ; la durée de leur mission ne doit pas être supérieure à la durée maximale prévue dans l'accord bilatéral. Le détachement est autorisé dans le cadre de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. L'employeur devra, dans ce cas, verser également des cotisations au régime local de l'État dans lequel la mission est effectuée. Une affiliation à la couverture sociale française est également possible pour les salariés qui pratiquent la pluriactivité dans plusieurs États membres de UE, de l'EEE et en Suisse mais sous conditions (résidence en France et des employeurs tous établis en France). Les cotisations doivent continuer à être versées en France et cela emporte exemption des cotisations au régime local de sécurité sociale. Si les correspondants ne remplissent ni les conditions du détachement, ni celles de la pluriactivité – parce qu'ils ne résident pas en France ou parce qu'ils n'y ont jamais travaillé – le seul droit applicable est alors celui de l'État dans lequel ils résident et travaillent, sous réserve des règlements européens et des accords bilatéraux conclus entre la France et les pays concernés. Les cotisations sont alors à verser au régime local de sécurité sociale, s'il existe, et les assujettis sont pris en charge par ce régime local. Pour les salariés français ou ressortissants d'un État de l'UE, de l'EEE ou de la Suisse, il est possible d'adhérer volontairement à l'assurance proposée par la Caisse des Français de l'étranger, laquelle ne remplace pas les cotisations dues au régime local, et ne se substitue pas au régime général de la sécurité sociale.

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