Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 14/07/2022

Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la multiplication des appels à la haine raciale et la montée de l'antisémitisme.

Le brûlot antisémite « Les protocoles des sages de Sion » est de nouveau en vente sur des sites, notamment britanniques, comme le site Blackwell's.

Il y a lieu d'être particulièrement vigilant sur ce sujet et il convient également de rappeler que ce texte n'a cessé d'être promu par la chaîne qatarie Al Jazeera en arabe et ses sites, Al Jazeera publiant également des articles reprenant la pire propagande antisémite, dont notamment « Les protocoles des sages de Sion », indiquant qu'il s'agissait de plans maçonniques pour conquérir le monde.

Dans le cadre de la lutte contre l'antisémitisme et des discours de haine, elle souhaite savoir quelles mesures il entend mettre en place pour interdire ce brûlot.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 26/01/2023

Le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer s'implique dans la lutte contre toutes les formes de contenus haineux et veille systématiquement à signaler à l'autorité judiciaire tous les faits portés à sa connaissance et qui lui semblent constitutifs d'infractions. L'ouvrage « Les protocoles des sages de Sion » a été révélé en 1921 par le Times, quotidien de Londres, comme un faux fabriqué par un informateur de l'Okhrana, la police secrète tsariste, Matveï Golovinski, pour servir de justification à une politique de persécution des Juifs. La diffusion de cet ouvrage a été interdite en France par l'arrêté du 25 mai 1990 du ministre de l'Intérieur de l'époque, Pierre Joxe, « considérant que la mise en circulation en France de cet ouvrage est de nature à causer des dangers pour l'ordre public en raison de son caractère antisémite ». Cette interdiction n'est plus en vigueur en raison de l'abrogation de l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par le décret no 2004-1044 du 4 octobre 2004 portant abrogation du décret-loi du 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse étrangère suite à la décision du 17 juillet 2001 de la CEDH (CEDH 17 juill. 2001, Ekin c/ France), dans laquelle la Cour a estimé que l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881 était incompatible avec la Convention européenne des droits de l'Homme. Cependant, les propos antisémites contenus dans ce texte sont susceptibles de caractériser le délit prévu par le 7ème alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse qui sanctionne d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement, les provocations à la haine, à la discrimination ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance, ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. En effet, selon la jurisprudence, est de nature à provoquer la haine ou la violence à l'égard de personnes déterminées du seul fait de leur appartenance à la communauté juive le fait de désigner la communauté juive à la vindicte de ses lecteurs en suscitant dans leur esprit l'existence d'un complot les vouant à la disparition, éveillant ainsi des sentiments de crainte et de haine (crim. 22 juin 2010, no 10-82.337). Aux termes de l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 précitée qui a instauré un régime de responsabilité pénale dit de responsabilité « en cascade », le distributeur d'un ouvrage contenant des propos susceptibles d'être pénalement incriminés, peut voir sa responsabilité engagée. Toutefois, au regard de la jurisprudence « Mein Kampf » (TGI Paris 12 juillet 1978, jugement confirmé en appel le 11 juillet 1979), compte tenu du fait que « Les protocoles des sages de Sion » apparaît comme un document historique, la publication en France de cet ouvrage est possible si elle est accompagnée d'un rappel des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionnant les provocations à la haine, et d'un avertissement au lecteur expliquant le contexte de l'apparition de cet ouvrage, précisant qu'il s'agit d'un faux et mettant en avant les conclusions des travaux scientifiques qui lui ont été consacrés. Cette solution jurisprudentielle permet de concilier les impératifs de la connaissance historique avec ceux de l'ordre public.

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