Question de M. BELIN Bruno (Vienne - Les Républicains-R) publiée le 14/07/2022

M. Bruno Belin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les difficultés d'accueil et d'évaluation des mineurs isolés.
Il rappelle que la prise en charge de toutes personnes se déclarant mineures et isolées (recueil au titre de l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles) ainsi que l'évaluation de la minorité et de l'isolement relève actuellement de la compétence des départements.
Il rappelle le rapport de l'assemblée des départements de France estimant la prise en charge de 40 000 mineurs isolés dont le coût est estimé à 50 000 € par mineur et par an, couvrant le logement, la nourriture, les frais d'éducation et de formation, ce qui représente un budget de plus en plus conséquent pour les départements. De plus, à ce jour les travailleurs sociaux chargés d'évaluer ces personnes n'ont pas assez de moyens pour vérifier la situation au regard notamment des déclarations sur l'identité, l'âge, la famille d'origine, la nationalité et l'état d'isolement.
Il interpelle que 70 % des personnes sont reconnues majeures. Les départements assistent à un véritable détournement du dispositif de protection de l'enfance au détriment de mineurs réellement privés de protection familiale.
C'est pourquoi il demande au Gouvernement les mesures envisagées afin de permettre aux départements d'assurer pleinement sa mission de protection à l'enfance ainsi que les réflexions menées sur l'amélioration du dispositif d'évaluation.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 29/12/2022

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour accompagner les départements dans la prise en charge des Mineurs non accompagnés (MNA), notamment en identifiant rapidement les ressortissants étrangers en réalité majeurs. Ainsi, le décret no 2019-57 du 30 janvier 2019 a créé un traitement de données, dénommé « appui à l'évaluation de la minorité » (AEM). En limitant les présentations successives dans plusieurs départements et les risques d'erreur dans l'évaluation de la minorité, il évite le détournement de la protection de l'enfance par des majeurs et a permis de contenir les conséquences sur le travail des services sociaux de la détection d'une fraude a posteriori. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont jugé qu'il ne portait pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Le déploiement de ce dispositif est progressif depuis le 1er mars 2019, le recours au traitement AEM n'étant à ce jour pas obligatoire pour les conseils départementaux. Au 1er juillet 2022, il est utilisé par 83 départements, et 11 autres refusent toujours d'y recourir. Or,  pour être pleinement opérationnel,  l'AEM doit être déployé sur l'ensemble du territoire. Aussi, afin de favoriser le déploiement de l'outil sur l'ensemble du territoire national et d'atteindre pleinement l'ensemble des objectifs poursuivis, le Gouvernement s'était engagé, dans le cadre du comité interministériel sur l'immigration et l'intégration du 6 novembre 2019, à mettre en place un mécanisme incitant financièrement les conseils départementaux à utiliser le fichier AEM. À cette fin, le décret no 2020-768 du 23 juin 2020 a modifié l'article R. 221-12 du code de l'action sociale et des familles (CASF) et permet de conditionner une partie du forfait « évaluation » à la signature d'une convention pour la mise en œuvre d'AEM. Si ce mécanisme a pu inciter plusieurs départements à recourir au dispositif, il n'apparait pas encore suffisant. C'est la raison pour laquelle des dispositions visant à rendre l'utilisation d'AEM obligatoire ont été introduites dans la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dont le cadre réglementaire est actuellement en cours d'élaboration. Par ailleurs, la clé de répartition nationale de l'accueil des MNA pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance a été revue par le décret no 2019-1410 du 19 décembre 2019 afin de la rendre plus équitable et conforme aux réalités des territoires. Reposant auparavant sur un critère prenant en compte uniquement la population des jeunes de 19 ans et moins accueillie dans un département, le calcul s'opère désormais sur la population totale du département rapportée à la somme de celles de l'ensemble des départements concernés. De plus, afin de préserver les finances des départements particulièrement mobilisés, le Gouvernement a octroyé un financement exceptionnel à ceux ayant accueilli davantage de MNA en 2020 qu'en 2019. Par arrêté du 24 août 2021, le montant de ce financement a été fixé à 6000 euros par jeune pour 75 % des jeunes supplémentaires pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du département. Cet arrêté contient, en annexe, un tableau recensant, pour chaque département, le nombre de MNA supplémentaires confiés par l'autorité judiciaire et le montant de la compensation financière correspondante à cette montée en charge, pour un montant total supérieur à 1,6 M d'euros. En 2020, on a ainsi constaté une baisse en 2020 d'environ 30 % des prises en charge par rapport à celles enregistrées dans les années 2018 et 2019, au-delà de la chute constatée en 2020 en raison de la crise sanitaire.

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