Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 14/07/2022

M. Michel Canévet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, concernant les modalités d'application de la loi visant à nommer les enfants nés sans vie, publiée au Journal Officiel le 7 décembre 2021, qui complète l'article 79-1 du code civil.
Pendant longtemps, cet article n'envisageait que de manière limitée, sans permettre une réelle individualisation, la reconnaissance sociale de l'enfant né sans vie. Il ne prévoyait pas la possibilité de donner un prénom et un nom à cet enfant, mais seulement de mentionner les dates, heure et lieu de l'accouchement ainsi que l'identité des parents.
Puis, s'agissant de l'attribution d'un prénom à l'enfant sans vie, la pratique a évolué. Cette possibilité a été ouverte par l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 et confirmé par une circulaire interministérielle en 2009. Les familles ont massivement recouru à cette faculté. 94 % des actes d'enfant sans vie délivrés chaque année comprennent en effet la mention d'un prénom pour l'enfant disparu.
Enfin, la loi du 7 décembre 2021 poursuit cette logique d'individualisation de l'enfant né sans vie en permettant aux parents de lui attribuer un nom et ainsi d'accompagner leur deuil par une inscription mémorielle de l'enfant né sans vie à l'état civil.
Comme le rappelait le rapport de l'Assemblée nationale en date du 17 novembre 2021, « Si elle est adoptée, cette proposition de loi sera d'application immédiate. Cela signifie que les familles ayant vécu le drame de la perte d'un enfant sans vie avant la promulgation de la présente loi, et n'ayant pas encore sollicité un acte d'enfant sans vie, pourront le faire, sur présentation d'un certificat médical d'accouchement. Elles pourront dans ce cas apposer la mention d'un prénom et d'un nom sur l'acte.
S'agissant des familles ayant déjà sollicité un acte d'enfant né sans vie, il conviendra de solliciter la rectification du livret de famille aux fins d'ajouter la mention du nom de l'enfant. Il appartiendra au Gouvernement de préciser les modalités concrètes de cette procédure de rectification, par exemple en adaptant le décret du 15 mai 1974 relatif au livret de famille. »
Malheureusement, à ce jour, aucune adaptation ne semble envisagée. Or, de nombreuses familles souhaiteraient que la loi du 7 décembre 2021 leur soit également applicable.
Aussi, il lui demande sous quel délai et par quelle procédure (décret, circulaire, instruction…) ce texte pourrait être aménagé dans ce sens et appliqué par les services d'État civil.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/03/2023

La loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021 visant à nommer les enfants nés sans vie a prévu la possibilité de faire figurer dans l'acte d'enfant sans vie non seulement le ou les prénom (s) de l'enfant – possibilité déjà ouverte par la circulaire interministérielle DGCL/DACS/DHOS/DGS du 19 juin 2009 relative à l'enregistrement à l'état civil des enfants décédés avant la déclaration de naissance et de ceux pouvant donner lieu à un acte d'enfant sans vie, à la délivrance du livret de famille, à la prise en charge des corps des enfants décédés, des enfants sans vie et des fœtus – mais également un nom. Cette mesure soutenue par le garde des Sceaux a permis de compléter la reconnaissance symbolique de l'enfant qui n'est pas né vivant et viable afin de mieux accompagner les familles face à ces drames terribles. L'article 79-1 alinéa 2 du code civil prévoit ainsi désormais que : « Peuvent également y figurer, à la demande des père et mère, le ou les prénoms de l'enfant ainsi qu'un nom qui peut être soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Cette inscription de prénoms et nom n'emporte aucun effet juridique. L'acte dressé ne préjuge pas de savoir si l'enfant a vécu ou non ; tout intéressé pourra saisir le tribunal judiciaire à l'effet de statuer sur la question. ». L'article 2 du décret n° 2022-290 du 1er mars 2022 portant application de certaines dispositions de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil a, en conséquence, modifié l'article 4 du décret n° 74-449 du 15 mai 1974 relatif au livret de famille et à l'information des époux et des parents sur le droit de la famille, afin de prévoir l'indication du ou des prénom (s) et du nom de l'enfant né sans vie dans le livret de famille. La circulaire de présentation des dispositions issues de la loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021 visant à nommer les enfants nés sans vie diffusée par la direction des affaires civiles et du sceau le 12 juillet 2022 précise les modalités d'application dans le temps de cette faculté nouvelle. Elle rappelle à ce titre que : le législateur n'a pas prévu de disposition particulière relative à l'entrée en vigueur de la loi, laquelle est donc applicable immédiatement, y compris aux actes d'enfant sans vie déjà établis ; l'article 5 du décret du 1er mars 2022 rappelle la possibilité, pour les parents, d'inscrire sur le livret de famille l'acte d'enfant né sans vie quelle que soit la date d'établissement de cet acte. Ainsi, il est précisé dans la circulaire précitée du 12 juillet 2022 que : «  à la requête des deux parents, l'officier de l'état civil détenteur de l'acte d'enfant sans vie déjà établi le complète par l'indication d'un ou de prénoms et/ou d'un nom ». Ce complément prend la forme d'une mention en marge de l'acte d'enfant sans vie – et non d'une rectification de celui-ci – dont la formule est prévue par la même circulaire. Cette modification de l'acte d'enfant né sans vie permet dans un second temps aux parents ou à l'un d'entre eux de faire compléter leur livret de famille par l'officier de l'état civil ayant établi cet acte. L'arrêté du 3 mai 2022 modifiant l'arrêté du 1er juin 2006 fixant le modèle de livret de famille a, à ce titre, accordé une place identique dans le livret de famille à tous les enfants, qu'ils soient nés vivants et viables ou non. Ainsi,  l'ensemble des textes d'application a été pris afin de permettre la mise en œuvre effective de la loi précitée du 6 décembre 2021.

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