Question de Mme BRULIN Céline (Seine-Maritime - CRCE) publiée le 14/07/2022

Mme Céline Brulin attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales sur la gestion des boues des stations d'épuration par les collectivités gestionnaires de la compétence assainissement.
Plusieurs évolutions réglementaires sont intervenues ces derniers mois avec les lois n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (par son article 95) et n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (par son article 86), ainsi que par l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets.
Ces modifications se sont cumulées aux effets de la crise sanitaire de la covid-19, complexifiant d'autant la question de l'hygiénisation des boues. Depuis mars 2020, les conditions d'épandage de ces boues ont été modifiées pour limiter les risques de transmission du virus. Les collectivités et les intercommunalités doivent ainsi « hygiéniser » les boues d'épuration, pour réduire la présence des micro-organismes pathogènes (bactéries, virus et parasites).
Le décret pour la réglementation sur les matières fertilisantes a augmenté l'inquiétude des acteurs en la matière puisqu'il a tout simplement interdit l'épandage des boues des stations d'épuration.
Tout porte à penser que ces décisions ne tiennent absolument pas compte de la difficulté et de la capacité des collectivités territoriales à adapter leurs installations pour répondre aux enjeux de la mise en conformité des boues d'épuration et de l'adaptation des systèmes de traitement.
70 % des boues de stations d'épuration sont actuellement épandues en agriculture pour fertiliser les sols, ce qui reste le procédé le plus vertueux, durable et économique, ce qui n'est plus possible aujourd'hui. Les collectivités doivent donc faire face à un important surcoût de traitement généré par les modifications à mettre en œuvre.
Certes, les agences de l'eau ont mis en place un dispositif exceptionnel d'aide financière dans le cadre du plan de relance, pour accompagner les collectivités dans la gestion de leurs boues (stockage, transport, traitement) pendant cette période épidémique. Mais le montant reste faible, au regard des enveloppes budgétaires allouées par les collectivités à l'assainissement, et n'est affecté que pour les années 2021 et 2022.
C'est pourquoi, face à l'impact financier de l'évolution règlementaire, elle lui demande si le Gouvernement entend desserrer l'étau de la gestion des boues des stations d'épuration mis en place lors du Covid-19. Elle souhaite également connaître les dispositions envisagées pour accompagner financièrement et techniquement les collectivités et les intercommunalités dans la mise en conformité de la gestion de ces boues.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires


Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 08/12/2022

Les boues urbaines ont vu leurs conditions d'épandage modifiées suite à l'épidémie de COVID-19 (traitement complémentaire ou hygiénisation au sens de l'arrêté ministériel du 8 janvier 1998). Compte-tenu de l'évolution favorable de l'épidémie, du manque d'études prouvant le risque infectieux du virus ou des traces de virus présents dans les boues et les eaux usées et de l'impact financier de ces mesures sur le budget assainissement des collectivités, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a entrepris plusieurs actions. En premier lieu, une étude de parangonnage a été réalisée auprès de 7 pays européens. Cette étude a notamment mis en évidence qu'aucun des pays consultés ne semble avoir pris de mesures spécifiques du fait de l'épidémie. En effet, certains États ont estimé que les traitements requis avant épandage (notamment hygiénisation) et en vigueur avant le début de la pandémie permettent de prévenir du risque de propagation du virus. Cette information conforte les mesures prises au niveau national qui tendent à s'aligner sur celles appliquées dans ces États en situation courante. Par ailleurs, certains États ont estimé qu'aucune preuve scientifique ne documentait clairement que le COVID-19 se transmettait par la voie fécale-orale et donc via les boues (seules des traces de matériel génétique apparaissent dans l'eau mais celles-ci ne présentent pas de capacité infectieuse). Cette approche n'apparaît pas applicable en France, au regard du principe de précaution inscrit dans la charte de l'environnement annexée à la Constitution française. En parallèle, le ministère a lancé un état des lieux concernant la mise en œuvre des mesures réglementaires et des éventuelles difficultés soulevées. Il ressort des premiers retours que l'essentiel des dysfonctionnements constatés au niveau des stations préexistaient à l'épidémie de COVID-19 et n'ont donc pas de lien direct avec cette dernière. Au niveau des stations, le stockage des boues, préalablement à leur traitement ou leur épandage, semble la principale difficulté à laquelle les collectivités doivent faire face. L'envoi des boues vers des plateformes de compostage ou d'autres stations de traitement des eaux usées pour y être traitées ressortent comme les deux voies les plus privilégiées. Les stations d'épuration par lagunage et filtres plantés de roseaux sont particulièrement impactées. Pour le moment, les collectivités concernées ont majoritairement décidé de reporter l'extraction des boues issues de ces installations. Sur la base de ces éléments, le ministère a sollicité l'avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) sur l'opportunité de lever ou assouplir les restrictions actuellement en vigueur concernant l'épandage des boues et, le cas échéant, les conditions de mise en œuvre de ces mesures. Dans son projet d'avis qui sera rendu public d'ici la fin de l'année, le HCSP recommande de ne pas maintenir les mesures restrictives d'épandage des boues liées à l'épidémie de COVID-19, actuellement en vigueur. Ces éléments devraient donc permettre aux ministères chargés de l'environnement, de la santé et de l'agriculture d'abroger l'arrêté du 30 avril 2020 modifié qui précise les modalités d'épandage de boues pendant la crise de COVID-19. Les consultations nécessaires à la publication du texte d'abrogation seront lancées dès que cet avis sera officiellement publié. L'aide exceptionnelle versée par les agences de l'eau ayant pour but d'accompagner les collectivités pour les dépenses liées à l'hygiénisation ou au traitement préalable des boues avant épandage en période d'épidémie de Covid-19 a été renouvelée en partie sur les bassins en 2022, selon les priorités définies par leurs instances de gouvernance. Ainsi, seule l'agence de l'eau Adour-Garonne a intégralement prolongé ce dispositif d'aides exceptionnelles. Les agences de l'eau Rhone Mediterranée Corse, Loire Bretagne et Rhin-Meuse ont décidé de poursuivre le financement des investissements relatifs à l'hygiénisation des boues (dispositifs de déshydratation, y compris achat d'unités mobiles pour Rhone Mediterranée Corse, d'hygiénisation et de stockage des boues). Les agences de l'Eau Seine Normandie et Artois Picardie ont elles cessé les aides exceptionnelles liées au COVID-19.

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