Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 07/07/2022

M. Pierre Charon attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les conclusions de l'étude du Conseil d'État sur « Les conditions de ressources dans les politiques sociales : plus de simplicité, plus de cohérence ».
Une part importante des politiques sociales fait, en effet, appel à des « conditions de ressources ». Selon le Conseil d'État, les règles sont hétérogènes et d'une complexité considérable pour apprécier les ressources des bénéficiaires d'un édifice redistributif de plus de 120 milliards d'euros.
Aux dispositifs obligatoires, qui correspondent à des droits, s'ajoutent les prestations d'aide sociale facultative, servies par les communes, les départements et les caisses d'allocation familiale et tous les mécanismes de tarification sociale des services publics administratifs (cantines scolaires, crèches…). Il s'agit aussi des services publics industriels et commerciaux (tarification sociale des transports). Le montant des sommes en cause (prestations ou moindres recettes) n'est pas connu précisément, mais il est probablement voisin de 5 milliards d'euros.
Cette complexité et cette hétérogénéité ont des conséquences très concrètes : difficultés à faire valoir leurs droits pour les bénéficiaires pouvant déboucher sur des non-recours. Les erreurs sont fréquemment commises de bonne foi dans la déclaration des ressources qui atteignent des proportions considérables. Elles se traduisent par des versements indus de prestations, en cas d'omission.
L'imprécision des règles, enfin, débouche sur un contentieux nourri, qui relève du juge administratif ou du juge judiciaire, selon la nature des prestations.
Il lui demande les raisons de cette complexité et les réformes qu'il envisage pour mettre de la cohérence dans une politique de 120 milliards d'euros.

- page 3335

Transmise au Ministère des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées


Réponse du Ministère des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées publiée le 01/06/2023

Le système français de solidarité est composé de près de 15 prestations, versées à environ 20 millions de personnes, pour un montant proche de 60 Md€. Ce système permet de soutenir le revenu des plus modestes, tout en garantissant que le travail paye. Sans lui, non seulement le nombre de personnes pauvres en France serait plus élevé (12,5 millions au lieu de 9 millions), mais l'intensité de la pauvreté elle-même serait aussi plus élevée. On constate cependant que les conditions d'attribution des prestations sociales sont très diverses, source d'illisibilité et de complexité tant pour les bénéficiaires que pour les organismes gestionnaires de prestations, source d'erreurs, de fraude et d'indus. C'est également un système qui connaît des taux de non-recours élevés depuis plusieurs années (34% pour le RSA). Le Conseil d‘État avait donc été sollicité le 23 décembre 2020 par le Premier ministre Jean Castex, en vue de la conduite d'une étude sur les conditions d'attribution des prestations sociales, et afin que soit produit un état des lieux et des pistes d'évolution tenant compte des contraintes inhérentes aux finances publiques. Les prestations sociales sont calculées selon des règles spécifiques à chacune et sur la base de critères de ressources différents pour des raisons historiques tenant au contexte dans lequel elles ont été créées mais également aux objectifs et principes directeurs sous-jacents de chaque prestation. À titre d'exemple, la base ressources du revenu de solidarité active (RSA) est la plus large et englobante de toutes les prestations sociales dans la mesure où elle constitue le dernier filet de sécurité pour des personnes sans ressources, tandis que la vocation d'incitation au retour à l'emploi de la prime d'activité explique le caractère plus réduit de sa base ressources. Le rapport du Conseil d'État contient 15 propositions de simplification des démarches des allocataires, d'allègement de la charge de gestion pour les organismes, et de réduction des risques de fraudes et erreurs. Elles ont été formulées en s'appuyant sur plusieurs grands principes : prise en compte des contraintes d'acceptabilité, opérationnelles, juridiques ; principes de simplicité d'usage, de proportionnalité des réformes envisagées et de recours, autant que possible, à la récupération des données auprès d'autres déclarants. Plusieurs des préconisations du rapport correspondaient aux orientations et travaux engagés par le Gouvernement en vue de la mise en oeuvre de la solidarité à la source, réforme ambitieuse lancée par le Président de la République, qui se déploiera en plusieurs étapes tout au long du quinquennat. Cette réforme présente plusieurs objectifs : Faire baisser le non recours aux prestations de solidarité ; Simplifier les démarches de demande et de renouvellement des prestations ; Calculer le juste droit (c'est-à-dire lutter contre la fraude, les indus et les rappels) ; Garantir que travailler rapporte toujours significativement plus que ne pas travailler. La réforme est structurée en deux étapes majeures : Le pré-remplissage des demandes de RSA et Prime d'activité, qui devrait être effectif à compter du second semestre 2024, et permettra de simplifier la charge déclarative des bénéficiaires, de mieux prévenir la fraude et les indus, mais aussi de davantage repérer et aller vers les non-recourants (des opérations de datamining seront menées par les organismes délivrant des prestations familiales pour repérer dans les bases de données administratives les individus qui sont potentiellement éligibles aux prestations). Ainsi, dès cet été puisque chaque salarié verra inscrit sur sa fiche de paie un montant net social, qui correspond au montant à déclarer trimestriellement. La mise en oeuvre de cette mesure a été engagée avec la publication le 7 février 2023 d'un arrêté interministériel qui prévoit la création de ce montant net social et de son affichage sur les bulletins de salaire et, à terme, sur les relevés de prestations ; L'harmonisation des bases ressources des prestations actuellement encore à l'étude et qui ne serait en tout état de cause pas effective avant 2027 : cette réforme permettrait de rendre le système plus lisible et équitable et de renforcer l'intéressement au travail de notre système de solidarité. Parallèlement, le Gouvernement déploie d'autres actions poursuivant le même objectif : L'expérimentation « Territoires zéro non-recours » prévue par la loi l'article 133 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, pour expérimenter dans dix territoires pour une durée de trois ans des démarches exemplaires d'aller-vers ; L'élaboration dans le cadre du Comité de Coordination de l'accès aux Droits (CoCoAD), installé le 30 janvier 2023, d'une feuille de route dédiée, pour coordonner l'action de l'ensemble des acteurs nationaux engagés en la matière. L'objectif est de créer une stratégie claire d'accès à l'ensemble des droits et services, qui pourra être mise en oeuvre dans le cadre du pacte des solidarités.

- page 3532

Page mise à jour le