Question de M. ARNAUD Jean-Michel (Hautes-Alpes - UC) publiée le 21/07/2022

M. Jean-Michel Arnaud attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les conséquences des réseaux de soins fermés pour les opticiens et les contribuables.

Ces réseaux de soins mettent en relation les assurés avec les professionnels de santé et jouent un rôle important dans le rapport entre qualité et prix des prestations. Apparus dans les années 1990, ils se sont développés au milieu des années 2000, avec le lancement de plateformes de gestion pour le compte d'organismes complémentaires d'assurance santé.

La loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé autorise les réseaux fermés à pratiquer des remboursements différenciés. Concrètement, cela signifie que les mutuelles peuvent différencier leurs prises en charge en toute légalité dans les domaines peu couverts par la sécurité sociale, dont l'optique. Pour autant, dans un rapport de 2017, l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) précise que cette même législation comporte « des dispositions trop générales pour avoir une réelle portée » ayant permis à ces réseaux de se développer dans « un cadre essentiellement concurrentiel ». Aussi, l'IGAS dénonce le fait que « la relation contractuelle entre les plateformes et les professionnels de santé est elle-même déséquilibrée. En plus d'être conclues sans aucune négociation, ces conventions comportent une très forte asymétrie des droits et obligations réciproques ». En définitive, ces systèmes de remboursements différenciés sont facteurs d'iniquité pour les contribuables et d'injustice pour les professionnels.

Il l'interroge le Gouvernement sur ces intentions en vue de mieux encadrer ces pratiques en limitant les effets néfastes pour les professionnels non mutualistes et sur sa position sur une potentielle réforme de ces réseaux dans la perspective de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 26/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2022

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 076, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, ma question porte sur les conséquences des réseaux de soins fermés pour les professionnels et les patients.

Ces réseaux de soins mettent en relation les assurés avec les professionnels de santé et ont joué un rôle dans le rapport qualité-prix des prestations, en faisant baisser les prix. Apparus dans les années 1990, ils se sont développés au milieu des années 2000, grâce au lancement de plateformes de gestion pour le compte d'organismes complémentaires d'assurance santé.

Cependant, la loi dite Le Roux du 27 janvier 2014 autorise ces réseaux à pratiquer des remboursements différenciés.

Concrètement, cela signifie que les mutuelles peuvent différencier leurs prises en charge en toute légalité dans les domaines peu couverts par la sécurité sociale, dont l'optique ou l'odontologie, en fonction des praticiens consultés ou des professionnels sollicités.

Dans un rapport de 2017, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) précise que cette législation comporte « des dispositions trop générales pour avoir une réelle portée », ce qui a permis à ces réseaux de se développer dans « un cadre essentiellement concurrentiel ». L'Igas dénonce également le fait que « la relation contractuelle entre les plateformes et les professionnels de santé est elle-même déséquilibrée. En plus d'être conclues sans aucune négociation, ces conventions comportent une très forte asymétrie des droits et obligations réciproques ».

En définitive, ces systèmes de remboursements différenciés sont responsables d'un traitement inéquitable des patients et d'une injustice pour les professionnels, car le service rendu est de moindre qualité. La pression à la baisse des prix, telle qu'elle s'exerçait initialement, n'a par ailleurs plus d'utilité depuis la mise en place de l'offre 100 % santé en janvier 2021.

Nous avons donc affaire à une forme d'américanisation d'un pan de notre sécurité sociale, dont l'égalité et l'universalité devraient être les valeurs cardinales.

Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement afin de mieux encadrer ces pratiques, en limitant les effets néfastes pour les professionnels non mutualistes ? Surtout, quelle est votre position quant à une potentielle suppression des dispositions prévues par la loi Le Roux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, les réseaux de soins permettent de modérer les tarifs de soins et d'équipements de santé. Un rapport de l'Igas, publié en juin 2017, met en évidence cet effet en observant un écart de prix notable entre les soins ou produits consommés via un réseau et ceux consommés hors réseau, particulièrement dans le domaine de l'optique où l'on relève –20 % pour les verres pour adultes et –10 % pour les montures.

Les réseaux permettent également de modérer la progression des primes d'assurance complémentaire.

De plus, depuis la réforme du 100 % santé qui supprime les restes à charge dans l'optique, il ne peut plus y avoir de remboursement différencié, que les équipements soient achetés dans un réseau ou non.

En ce qui concerne les professionnels, le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2014, a estimé que les conditions d'adhésion aux réseaux de soins n'étaient pas de nature à porter une atteinte disproportionnée à leur liberté d'entreprendre. Ces derniers sont libres d'adhérer au réseau ou non et peuvent le quitter à tout moment.

Enfin, l'Igas observe dans son rapport que l'encadrement des offres permet d'accroître la lisibilité pour l'assuré, notamment dans le secteur de l'optique qui comporte une multitude de produits, dont plus de 50 000 références de verres par exemple.

L'asymétrie d'information entre professionnels et patients semble ainsi réduite. Tant du point de vue de l'assuré que de celui du professionnel de santé, le fonctionnement actuel des réseaux de soins ne semble pas devoir être réformé, mais le Gouvernement restera vigilant et prendra des mesures si la situation venait à le justifier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, j'entends vos propos. Toutefois, je constate que, dans mon département, la préparation et l'accompagnement des patients se font souvent chez les opticiens. Or, malgré ce travail, ils finissent par voir leur clientèle leur échapper, ce qui n'est pas normal compte tenu des conditions tarifaires auxquelles j'ai fait allusion dans ma question.

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