Question de M. BRISSON Max (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 14/07/2022

M. Max Brisson appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la politique appliquée de destruction des retenues d'eau et l'avenir des moulins français.
L'article L. 214-17 du code de l'environnement prévoit exclusivement « la gestion, l'entretien et l'équipement » des ouvrages de retenue d'eau dans le cadre de la circulation piscicole et sédimentaire. Pourtant, depuis plusieurs années, une politique de destruction des ouvrages de retenue d'eau est appliquée, bafouant la lettre et l'esprit de la loi et affectant lourdement la préservation de la ressource en eau. Ainsi, entre 3 000 et 5 000 destructions d'ouvrages de retenue en eau ont été recensées, représentant une perte en eau douce évaluée entre 30 millions et 50 millions de m3 soustraits aux rivières françaises. Ce volume en eau n'alimente plus les nappes phréatiques, expliquant en grande partie les phénomènes d'asséchement des rivières françaises et la nécessité de prendre des arrêtés de restrictions de l'usage de l'eau. Au cours de l'été 2020, près de 90 départements ont ainsi fait l'objet de pareilles mesures.
Entreprise massivement depuis 2015, la politique de destruction est justifiée par les conséquences néfastes des ouvrages de retenues d'eau sur les populations piscicoles, la qualité des eaux ou le transport des sédiments. Néanmoins, les chiffres qui ressortent des évaluations des effets de cette politique ne correspondent pas aux éléments motivant la destruction des ouvrages de retenues d'eau. Ainsi, dans le cas des fleuves côtiers de la Touques, de la Vire et de l'Orne, les multiples destructions d'ouvrages de retenues d'eau ne sont accompagnées d'aucune augmentation des espèces piscicoles, mais plutôt d'une baisse importante et préoccupante sur ces cinq dernières années. A contrario, s'il peut être fait état d'une augmentation des poissons migrateurs sur la Seine, elle s'observe suite à l'installation de dispositifs de franchissement, correspondant donc à un équipement d'ouvrage.
De plus, les petites retenues de moulins ne bloquent pas le passage des sédiments. 90 % des moulins français présentent des hauteurs de chute de moins de 2 mètres et des retenues qui se trouvent totalement noyées à l'occasion des petites crues, ayant lieu presque chaque année en saison hivernale. Par conséquent, les sédiments transitent sans difficulté à l'occasion des crues et de l'ouverture des vannages. De surcroît, ces ouvrages de retenue d'eau réalisent un processus de dénitrification. Leur destruction a pour effet d'augmenter les taux de concentration en nitrates et dérivés des eaux des rivières, dégradant nécessairement leur qualité physico-chimique, qui est pourtant un objectif de la directive-cadre de 2000 sur l'eau.
De ce fait, il ne peut être établi aucune corrélation entre la présence de ces petits barrages multiséculaires et les phénomènes listés précédemment. Enfin, outre leurs effets cumulés indéniables sur la préservation de la ressource, l'amortissement des crues, la préservation de milieux aquatiques ou la dénitrification des eaux, ils représentent le plus important potentiel de petite hydroélectricité d'Europe, équivalant à la consommation électrique annuelle d'un million de foyers hors chauffage.
Aussi, face à la politique de destruction des ouvrages de retenues d'eau entreprise, il interroge le Gouvernement sur la pertinence de ces mesures et le fondement scientifique les motivant.
En outre, il souhaiterait savoir s'il est envisagé de mettre en œuvre une politique de conservation et de valorisation des moulins à eau, passant par des travaux d'équipement, pour tenir compte des remontées du terrain et des avis scientifiques sur le sujet, qui font état des effets négatifs de la politique actuelle, provoquant des tensions autour de la ressource en eau et des conséquences dramatiques sur les milieux aquatiques.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie publiée le 09/03/2023

La biodiversité aquatique est particulièrement fragilisée en France : 39 % des poissons sont menacés, et 19 % présentent un risque de disparition de défaut de continuité des cours d'eau fait partie des principale pressions responsable du déclin des poissons migrateurs. Dans ce contexte, le Gouvernement réafirme l'importance de la politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau. La stratégie biodiversité 2030 de la Commission européenne en fait également un enjeu majeur, qui apparaît aussi dans sa proposition de règlement pour la restauration de la nature. La politique de restauration de la continuité écologique concilie les enjeux de restauration des fonctionnalités des cours d'eau avec le déploiement de la petite hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique, ou encore les activités sportives en eaux vives.  À ce jour, la politique de priorisation mise en œuvre par le Gouvernement a permis d'identifier les cours d'eau sur lesquels il était important d'intervenir prioritairement pour procéder à de la restauration écologique, qui représentent 11 % des cours d'eau. Sur ces cours d'eau, la politique est de procéder prioritairement à des interventions sur environ 5 000 ouvrages sur les 25 000 ouvrages obstacles à l'écoulement qu'ils comptent. La solution technique retenue consiste majoritairement à aménager l'ouvrage (mise en place d'une passe à poisson, d'une rivière de contournement, abaissement du seuil…), plutôt qu'à le supprimer. Depuis 2012, environ 1 400 effacements d'ouvrages, ont été financés par les Agences de l'eau sur ces 11% de cours d'eau, soit 28 % des ouvrages à traiter, soit 1 % de l'ensemble des ouvrages obstacles à l'écoulement des cours d'eau français. De nombreuses études et publications scientifiques démontrent l'intérêt d'effacer des petits ouvrages en cours d'eau, tant pour la survie et la reproduction des poissons migrateurs que pour l'amélioration générale des fonctionnalités la rivière, de sa biodiversité et de la qualité de son eau. Le conseil scientifique de l'OFB a produit une note exposant des "éléments de réponse à certains arguments contradictoires sur le bien fondé du maintien et de la restauration de la continuité écologique dans les cours d'eau" (2018). Ainsi, l'effacement d'un petit nombre d'ouvrages n'est pas responsable des assèchements observés cet été sur de nombreux cours d'eau. Cette sécheresse est une conséquence du dérèglement climatique, parfois accentué par un usage trop intense de la ressource en eau. Il est vrai, en revanche, que des petits ouvrages en rivière peuvent contribuer à maintenir une ligne d'eau plus haute, ce qui entretient l'illusion d'une eau disponible, mais tend à masquer le dysfonctionnement structurel et la gravité de la sécheresse en cours. La politique de restauration de la continuité écologique n'a pas entravé le développement de la petite hydroélectricité, qui a progressé significativement au cours des dernières années (plus de 150 MW supplémentaires entre 2018 et 2021), et n'est limité que par le faible potentiel restant. Selon les projets identifiés auprès de la filière, ce sont 250 MW qui pourraient être installés d'ici 2028 (en sites vierges comme sur ouvrages existants), toutes tailles d'installations confondues. Ces chiffres sont provisoires, en cours de discussion avec les acteurs de l'hydroélectricité. Ils représentent 1 % environ des objectifs nationaux d'installation d'ENR sur la même période (programmation plurianuellede l'énergie 2023-2028). Le potentiel de développement peut donc objectivement être qualifié d'intrinsèquement limité. Le développement de la petite hydroélectricité doit être efficace, réaliste et planifié, en cohérence avec la nécessité de préserver et restaurer les écosystèmes aquatiques fonctionnels, indispensables à l'adaptation au changement climatique. À cette fin, le ministère encourage la concertation locale sur ces sujets hydroélectricité et milieux, pour rechercher les solutions les plus pragmatiques aux situations de blocage. Pour les cas ne trouvant pas de solution satisfaisante à ce niveau, l'intervention d'un médiateur national de l'hydroélectricité est rendue possible par le décret n° 2022-945 du 28 juin 2022 instituant une expérimentation de médiateur de l'hydroélectricité, dont l'arrêté de nomination a été publié le 20 décembre 2022. 

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